Des conseils d'investissement par échanges de SMS: un scénario qui n'a plus rien de science-fiction. (Illustration: Maison Moderne)

Des conseils d'investissement par échanges de SMS: un scénario qui n'a plus rien de science-fiction. (Illustration: Maison Moderne)

Comme le révèle le chapitre «Advice goes digital», extrait d'une étude internationale d’EY menée par la branche américaine du groupe, les actifs sous gestion automatisée représentent aujourd’hui 0,01% des actifs sous gestion aux États-Unis, soit déjà l’équivalent de 3,5 milliards de dollars. Informations sur les marchés, interactions avec le client ou échanges de données sont bousculés par la digitalisation grandissante des contenus. «L’effervescence des fintech se traduit par l’arrivée d’acteurs non financiers sur le terrain de la banque privée, introduit Gaël Denis, partner et fintech leader. En termes d’impacts, cela se reflète dans de nouveaux business models et des tarifs adaptés.»

Ces nouveaux arrivants marchent sur les plates-bandes des banquiers privés, même si, moins exigeants sur le ticket d’entrée, leur cible potentielle est plus vaste. Différents services sont offerts à de nouveaux prospects. «Le gâteau va croître, puisque les fintech s'adressent généralement à un segment sous-servi par la gestion de fortune, soit tous les clients qui disposent de moins d’un million d’euros à investir, indique Olivier Maréchal, responsable des activités de conseil pour le secetru financier, ce qui élargit le marché. La tranche de 500.000 à 1 million n’avait jusqu’alors pas de solution dédiée et très peu de conseils.» «Avec les fintech, on arrive presque à la banque privée pour tous, renchérit Gaël Denis. Le secteur se développe très vite. Si on prend le cas du Luxembourg, il y a 18 mois, on parlait essentiellement de paiement. Aujourd’hui, on voit les projets se multiplier dans la titrisation, la blockchain, les monnaies virtuelles… C’est déjà une réalité tangible.»

Autre effet collatéral pour les profils déjà clients: une expérience plus agréable et un service plus rapide. «De nombreux banquiers privés ont consenti à des efforts pour améliorer l’intuitivité et l’ergonomie de leur site web ou apps et proposer de nouveaux moyens de communication. Les questionnaires en ligne, par exemple, sont plus ludiques et moins formels, soutient Olivier Maréchal. Il n’y a plus une banque privée sans projet digital, même si certaines sont plus avancées que d’autres.» Au sein du secteur bancaire, les réactions sont diverses. Certains acteurs prennent le parti de racheter leurs concurrents, souvent dotés de peu d’actifs, plus innovants, flexibles et moins réglementés. D’autres créent leur propre incubateur. «L’IT bancaire étant assez lourde, les banques sont nombreuses à lorgner sur la souplesse des start-up. Dans ces dernières, certaines sont créées dans l’idée de se faire racheter, continue-t-il. En montant une division dédiée, autre scénario, elles en font un relais de croissance.»

Générations digitales

En proposant de nouvelles manières d’interagir avec leurs clients, les gestionnaires de fortune se préparent à répondre aux demandes des digital natives, Y ou millennials, leurs futurs clients. «On assiste à un passage de témoin entre générations, remarque Olivier Maréchal. En Europe, le système des retraites actuel n’étant plus soutenable, on se dirige vers davantage d’épargne individuelle. Ce qui peut faire le miel des fintech.» Comme la base de clients s’élargit pour cibler des portefeuilles plus petits, la gestion de fortune peut toucher une clientèle à la fois plus large et plus jeune, dotée d’attentes et d’exigences différentes de ses prédécesseurs. «La question du renouvellement des clients a souvent été problématique dans la sphère de la banque privée, souligne Olivier Maréchal. Aux États-Unis, par exemple, les millennials représentent déjà 80 millions de citoyens, c’est une manne potentielle à ne pas négliger.»

Et Gaël Denis de constater: «Si on prend la génération Y, certains commencent à avoir 35 ans et souhaitent faire quelque chose de leur épargne. Ils vont sûrement investir plus tôt dans leur cycle de vie que leurs aînés. Les digital natives sont nés avec les réseaux sociaux, ils font souvent plus confiance à leur réseau qu’à des experts. Ils recherchent avant tout une transparence pour pouvoir comparer les prix. La rapidité l’emporte sur la technicité. Ils visent ainsi pour la plupart une performance normale sur le marché.» Big data, data mining, social trading, réseaux sociaux ou crowdfunding modifient ainsi les règles du jeu. «Le rating d’un individu peut déjà se faire sur base de ses connexions Facebook. On est encore au début. Avec les robo-advisors, on va vers une industrialisation toujours plus importante.»

Grâce à l’explosion des TIC, on voit également apparaître des modèles de prévision plus automatisés. «En automatisant la recherche et la production d’informations, on baisse les coûts», souligne Olivier Maréchal. Se pose alors la question des marges et du modèle tarifaire à appliquer. «Dans le contexte réglementaire actuel, le pricing classique est mis à mal, complète-t-il. Il devient de plus en plus compliqué de se rémunérer avec des rétrocessions ou des commissions sur transactions. Se financer uniquement sur du conseil est également compliqué. C’est un des grands défis. La logique qui prévaut ne vise plus le transactionnel, mais la qualité.»

Et Gaël Denis de compléter: «Les banques privées traditionnelles ne sont pas forcément perdantes, puisque le marché grandit. Malgré l’incertitude, c’est un nouveau monde qui s’ouvre. La condition est qu’elles prennent le train du digital et revoient leurs modèles d’affaires.» «Du côté des fintech, on est dans une phase d’effervescence très riche. De nombreux projets voient le jour. Si une bonne partie d’entre eux va disparaître, on reste face à des changements de fond», achève Olivier Maréchal.

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Disruptions en série

De nouveaux services d’investissement 100% digitaux sont en train de modifier le paysage de la gestion de fortune. L’an passé, rien qu’aux États-Unis, 12 milliards de dollars de capitaux privés ont été placés dans des fintech. La concurrence des acteurs digitaux n’est plus si marginale. C’est un des constats du chapitre «Advice goes virtual» extrait du rapport d’EY Global Financial Services Institute. Ce qui rapproche les nouveaux arrivés sur le terrain de la banque privée, c’est une combinaison d’expérience client simplifiée et de tarifs ultra compétitifs, mais aussi une transparence accrue sur les services délivrés. Les trois raisons les plus citées par les sondés d’EY pour faire appel à une fintech sont la facilité de création d’un compte, des tarifs plus attractifs et un accès à des produits différents. Ces acteurs digitaux sont, en effet, nombreux à proposer des interfaces ludiques, faciles à utiliser, dotées de technologies plus intégrées et automatisées, et surtout adaptées aux contenus digitaux des clients. Les conseils d’investissement se délivrent en ligne, sur base d’informations personnelles et issues du réseau de l’investisseur, et non plus en face-à-face. En diminuant les tarifs, ainsi que la mise minimale de départ, ils peuvent cibler un marché de masse et s’adresser à des clients non approchés par le passé. Le rapport révèle aussi que 15% des consommateurs américains digitalement actifs utilisent certains services fintech. Très rapide, le niveau d’adoption pourrait doubler dans les 12 mois.