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Pascal Dormal, managing director Coditel Benelux (Photo: Luc Deflorenne) 

Coditel est-il fiable? C’est la question que se posait explicitement l’opérateur de télécommunications belge lors d’une récente présentation de sa stratégie et de ses produits. La société, basée à Strassen, lancera dès janvier 2008 des programmes de télévision numérique destinés à ses quelque 40.000 abonnés du Luxembourg.

Nombreux sont, en effet, les griefs à l’encontre du câblo-opérateur, tant dans son exploitation des réseaux de vidéocommunication (distribution d'images TV, de téléphonie et Internet), que dans la facturation et dans la gestion des plaintes clients: suppression des chaînes TV (au nom du passage au numérique, sans diminution de prix équivalente), déconnexions systématiques et non fondées du réseau de télévision, facturations de décodeurs non commandés ou non livrés, intrusion des techniciens chez les particuliers (à leur insu et sans leur autorisation préalable), réclamations adressées aux services techniques restées sans réponses...

En marge de ses manquements au service, Coditel est en outre passé maître dans l’art des surfacturations multiples: surfacturation en cas de non-domiciliation bancaire, surfacturation lors d’appels au helpdesk (Belgique), surfacturation des rappels (entre 6 et 12 euros) au moindre retard de paiement… Quand elle n’augmentait pas les abonnements annuels de 15 à 45%. Des blogs, des communes, les associations de consommateurs et des députés se sont élevés en Belgique et au Luxembourg, parfois en vain, face à ces pratiques commerciales qui abusent bien souvent d’une position dominante locale.

Dernière trouvaille en date, la facturation sur des droits d’auteur pour l’année 2008, déjà envoyée en mai 2007, avec échéance de paiement pour le mois de juin 2007. Suite à un courrier de l’Union Luxembourgeoise des Consommateurs (ULC) et à une question parlementaire adressée au ministre de l’Economie et du Commerce extérieur, l’opérateur a, en juin dernier, fait marche arrière.

A la suite de nombreuses plaintes de ses administrés, la commune de Differdange a, pour sa part, préféré, en juin dernier, résilier l’ancien contrat qui la liait à Coditel, une convention provisoire assurant pour l’instant la relation contractuelle. «Une action en justice n’a pas encore été intentée jusqu’à présent, mais elle s’avère nécessaire pour définir qui est propriétaire du réseau. La commune attendra la prononciation de ce jugement avant d’entreprendre des changements, pour ne pas encourir le risque de devoir payer des dommages-intérêts», précise le secrétariat communal.

Abus de position dominante?

Déjà en octobre 2006, suite à une plainte de l’ULC, la Cour d’appel du Luxembourg avait rendu un arrêt obligeant Coditel à revoir les conditions générales de ses contrats et «les clauses par lesquelles la société se réservait des avantages unilatéraux vis-à-vis de ses clients en rapport avec des hausses de prix non justifiées et des modifications unilatérales des conditions générales du contrat», précisait l’ULC dans un communiqué de presse daté de février dernier.

Comme en Belgique naguère, le dossier Coditel a été soumis aux autorités nationales de la concurrence, pour enquête sur le risque d’abus de position dominante que confère l’absence de véritable concurrence dans le secteur.

«Suite à une modification de la législation, il n’existe plus d’exclusivité pour un seul distributeur sur le territoire communal. L’Entreprise des P&T projette par exemple de lancer son service IPTV, accessible via modem, pour la fin de l’année 2007, une alternative certes très intéressante pour nos habitants», indique la commune de Differdange.

En attendant, Coditel présente sa nouvelle plate-forme numérique, avec une panoplie de nouveaux services (Internet gratuit, débits accrus jusqu’à 30 méga, nouvelle offre haute définition), de nouvelles chaînes (bouquet de base, chaînes premium) et de nouveaux décodeurs avec, entre autres fonctionnalités, la gestion du direct, du disque dur et de la vidéo à la demande.

Coditel étoffe par ailleurs son équipe Service Client (call center renforcé, service technique de terrain…) et entend ainsi délivrer un message clair, uniforme, structuré et argumenté. «C’est un début de dialogue, explique Pascal Dormal, le managing director de Coditel Benelux. Notre priorité est de bien expliquer ce qu’on fait, aux communes, à la presse, aux politiques et aux clients».

«La télévision numérique peut présenter certains avantages pour le consommateur, comme un plus grand choix de chaînes ou une multitude de nouveaux services. Nous observons cependant ce passage au numérique avec une certaine distance et nous préférons attendre la mise en pratique avant de nous prononcer définitivement», répond la Commune de Differdange.

Autre geste notable, le câblo-opérateur belge s’est adjoint les services du luxembourgeois Georges Seil, senior business consultant pour Foxroad Luxembourg, un cabinet de consultant opérationnel. Il aura notamment pour mission de (ré)engager le dialogue avec les communes et la population luxembourgeoise. «Une de mes attributions est de prendre en considération la problématique luxembourgeoise au niveau de la langue et de la culture. Mais je ne suis pas un ombudsman», précise-t-il.