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 (Photo: Fidelity International)

Quel a été le facteur déclencheur de la correction?
L’envolée du salaire horaire moyen aux États-Unis (+2,9% d’une année sur l’autre) a été le catalyseur de la chute des cours. Il s’agit d’une statistique cruciale car une situation de plein emploi devrait faire grimper les salaires et par voie de conséquence, doper les dépenses de consommation. Nous pourrions donc assister à un redémarrage de l’inflation. Au regard du taux de chômage de 4,1% seulement, cette augmentation des salaires n’a que trop tardé.

Cela étant, la baisse a été en grande partie le fait de ventes initiées par les suiveurs de tendance et autres stratégies quantitatives à haute fréquence, notamment les fonds qui investissent dans des stratégies de volatilité à court terme dont certains ont été si durement touchés par l’envolée de la volatilité qu’ils ont perdu la totalité de leur valeur à la clôture.

Doit-on s’attendre à d’autres mouvements de vente?
La volatilité, calculée sur une base historique, est désormais plus élevée et va mathématiquement demeurer à un niveau élevé, quelle que soit l’évolution future des marchés. Les fonds «risk parity» ont énormément gagné en popularité et vendront, d’après mes calculs, 15% des actions qu'ils possèdent. Je pense qu’ils viennent seulement d’enclencher le mouvement. À vrai dire, je soupçonne qu’ils ont été à la base de la deuxième phase du repli des actions le 8 février. Certains de ces fonds ne prennent position qu’en fin du mois et il faut donc s’attendre à un regain de volatilité fin de février.

Cela étant, même si les paramètres fondamentaux des marchés ont changé (regain de volatilité), tel n’est pas le cas pour les entreprises. Par conséquent, les investisseurs qui, comme moi, privilégient une approche «value» peuvent soutenir le marché dans une certaine mesure. Je remarque d’après les conversations que j’ai eues la semaine dernière que les gestionnaires actifs ne manifestent aucun signe d’inquiétude. Cela rend le marché instable et très incertain.

Que faire?
Pour ma part, j’ai acheté des actions le mardi 6 février avec mon propre argent. J’ai été tenaillé par deux scénarios, tous deux potentiellement sources de regrets:

 1. J’achète des actions et leurs cours repartent à la baisse. Cette éventualité m’agacerait, mais pas autant que le fait...

2. De ne pas acheter d’actions et de voir le cours réajusté à la hausse. Nous avons longtemps attendu une opportunité d’achat et maintenant qu’elle se présente, j’aimerais la saisir.

Au 6 février, la baisse des cours ne faisait guère plus qu’annihiler le gain enregistré en janvier. Il prédomine en moi un sentiment de satisfaction d’avoir réagi de manière proactive à la correction des cours. Si les autres acheteurs s’étant positionnés de manière précoce partagent le même état d’esprit, le plancher n’est peut-être plus très loin.

L’observation des fluctuations de cours résultant des transactions à haute fréquence nous donnera une indication sur le sentiment des investisseurs, et par conséquent, l’heure est venue de privilégier l’analyse technique.

Aujourd’hui, quelles évolutions fondamentales pourraient influencer le cours des événements à partir de maintenant?
J’ai toujours considéré que la faible croissance des salaires résultait en partie d’un manque de confiance des travailleurs dans la stabilité de leur emploi. Mais pour la première fois depuis la crise, j’entends parler d’employés qui demandent des augmentations de salaire ou qui quittent leur poste. J’ai le sentiment que la croissance des salaires est une réalité. Néanmoins, les salaires moyens sont le fruit d’une série de données qui regorgent de bruits statistiques et nos économistes soulignent qu’il est fort possible que le chiffre du mois suivant soit plus faible, compte tenu notamment des signes de fin du cycle économique aux États-Unis.

Et quand bien même l’embellie salariale serait au rendez-vous, je ne suis pas convaincu que cela se traduirait par une hausse de la consommation car les niveaux d’endettement sont particulièrement élevés. Je partage l’opinion de nos experts selon laquelle l’inflation sera contenue. Si tel est le cas, la Fed aura bien du mal à tenir son calendrier qui prévoit trois relèvements des taux en 2018. Dans ce contexte, des rendements obligataires de 3% me paraissent attrayants. À ce niveau, je privilégie donc les obligations.

Pour le nouveau président de la Réserve fédérale, Jay Powell, si les marchés ne se stabilisent pas au cours des prochaines semaines, sa première conférence de presse (le 21 mars – il n’y pas de réunion en février) s’annonce particulièrement délicate: ne devrait-il pas renoncer entièrement à relever les taux en mars, quand bien même cette hausse a été annoncée en janvier? Cet événement ainsi que la prochaine publication de l’IPC seront d’après moi les points à surveiller en priorité. Les indicateurs de croissance économique sont moins intéressants. L’inflation est le facteur déterminant.

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