Paperjam.lu

 (Photo: Castegnaro-Ius Laboris Luxembourg)

La Cour d’appel a rappelé dans un arrêt du 6 avril 2017, que le classement sans suite de la plainte pénale déposée par un employeur à l’encontre d’un salarié ne liait pas les juridictions du travail quant à l’appréciation de la faute commise par le salarié dans le cadre d’une action en licenciement abusif.

Dans l’affaire commentée, l’employeur a été amené à licencier avec effet immédiat un salarié en raison d’une tentative de vol domestique alléguée, au préjudice de ce dernier (en l’espèce, le salarié avait usé de subterfuges pour tenter de lui dérober, dans le cadre de ses fonctions, plusieurs kilogrammes de fruits et légumes). Il est précisé que le salarié cumulait plus de vingt ans d’ancienneté au service de l’employeur.

Débouté de son action en licenciement abusif en première instance, le salarié arguait en appel que le licenciement avec effet immédiat ne reposait pas sur des motifs suffisamment graves, eu égard notamment au fait que la plainte pénale déposée à son encontre par l’employeur avait été classée sans suite par le ministère public.

Le salarié invoquait ainsi le principe selon lequel «la chose jugée au pénal a autorité sur le civil»[2], qui signifie que toute décision de justice irrévocable[3] rendue par une juridiction pénale s’impose au juge civil simultanément saisi d’une procédure basée sur des faits identiques.

Toute décision émanant d’une juridiction pénale, qu’elle soit d’acquittement ou de condamnation, doit dès lors s’imposer au Tribunal du travail, et à plus forte raison à la Cour d’appel.

En revanche, les juridictions du travail rappellent régulièrement que «le classement sans suite de l’affaire par le Ministère Public n’est pas à assimiler à une décision d’acquittement[4]».

Malgré cette jurisprudence constante, le salarié arguait que le licenciement avec effet immédiat intervenu ne reposait pas sur des motifs suffisamment graves: selon lui, il fallait nécessairement déduire du classement sans suite de la plainte pénale de l’employeur que le licenciement était abusif.

La Cour a pourtant décidé de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu en première instance, indiquant que: «les erreurs commises par A constituent des actes volontaires et réfléchis […]. Le classement sans suite de la plainte pénale n’a pas d’incidence à cet égard».

Dans son arrêt, la Cour rappelle la jurisprudence bien établie en la matière et fait ainsi une parfaite application du principe selon lequel la chose jugée au pénal fait autorité sur le civil : en effet, le classement sans suite d’une plainte pénale n’est pas une décision de justice, à l’instar d’une décision d’acquittement, de relaxe ou de condamnation qui serait rendue par une juridiction pénale.

La décision de classement sans suite n’est pas non plus irrévocable, alors que le ministère public conserve la possibilité de changer d’avis et de poursuivre l’infraction commise (s’il a par exemple connaissance de faits nouveaux).

En l’espèce, la Cour n’était donc aucunement liée par une quelconque décision de justice irrévocable émanant d’une juridiction pénale et conservait alors tout pouvoir d’apprécier souverainement la gravité des faits reprochés au salarié.

La Cour d’appel a ainsi décidé que: «Même si A était âgé de 49 ans au moment de son licenciement et qu’il témoignait d’une longue fidélité envers son employeur, il n’en demeure pas moins que son parcours depuis 2013 n’était plus sans faille […]. En commettant de nouveaux faits en janvier 2014 laissant également apparaître un comportement malhonnête, A a rompu le lien de confiance indispensable à la relation de travail qui le liait à son employeur. Compte tenu encore de la gravité de la faute commise, c’est dès lors à bon droit que le tribunal de première instance a déclaré justifié le licenciement avec effet immédiat de A.»

La Cour confirme par conséquent qu’un salarié, licencié avec effet immédiat en raison de faits susceptibles de revêtir une qualification pénale commis sur le lieu de travail, ne saurait se retrancher derrière le classement sans suite de la plainte déposée à son encontre par son employeur pour contester le bien-fondé de son licenciement.

Dans un tel cas, la Cour d’appel ne sera pas liée par la décision du ministère public et conservera toute latitude pour apprécier souverainement la gravité et le sérieux des faits reprochés au salarié.

 

Cour d’appel, 6 avril 2017, n°43241 du rôle

[1] Le salarié était en charge de préparer des commandes de marchandises.

[2] Ce principe découle de l’interprétation faite par la doctrine et la jurisprudence des dispositions de l’article 3 du Code d’instruction criminelle.

[3] Une décision devient définitive et irrévocable dès lors que les parties ont épuisé les voies de recours qui leur étaient ouvertes, ou si, aucune d’entre elles ne s’étant prévalue de ces voies de recours, les délais pour les exercer sont écoulés.

[4] Tribunal du travail de et à Luxembourg, 15 juillet 2013, n° 3120/2013 du rôle ; Tribunal du travail de et à Esch-sur-Alzette, 7 juin 2016, n° 1585/2016 du rôle.