Jos Van Bommel est associate professor à la Luxembourg School of Finance. (Photo: Annabelle Denham / archives)

Jos Van Bommel est associate professor à la Luxembourg School of Finance. (Photo: Annabelle Denham / archives)

Qu’est-ce que la compétition fiscale? Du point de vue d’un économiste, la concurrence fiscale est comparable à la concurrence sur les autres marchés. Comme dans l’industrie automobile ou celle des boissons, il existe une concurrence entre les différents services fiscaux, c’est-à-dire entre les pays. Il s’agit d’une concurrence par les prix et les services. Le pays qui peut offrir le meilleur service au meilleur prix gagne le client. Ici, le prix est le taux d’impôt.

Les «tax rulings» ne sont qu’un moyen de se concurrencer. Par ces contrats, auparavant secrets et souvent négociés par des intermédiaires, les services fiscaux (des Pays-Bas, de l’Irlande, ou du Luxembourg) gagnaient des clients en leur proposant les meilleurs prix (les taux plus bas). Avec ces tax rulings, beaucoup de multinationales ont pu baisser leurs charges fiscales en transférant une grande partie de leurs bénéfices dans des pays offrant ces services.

L’affaire LuxLeaks a éclairé cette pratique, qui est devenue mal vue (décriée). Aujourd’hui les pays peuvent encore se faire concurrence via les tax rulings, mais plus en secret.

En plus, il y a les projets sur Beps de l’OCDE qui cherchent une meilleure transparence et une meilleure équité dans l’allocation de bénéfices par les multinationales, qui est, dès aujourd’hui limitée par les lois sur le transfer pricing.

Les petits pays ont un important avantage dans la concurrence fiscale, y compris dans un monde transparent.

Jos Van Bommel (Luxembourg School of Finance)

Mais la compétition fiscale continuera, et peut-être de manière plus féroce, grâce à l’augmentation de la transparence.

La bonne nouvelle pour le Luxembourg est que les petits pays ont un important avantage dans la concurrence fiscale, y compris dans un monde transparent.

Pour beaucoup d’activités, les grands pays ne peuvent pas égaler les taux plus bas de leurs petits voisins, parce que les pertes d’une telle réduction coûteraient davantage que les recettes récupérées de ces voisins. Les petits pays gagnent toujours!

Considérons, par exemple les taxes de consommation dans le commerce des carburants. En baissant le taux d’impôt, le petit pays peut mettre le prix à 0,85 euro par litre, quand de l’autre côté des frontières le même produit peut coûter 1 euro. À cause de cette différence de prix, le grand pays peut facilement perdre 200 millions de litres qui, autrement vendus et taxés dans ses frontières, peut rapporter 100 millions annuels en recettes fiscales. Le grand pays pourrait considérer de récupérer ces 200 millions de litres, mais il perdrait beaucoup plus que les 100 millions en recettes fiscales sur le carburant à cause de la baisse de prix (taux) sur l’ensemble de son territoire.

De l’autre côté, le petit pays ne veut pas augmenter le prix, car pour lui la perte de clientèle serait plus importante que les bénéfices d’une augmentation des prix.

Autrement dit, le fait que dans les petits pays le prix des carburants (et des autres produits taxés) sont plus bas est un équilibre économique.

Cet équilibre est intéressant pour le Luxembourg, comme le montrent les chiffres: selon Eurostat, la consommation des carburants (essence et diesel) per capita était, en 2014, de 635 litres par personne et année dans nos pays voisins. Par contre, au Luxembourg, on a dépensé 1.909 millions de litres, ou 3.397 litres par personne. En supposant que les Luxembourgeois eux-mêmes consomment 635 litres par personne/année comme leurs voisins, un simple calcul montre que les étrangers achètent plus de 1,5 million de litres de carburant par an dans nos stations-service. Si on compte 0,50 euro par litre de taxe, ça fait 750 millions d’euros, soit plus que 1.500 par citoyen par an. Pas mal.

La «compétition fiscale» et l’avantage des petits pays fonctionnent sur tous les produits et services, et pour toutes les taxes, indirectes (p.e. sur la consommation), mais aussi les directes (p.e. sur le revenu), pourvu que l’objet d’imposition soit transportable ou transférable.

Prochaine contribution, le 1er avril: Gerdy Roose (BDO)