La Commission de surveillance du secteur financier suit de très près la qualité des actifs du secteur bancaire luxembourgeois. (Photo: Maison moderne / archives)

La Commission de surveillance du secteur financier suit de très près la qualité des actifs du secteur bancaire luxembourgeois. (Photo: Maison moderne / archives)

Régulièrement évoquée dans les milieux financiers, la thématique des créances douteuses (ces prêts que les particuliers, faute de revenus suffisants, ou les entreprises en manque de bénéfices sont dans l’incapacité de rembourser à leurs banques) est encore revenue sur le devant de la scène, il y a quelques jours, lors d’une intervention de Christine Lagarde à Bruxelles devant le think tank Bruegel (présidé par l’ancien gouverneur de la Banque centrale européenne Jean-Claude Trichet).

Comptablement désignées en tant que «prêts non performants» (NPL, non performing loans), ces créances pèsent un peu moins de 1.000 milliards de dollars dans les bilans des banques européennes. «Il faut terminer le nettoyage complet du secteur financier dans certains coins d’Europe, particulièrement dans le sud de l’Europe», a ainsi déclaré Mme Lagarde à Bruxelles, selon le quotidien économique français La Tribune.

Contrairement à d’autres pays européens, la qualité des actifs bancaires au Luxembourg reste bonne.

Danièle Berna-Ost, secrétaire générale de la CSSF

Certains pays sont évidemment davantage touchés que d’autres. Selon les données 2016 de la Banque centrale européenne, Chypre (avec un taux de créances douteuses de 47% par rapport à l’ensemble des créances), la Grèce (37%), l’Italie (17,5%) ou encore le Portugal (12,7%) sont les plus touchés. «Le secteur des entreprises, en particulier celui des petites et moyennes entreprises (PME), et le secteur de l’immobilier commercial ont été les principaux facteurs à l’origine de la détérioration de la qualité des actifs bancaires dans la zone euro», explique le rapport annuel de la BCE.

Après avoir enregistré un point bas fin 2007, à 2,5%, le taux de créances douteuses pour l’ensemble de la zone euro a atteint un point haut fin 2013, à 7,7%, avant de revenir à 6,7% mi-2016, «à la suite d’une action concertée de plusieurs pays (notamment l’Irlande, la Slovénie et l’Espagne) et de la légère amélioration de l’environnement macroéconomique», explique la BCE.

Et au Luxembourg? Sans réelle surprise, le pays est à l’autre extrémité du classement, dans la catégorie des très bons élèves. «Contrairement à d’autres pays européens, la qualité des actifs bancaires au Luxembourg reste bonne», confirme ainsi à Paperjam.lu Danièle Berna-Ost, secrétaire générale de la CSSF. «Le taux de créances douteuses s’élève à 1,6% fin décembre 2016 (soit un peu moins de 10 milliards d’euros, ndlr) et n’a pas évolué de manière significative au cours des dernières années.» Une donnée qui corrobore la conclusion délivrée par la Banque centrale européenne lors de son exercice de revue des grandes banques de la Place réalisé fin 2014.

Cette évaluation avait concerné 128 groupes bancaires de la zone euro, dont six banques luxembourgeoises (la BCEE, Precision Capital en tant qu’actionnaire majoritaire de la Bil et de KBL, State Street Bank, RBC Investor Services Bank, UBS et Clearstream) dont la solidité financière avait été largement démontrée.

La «bad bank» européenne au Luxembourg?

Faute de réel sujet de préoccupation de la part des autorités de surveillance, aucune mesure prudentielle spécifique n’a été prise en la matière. «Nous suivons la qualité des actifs du secteur bancaire luxembourgeois au moyen du reporting légal périodique, tel que prévu dans la réglementation européenne, et des rapports annuels établis par les réviseurs d’entreprises agréés. Cela couvre également le volet des expositions douteuses. Ces contrôles ‘off-site’, qui couvrent systématiquement toutes les banques, sont supportés par des contrôles sur place plus ciblés effectués par la CSSF.»

En janvier dernier, lors d’une visite au Luxembourg auprès du Mécanisme européen de stabilité, Andrea Enria, le chef de l’Autorité bancaire européenne (ABE), avait plaidé pour la création, au Grand-Duché, d’une «entreprise paneuropéenne de gestion d’actifs», appellation politiquement correcte pour désigner une «bad bank» dont l’objet serait justement la gestion de ces créances douteuses. Il avait qualifié cette création d’«urgente et réalisable».

Pierre Gramegna, en réponse à une question parlementaire de Laurent Mosar, avait indiqué, en mars dernier, que «le gouvernement est disposé à examiner la faisabilité de la création d’une ‘bad bank’ à l’échelle européenne, sa compatibilité avec le droit de l’Union et les modalités d’une telle structure sur base d’une proposition de la Commission».

Les progrès sur la voie d’une réduction de l’encours de créances douteuses restent lents.

Rapport annuel 2016 de la Banque centrale européenne

Or justement, une telle proposition est loin d’être posée sur la table. Selon l’agence de notation Moody’s, «un tel schéma serait difficile à mettre en pratique, car il requiert probablement des fonds publics et, de ce fait, un engagement politique qui ne semble pas sur le point d’arriver».

Dans son rapport annuel 2016, la Banque centrale européenne notait que «les progrès sur la voie d’une réduction de l’encours de créances douteuses restent lents. Au niveau des banques, les explications tiennent, entre autres, à une capacité opérationnelle inadaptée, à un manque d’expérience dans la gestion des créances douteuses, à des contraintes de fonds propres et à une faible rentabilité».