Marianne Pesch (Photo: David Laurent/Wide)

Marianne Pesch (Photo: David Laurent/Wide)

Il y a quelques mois, jamais Marianne Pesch n’aurait imaginé se retrouver finaliste de cette édition du Dexia Woman Business Trophy. Elle ne pensait même pas pouvoir y participer. «En tant qu’agricultrice, on ne s’imagine pas au cœur du monde de l’entrepreneuriat, commente-t-elle. Avant que l’on me contacte et que l’on me propose de m’inscrire, je ne me sentais tout simplement pas concernée.»

Et pourtant, cheffe d’entreprise, Marianne Pesch se considère comme telle et ce, depuis qu’elle a épousé son mari en 1967. «On nous qualifie toujours, les femmes d’agriculteur, comme des conjoints aidants. Or, nous sommes bien plus que cela. Nous sommes des entrepreneurs à part entière, au même titre que nos époux», s’exclame-t-elle. En se mariant, cette fille d’ouvrier de l’industrie est entrée dans le monde agricole. Un secteur qu’elle a découvert petit à petit, aux côtés de son mari et de sa belle-mère, en s’investissant, en développant des projets. Dans un premier temps, le couple élève des vaches laitières et des cochons. Au cœur des années 90, ils décident d’abandonner la production de lait pour se consacrer à l’engraissement de porcs et de bovins.

En 2006, le couple veut aller plus loin et introduit des demandes d’autorisation en vue de mettre sur pied un nouveau projet. «Il s’agissait d’une étable destinée à l’élevage et l’engraissement des porcs que nous voulions construire à 400 mètres du village. Bien qu’ayant toutes les autorisations des ministères, le permis de bâtir nous a été refusé par la commune de Roeser qui nous a suggéré un autre terrain un peu plus éloigné du village pour développer ce projet.»Le couple a donc dû revoir ses plans et entreprendre de nouvelles procédures.

Le mari de Marianne Pesch tombe alors malade et décède en février 2008, avant que le couple n’ait eu le temps de rassembler l’ensemble des autorisations. A 50 ans, Marianne Pesch, mère de deux enfants déjà grands, ne veut pas abandonner. «Nous nous sommes demandé, avec mon fils aîné qui travaille avec moi dans l’exploitation, si nous serions capables de mener à bien et de gérer ce projet, explique-t-elle. Mais agricultrice, c’est ma profession, ma passion. Ce projet, c’était le nôtre. Lui ne l’aurait pas abandonné, moi non plus.»

C’est donc avec courage et une rare ténacité que Marianne Pesch porte ce projet familial, décrochant les feux verts ministériels au printemps 2008 et celui de l’administration communale en juin de la même année. L’investissement est important, et n’aurait d’ailleurs pas été possible sans l’aide de l’Etat. En septembre 2008, les travaux de ce nouveau bâtiment sont lancés et les problèmes commencent.

Car l’administration communale se lance dans une procédure judiciaire avec un recours gracieux contre les autorisations délivrées par le ministère de l’Environnement. Déboutée en première instance, la commune a fait, depuis, appel.

Donner une image positive

Le 31 mai dernier, l’agricultrice organisait avec succès une journée portes ouvertes sur le site de sa toute nouvelle étable qui a accueilli 105 truies et qui comprend des places pour 460 porcelets et 640 porcs à engraisser. «Il faudra voir, une fois que les premiers porcelets naîtront, comment mon fils et moi parviendrons à gérer cela sans l’aide de mon mari», s’interroge encore Marianne Pesch.

Mais la femme fait face et au cours de sa carrière, elle est parvenue à bien s’entourer et s’est formée pour mieux s’affirmer, mieux avancer. Parce qu’elle ne voulait pas s’isoler dans sa petite exploitation, mais plutôt s’ouvrir aux autres, elle s’est investie dans divers mouvements, auprès des femmes dans le monde agricole, au sein des syndicats du secteur, au niveau de la Chambre de l’agriculture ou encore à Bruxelles. «Nos problèmes, d’autres les rencontrent peut-être, et il est utile d’en parler ensemble, de chercher des solutions communes.»

Certes, le métier d’agriculteur a beaucoup évolué ces dernières années. Il n’en demeure pas moins vrai qu’elles sont peu nombreuses, comme elle, à tenir les rênes d’une exploitation de cette envergure. «Pourtant, aujourd’hui, avec les législations, les obligations administratives, une exploitation agricole se gère autant, sinon plus, depuis le bureau qu’au cæur de l’exploitation», précise-t-elle.

D’ailleurs, si Marianne Pesch s’est inscrite à ce concours, c’est pour elle, mais surtout pour l’agriculture et les agricultrices en général. «Dans un secteur particulièrement secoué par la crise, souvent décrié et fortement dépendant des conjonctures économiques, il est primordial d’en donner une image positive, explique-t-elle. Me retrouver finaliste de concours est déjà pour moi extrêmement motivant, et je pense que ça peut l’être pour d’autres femmes agricultrices.»

La prime à la clé de ce concours devrait lui permettre, si elle l’emporte, de concrétiser un projet qui lui tient à cœur. «Nous avons, au sein de notre exploitation, un petit centre d’abattage qui nous permet de vendre nos produits directement au consommateur, de les valoriser ainsi au mieux et, par là, de défendre la qualité de notre travail, conclut-elle. J’aimerais agrandir cet atelier, mais avec les investissements faits par ailleurs, cela doit attendre. Cette prime serait donc la bienvenue.»