Paperjam.lu

 (Photo: Castegnaro-Ius Laboris Luxembourg)

Afin de protéger les parents qui souhaitent s’occuper de leurs jeunes enfants, le Code du travail prévoit que la résiliation du contrat de travail, prononcée par l’employeur à partir du dernier jour du délai pour demander un congé parental et pendant toute la durée du congé parental, est nulle et sans effet[1].

Le législateur a cependant écarté certains salariés de cette protection et notamment les salariés qui sont encore à l’essai, pour lesquels le «droit au congé parental ne peut prendre effet et le congé ne peut être demandé qu’après l’expiration de la période d’essai»[2].

Cette disposition ne constitue-t-elle pas une violation du principe constitutionnel d’égalité de traitement, alors qu’elle crée une différence de traitement entre les salariés qui sont encore en période d’essai, et les autres? Le Président de la cour d’appel a notamment répondu à cette interrogation par une ordonnance datée du 20 octobre 2016.

Dans cette affaire, une salariée avait été engagée par contrat de travail à durée indéterminée avec une période d’essai de 6 mois.

Du fait d’une grossesse intervenue pendant l’essai, la période d’essai a été suspendue pendant toute la grossesse et jusqu’à la fin du congé de maternité, pour ne reprendre que 12 semaines après l’accouchement[3].

Pendant cette période de suspension de l’essai, la salariée avait sollicité, dans les formes et délais imposés par la loi, le bénéfice du premier congé parental à temps plein, devant prendre effet à l’issue du congé de maternité. Cette demande avait été accordée par l’employeur[4].

Malgré cela, l’employeur avait ensuite résilié le contrat à l’essai de la salariée, avec préavis.

L’employeur était-il en droit de résilier le contrat à l’essai? En ayant accordé le congé parental, l’employeur n’avait-il pas admis que la salariée était bien protégée contre un licenciement?

«Non, car l’employeur ne peut pas créer une protection contre le licenciement non prévue par la loi.

Le Code du travail est clair[5] ni la demande de congé parental, ni sa prise d’effet ne peuvent avoir lieu tant que le salarié est à l’essai. Pour le Président de la cour d’appel, cette exclusion s’explique ‘par la circonstance que la prise du congé parental pendant la période d’essai empêcherait l’employeur d’utiliser effectivement les mois prévus par la clause d’essai pour vérifier l’adéquation du salarié pour le poste déterminé’ et ‘l’empêcherait de rompre l’essai dans l’hypothèse où ce dernier ne serait pas concluant’.

Ainsi, la salariée n’était pas en droit de demander un congé parental, tant qu’elle était à l’essai, et ‘l’employeur, ni d’ailleurs la Caisse des prestations familiales n’étaient autorisés à accorder à la salariée un congé parental, sauf à méconnaître, respectivement, violer la loi’.

Peu importe que l’employeur ait expressément accordé le congé parental, la protection contre la résiliation du contrat à l’essai étant en toute hypothèse inexistante. La demande de la salariée en congé parental étant irrégulière, elle ne pouvait dès lors pas bénéficier de la protection spéciale contre la résiliation de son contrat de travail.

Les salariés à l’essai sont-ils discriminés?

«Selon l’article 10bis (1) de la Constitution, les Luxembourgeois[6] sont égaux devant la loi. Ceci implique que toutes les personnes qui se trouvent dans la même situation soient traitées de la même façon par la loi, les différences de traitement n’étant possibles que si elles procèdent de disparités objectives et sont rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but.

Or, dans l’affaire commentée, pour le Président de la cour d’appel, la nature et le régime juridique du contrat à l’essai, d’une part, et du contrat de travail à durée indéterminée, d’autre part, sont fondamentalement différents, puisque le premier n’est pas définitif, à la différence du second.

En conséquence, ‘la différence de traitement entre ces deux catégories procède bien de disparités objectives et est rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but’.

En conclusion, tant que la période d’essai n’est pas arrivée à son terme, le salarié n’est pas en droit de demander et de prendre un congé parental. Ainsi, toute demande de congé parental formulée pendant la période d’essai est irrégulière et n’entraîne aucune protection contre le ‘licenciement’, et ce même si l’employeur a répondu favorablement à la demande.»

Tout employeur doit alors être vigilant à ne pas accorder de congé parental tant que l’essai est en cours, ‘sauf à méconnaître, respectivement, violer la loi’.

À noter que ces recommandations survivront avec l’entrée en vigueur de la loi du 3 novembre 2016 modifiant les dispositions relatives au congé parental, les articles commentés en l’espèce n’ayant pas été impactés par la réforme.»

Ordonnance du Président de la cour d’appel, 20 octobre 2016, n°43943 du rôle

[1] Article 234-48 (2) du Code du travail devenu article L. 234-47 (8) avec la loi du 3 novembre 2016 portant réforme du congé parental. Cette protection, qui est d’ordre public, a bien évidemment été conservée par le législateur dans le cadre de la réforme du congé parental, qui doit entrer en vigueur le 1er décembre 2016.

[2] Article L. 234-48 (6) du Code du travail devenu article L. 234-48 avec la réforme. À noter que cette disposition a également été préservée dans le cadre de la réforme de 2016.

[3] Cette suspension de l’essai est prévue par l’article L. 337-3 du Code du travail.

[4] La demande de la salariée avait également été admise dans un premier temps par la Caisse nationale des prestations familiales [entre-temps devenue la Caisse pour l’avenir des enfants], qui lui a cependant ensuite notifié son refus de prendre en charge l’indemnité pour le congé parental à temps plein.

[5] Article L. 234-48 (6) du Code du travail devenu article L. 234-48 avec la réforme.

[6] Ce principe est appliqué à tout individu touché par la loi luxembourgeoise.