Les juges correctionnels ont infligé une peine de 3 mois de prison avec sursis aux quatre anciens associés de Deloitte. (Photo: DR)

Les juges correctionnels ont infligé une peine de 3 mois de prison avec sursis aux quatre anciens associés de Deloitte. (Photo: DR)

C’est le minimum de ce qu’un prévenu pour participation à un faux peut encourir: 3 mois de prison. C’est la peine que les juges de la 18e chambre du tribunal de Luxembourg siégeant en matière correctionnelle ont prononcée ce jeudi matin à l’encontre de quatre anciens associés de la firme Deloitte. La peine est assortie d’un sursis intégral et d’une amende de 10.000 euros pour chacun des prévenus qui s’en sortent à bon compte.

Le substitut du procureur d’État, Marc Schiltz, avait requis en janvier 12 mois de prison et ne s’opposait pas à un sursis contre celui qui apparaissait alors comme le chef de bande. Le Parquet réclamait une peine de 9 et 6 mois contre deux autres associés et 3 mois contre le 4e homme qui se présentait comme un lampiste, thèse d’ailleurs prise à son compte par le ministère public.

Or, le fait que le tribunal ait infligé une peine identique à chacun des prévenus relativise la théorie du lampiste ayant agi sous les ordres d’un chef d’orchestre pour confectionner de faux documents et les antidater, afin de permettre à leurs clients italiens de bénéficier de conditions avantageuses de la première amnistie fiscale dans la péninsule, alors que les délais pour y avoir droit étaient passés.

Il n’est pas impossible que l’affaire «Unipol» dans sa version luxembourgeoise, jugée 14 ans après les faits, s’arrête là, sans que le Parquet – qui s’était formellement opposé à une suspension du prononcé comme l’avaient plaidé les avocats des prévenus -, fasse appel de la décision, ni les prévenus, puisqu’ils ne s’en tirent pas trop mal.

Clientèle parallèle?

Les faits incriminés remontaient au printemps 2002: à la demande du cabinet d’avocats italiens, Zulli & Tabanelli, Deloitte Luxembourg avait été approché pour réaliser un montage financier complexe pour le compte des dirigeants de l’assureur Unipol. Ils souhaitaient rapatrier des fonds de Monaco, via le Luxembourg, et leur faire bénéficier des conditions de la première amnistie fiscale italienne de 2001 prévoyant des pénalités de 2,5% sur les actifs et surtout n’obligeant pas les détenteurs d’avoirs à justifier leur origine. Or, comme la justice italienne le détermina ensuite, les fonds venaient d’un délit d’initiés. 

Une seconde amnistie intervint en 2002 à des conditions moins avantageuses. Deloitte avait bouclé l’opération que tout le monde pensait enterrée. Mais l’affaire fut exhumée en 2005 à la faveur d’une enquête judiciaire en Italie, relayée par la presse. Ce qui obligea le cabinet d’audit à faire une déclaration de soupçons à la Cellule anti-blanchiment du Parquet. Une enquête fut déclenchée au Luxembourg pour faux et usage de faux, visant les quatre associés.

Un seul homme, un senior manager qui avait déjà été coopté comme associé au moment des faits et attendait la formalisation de sa promotion, fut en aveu du faux, disant avoir antidaté des documents à la demande de ses supérieurs. Les autres prévenus contestaient l’intention de signer des documents qui portaient une date incorrecte et rejetaient la faute sur leur subalterne, le senior manager, l’accusant même de s’être fait une petite clientèle en dehors du réseau Deloitte. Ce qu’il avait formellement démenti à l'audience.