Julien Schaffner (photo) et Pascal Martino voient les réseaux sociaux comme un moyen pouvant servir les ambitions stratégiques d'une entreprise. (Photo: Deloitte Luxembourg)

Julien Schaffner (photo) et Pascal Martino voient les réseaux sociaux comme un moyen pouvant servir les ambitions stratégiques d'une entreprise. (Photo: Deloitte Luxembourg)

Le Luxembourg se situe dans une situation paradoxale aujourd’hui où la place financière a besoin de maintenir sa position de leader dans les services financiers et répondre aux pressions réglementaires, tout en innovant afin de rester compétitive face aux nouveaux entrants et attirer de nouvelles catégories de clients. Mais les acteurs de la Place sont dépendants pour la plupart des politiques - et des budgets afférents - avalisés au niveau groupe, laissant parfois peu de marge de manœuvre à leurs entités locales. Nous constatons toutefois que tous nos clients ont déjà lancé un certain nombre d’initiatives digitales à leur échelle pour répondre à des urgences opérationnelles et commerciales.

Nous ne sommes qu’au début de la révolution digitale.

Pascal Martino et Julien Schaffner, Deloitte Luxembourg

Même si certains professionnels considèrent que la révolution digitale est déjà bien en marche, nous pensons que nous n’en sommes qu’au début. Pensez simplement qu’en Chine, actuellement, les fintech ont déjà autant de clients individuels que les banques traditionnelles. Certes, le Luxembourg est difficilement comparable, de par son histoire, la maturité de son marché et la typologie de ses clients, mais ceci démontre tout de même le pouvoir de pénétration des fintech sur une population non captive attirée par des offres attractives, simples d’accès et souvent innovantes. L’économie globale a bien senti ce mouvement de fond, si bien qu’en à peine cinq ans, l’investissement dans les fintech a été décuplé, arrivant à un montant total de plus de 19 milliards de dollars d’après la récente étude menée par le groupe Citi.

Ce n’est pas une surprise de préciser que parmi ces investissements, la blockchain représente une part non négligeable. Notre récente étude menée conjointement avec l’Efma a démontré que 92% des dirigeants de l’industrie financière européenne estiment que la blockchain va transformer leur métier et leur modèle opérationnel.

Après plusieurs années d’observation attentiste, les initiatives se multiplient sur la Place afin de comprendre au mieux l’impact potentiel de ces nouvelles tendances et de saisir les opportunités qu’elles apportent plutôt que de les subir à moyen terme.

Quelles sont les recommandations de Deloitte pour aider les établissements de service financier à aborder cette transformation digitale?

Nous conseillons habituellement à nos clients d’aborder leur transformation digitale en travaillant sur trois axes en parallèle:

  1. La préservation des revenus actuels et la création de nouvelles sources de revenus;
  2. La rationalisation de leur structure de coûts;
  3. L’amélioration de la vitesse d’adoption des nouvelles technologies.

C’est l’action conjointe sur ces trois axes en parallèle qui permettra de positionner au mieux l’acteur financier au sein de son marché actuel, mais surtout dans une position avantageuse pour relever les défis à venir et tirer parti de l’évolution rapide du marché et de toutes les innovations apportées chaque jour.

Une bonne stratégie digitale ne doit pas être uniquement au service de la technologie.

Pascal Martino et Julien Schaffner, Deloitte Luxembourg

Parmi nos clients, nous constatons souvent que nombre de projets ont été lancés et sont encore en cours, mais qu’ils ne sont pas toujours en lien avec la stratégie de l’entreprise. Une bonne stratégie digitale se doit d’être au service de la stratégie globale de l’entreprise, et ne pas être au service de la technologie uniquement. Lancer une nouvelle fonctionnalité sur son application doit être le fruit d’une réflexion et d’une ambition dessinée au niveau de la direction de l’entreprise: pour lancer une nouvelle offre de services et conquérir ainsi de nouveaux clients et marchés, augmenter la rentabilité de certaines catégories de clients en poussant de manière active des produits leur correspondant, ou globalement améliorer l’expérience utilisateur dans un exercice global de recentrage de l’entreprise auprès de ses clients.

