Le siège de Commerzbank Luxembourg au Kirchberg. (Photo: Valentiny architects)

Le siège de Commerzbank Luxembourg au Kirchberg. (Photo: Valentiny architects)

Le Parquet général luxembourgeois se défend vigoureusement dans un communiqué de presse d’avoir été victime de pression politique pour son refus signifié à la justice allemande, qui le sollicitait pour effectuer une perquisition à la Commerzbank. Il s'agissait, selon nos informations, de demander la levée du secret bancaire sur le compte d'un gestionnaire de fortune auprès d'un établissement financier au Grand-Duché pour tomber ensuite sur les comptes des clients, soupçonnés d'être des évadés fiscaux.

Si la justice luxembourgeoise n’a pas donné suite aux enquêteurs allemands, c’est parce que les conditions de l’entraide judiciaire en matière pénale n’étaient pas données, a fait savoir le communiqué du Parquet, en réponse aux assertions de la presse d’outre-Moselle. Le quotidien Süddeutsche Zeitung indiquait dans son édition de mardi que des perquisitions étaient intervenues le même jour au siège de la banque allemande Commerzbank à Francfort, à l'encontre de personnes soupçonnées d'avoir organisé de l'évasion fiscale au Luxembourg.

Le journal allemand écrivait que «plus de 150 magistrats, enquêteurs du fisc et policiers ont commencé mardi de premières perquisitions à l'encontre de fraudeurs du fisc et de leurs complices luxembourgeois (et) qu'au centre de ces perquisitions se trouvait Commerzbank».

Cas anciens

Selon un communiqué de la banque allemande, l’enquête «porte sur des cas anciens, vieux de 10 ans ou plus qui seront examinés en interne et en coopération avec les enquêteurs». La Commerzbank ajoutait qu’elle exigeait désormais «une transparence absolue» sur le statut fiscal de ses clients au Luxembourg.

Relayée par d’autres médias allemands, l’information a donné lieu à des commentaires au sujet des difficultés des enquêteurs allemands à obtenir la collaboration de leurs collègues au Luxembourg. D’aucuns ont vu dans le refus du Parquet général de Luxembourg, seule autorité compétente pour accorder la levée du secret bancaire et autoriser les perquisitions, le résultat d’une pression du ministre luxembourgeois de la Justice.  

Or, comme le signale l'avocat général Jeannot Nies dans un communiqué, la politique n’a aucune prise dans les questions liées à l’entraide judiciaire en matière pénale, les deux mondes étant strictement séparés comme l’impose la loi du 8 août 2000 sur la coopération judiciaire. Les dispositions sur l’entraide prévoient toutefois certains préalables, comme celui de la double incrimination. Pour donner son feu vert à des perquisitions dans une banque, comme le demandaient les enquêteurs allemands, il est nécessaire que la demande s’appuie sur des indices sérieux documentant une escroquerie fiscale, avec des manœuvres systématiques et des montants significatifs.

De simples soupçons de fraude fiscale sont ainsi insuffisants pour que la justice luxembourgeoise accorde son aide aux Allemands.

Fishing expedition

Dans le cas des fraudes présumées de la Commerzbank, l’enquête allemande s’appuie sur de simples soupçons.

Selon Jeannot Nies, des contacts, notamment par téléphone, avaient été pris avec la justice allemande et les enquêteurs s’étaient engagés à fournir pour la mi-janvier deux dossiers «tests» afin que les magistrats grand-ducaux puissent déterminer qu’il existait des indices d’escroquerie fiscale avant d’accepter de transmettre les dossiers à l’étranger et que ces dossiers remplissaient les conditions légales de l’entraide pénale selon la législation de 2000. Or, les Allemands n’ont pas donné suite à leurs promesses, selon l’avocat général.

Jeannot Nies soupçonne ainsi les enquêteurs allemands d’avoir voulu aller à la pêche aux informations sans disposer de beaucoup d’éléments et en espérant que les perquisitions au Luxembourg leur fournissent les preuves qui leur manquent. «Ça s’appelle de la fishing expedition», a expliqué l’avocat général à Paperjam.lu.