Nous pouvons citer l’utilisation des réseaux sociaux comme un moyen pouvant servir les ambitions stratégiques de l’entreprise. De nombreuses initiatives ont déjà démontré l’efficacité de l’utilisation des réseaux sociaux dans la protection de la réputation et l’acquisition de nouveaux clients. Il suffit de se souvenir que 90% des clients ont tendance à faire confiance aux recommandations de leurs pairs sur les réseaux sociaux et que cela représente un taux supérieur à plus de sept fois l’impact des publicités classiques. Pourtant, ce canal nous semble toujours sous-utilisé au Luxembourg et même plus largement dans nos pays voisins. Ceci ne peut évidemment fonctionner que de pair avec une vraie stratégie média et marketing couplée à une stratégie d’exploitation des données. En effet, toutes ces interactions génèrent énormément de données que les établissements doivent pouvoir compiler et analyser afin de mieux connaître leurs prospects et clients. Il y aura ainsi 70 milliards d’objets connectés d’ici à 2020 qui seront sources d’autant d’interactions possibles entre les entreprises et leurs clients, et porteront le volume de données créées à 73 zettaoctets d’ici là.

Il est urgent d’agir afin de mettre en place une organisation digitale agile.

Pascal Martino et Julien Schaffner, Deloitte Luxembourg

Le digital permet également de rationaliser ses coûts à bien des niveaux, de leurs opérations et de leur informatique. Nous voyons ainsi de plus en plus de clients lancer des banques 100% digitales en Europe mais aussi au Luxembourg, le paysage va donc s’en trouver profondément modifié dans les prochains mois. Ces nouveaux entrants vont bénéficier d’une agilité hors normes comparativement aux banques et professionnels du service financier en place. Il est donc urgent d’agir afin de mettre en place une organisation digitale agile qui pourra lancer rapidement de nouveaux services sur le marché. Cela passe par une refonte de son organisation propre afin de créer la structure nécessaire au changement, puis par une digitalisation complète des processus-clés de l’entreprise afin d’être compétitif avec les services des acteurs 100% digitaux – sur un processus d’entrée en relation client par exemple.

Le temps des projets fleuves délivrant de premiers résultats après plusieurs années est révolu.

Pascal Martino et Julien Schaffner, Deloitte Luxembourg

Il n’est parfois pas nécessaire d’investir massivement dans un programme visant à déployer une nouvelle technologie afin d’atteindre «l’état de grâce» digital – à savoir le processus intégralement digital signifiant donc «zéro papier» et souvent une authentification en ligne, de nombreuses solutions étant disponibles aujourd’hui pour digitaliser l’opération spécifique ou le «sous-processus» non optimisé dans votre chaîne de valeur. Une bonne connaissance du marché et de tous les nouveaux acteurs est alors nécessaire pour identifier la meilleure solution répondant à votre besoin spécifique, ce qui passe souvent par un tiers ayant une vue paneuropéenne des fournisseurs de solutions classiques mais aussi des fintech. Certaines banques innovantes telles que Fidor en Allemagne ont adopté une approche différente, dont le principe est de laisser libre accès à leurs API, permettant ainsi à des partenaires proposant de nouvelles fonctionnalités de s’intégrer à leur solution web, pour finalement étendre leur offre de services et augmenter leurs sources possibles de revenus.

Si toutefois l’établissement décide d’investir dans une nouvelle technologie, il est recommandé de travailler en mode agile en s’aidant de «proof of concept» qui permettront de valider le concept sur une application fonctionnelle bien délimitée et d’éprouver son intégration dans le système d’information existant. Le temps des longs projets fleuves délivrant de premiers résultats concrets après plusieurs années est révolu aujourd’hui – dès lors que l’entreprise a pu mettre en place l’organisation et l’architecture technique nécessaires - et l’entreprise doit être en mesure de répondre rapidement aux nouvelles tendances digitales du marché en testant rapidement de nouveaux concepts sur leurs clients.

Nos analyses confirment que l’industrie bancaire va quasiment doubler ses investissements dans le digital d’ici à 2020 pour atteindre près de 9 milliards de dollars. Certes, l’investissement reste un prérequis certains, mais la qualité des choix stratégiques sera prépondérante dans le succès de ces initiatives. Les acteurs performants de demain seront sans nul doute ceux qui parviendront à mener de front ces différents chantiers en sélectionnant les meilleures solutions adaptées à leurs problématiques propres.

Deloitte organise le 14 juin la 6e édition de sa conférence Horizon qui réunira les dirigeants de l’industrie financière luxembourgeoise et des interlocuteurs de renom autour des sujets de l’innovation, de la blockchain et du digital.