Jean Schaffner, associé au sein du cabinet Allen & Overy (Photo: Allen & Overy)

Jean Schaffner, associé au sein du cabinet Allen & Overy (Photo: Allen & Overy)

L’acquisition d’un bien immobilier au Luxembourg est sujette à des droits d’enregistrement et de transcription à un taux global de 7% du prix d’acquisition auquel s’ajoute, le cas échéant, la surtaxe communale de 3% pour les immeubles situés sur le territoire de la ville de Luxembourg. «Une fois le bien acquis, le propriétaire est redevable de l’impôt foncier, de l’impôt sur le revenu, potentiellement de la TVA pour les éventuels revenus qu’il tire de sa propriété, et au moment de la vente du bien immobilier, d’une éventuelle plus-value de cession», explique Me Jean Schaffner.

Toutefois, pour chaque investissement situé hors Grand-Duché, «chaque propriétaire est soumis à la législation fiscale propre au pays de situation de son bien». Si investir dans l’immobilier au Luxembourg, ou plutôt à travers un véhicule luxembourgeois, peut s’avérer intéressant en raison du large éventail de mesures incitatives qui permettent de réduire l’impact fiscal, il convient de faire une distinction entre l’acquéreur personne physique et personne morale et entre les différents véhicules d’investissement.

La personne physique contribuable luxembourgeois, ne peut, par exemple, que bénéficier de certains abattements assez restreints lorsqu’elle réalise une plus-value de cession sur un immeuble qui ne constitue pas sa résidence principale au Luxembourg. La personne morale permet, par exemple, à ses associés de vendre leur participation dans la société détentrice en bénéficiant d’une fiscalité plus attractive sous le respect de certaines conditions et pour autant qu’il ne s’agisse pas d’un simulacre d’apport.

En ce qui concerne l’investissement immobilier indirect, les principaux outils qui s’offrent aux investisseurs sont les fonds non réglementés organisés sous la forme légale d’une société de participations financières (Soparfi) et les fonds réglementés. «La fondation luxembourgeoise, dont le projet de loi est actuellement examiné par le parlement, pourra également être propriétaire d’immeubles, contrairement à la société de gestion de patrimoine familial qui ne peut posséder que les immeubles nécessaires à l’accomplissement de sa mission, et ne pourra donc pas devenir un outil approprié à l’investissement immobilier.»

La Soparfi luxembourgeoise est en fait une société de capitaux ordinaire pleinement imposable au Luxembourg. «Son avantage réside dans l’application potentielle du régime mère-fille aux dividendes versés et plus-values réalisées. De plus, les dividendes versés par cette société à la Soparfi, de même que les plus-values réalisées par la Soparfi lorsqu’elle dispose de ses titres dans cette société, seront exonérés d’impôt.» Mais pour bénéficier du régime mère-fille luxembourgeois, la société doit avoir détenu une participation minimum de 10% pendant une période ininterrompue d’au moins 12 mois dans la société distributrice, qui doit être une société pleinement imposable, «ou pour un prix d’acquisition de 1.200.000euros en ce qui concerne les dividendes et 6.000.000 pour l’exonération des plus-values».

La Soparfi: véhicule d’investissement indirect

Par ailleurs, une Soparfi, comme tout autre contribuable luxembourgeois qui achète un immeuble, sera soumise aux droits de mutation cumulés de 7ou 10%, pour autant que cet immeuble soit situé au Luxembourg. «Or, lorsque la Soparfi acquiert une participation dans une autre société détenant des immeubles, cette acquisition est seulement soumise au Luxembourg à un droit d’enregistrement fixe pour autant qu’il ne s’agisse pas d’un simulacre d’apport.» Et le financement de cette participation par dette sera d’autant plus intéressant, car les intérêts seront en principe déductibles. «De la même façon, aucune retenue à la source ne sera appliquée pour une éventuelle distribution d’un boni de liquidation.»

En matière de dividendes versés par la Soparfi, une retenue à la source de 15% est normalement applicable sur le montant brut. Néanmoins, une réduction peut être obtenue en application de certaines conventions préventives de la double imposition conclues avec le Luxembourg.

Lorsque la Soparfi investit hors du pays, elle est soumise, comme tout autre investisseur, à la fiscalité du pays de situation de l’immeuble. «Néanmoins, un tel investissement par une Soparfi luxembourgeoise peut s’avérer bénéfique dès lors qu’elle constitue un véhicule pleinement imposable. Celle-ci permet l’accès aux conventions préventives de la double imposition conclues entre le Luxembourg et certains pays offrant des législations favorables à un pareil investissement; souvent la Soparfi investira non pas directement dans de l’immobilier, mais indirectement, via une filiale constituée à cet effet.» Ainsi, en cas de cession, la Soparfi cédera sa filiale et non pas directement l’immeuble sous-jacent et pourra bénéficier d’une plus-value exonérée; sauf pour les Soparfi détenant une société allemande, espagnole ou polonaise dont au moins la moitié de la valeur est représentée directement ou indirectement par de l’immobilier situé dans cet État, les conventions avec ces pays enlevant dans ce cas au Luxembourg le droit d’imposition.

Les fonds immobiliers permettent d’accéder à des investissements dans l’immobilier, notamment à usage commercial, en bénéficiant d’une gestion professionnelle et d’une diversification des risques. «Dès lors, les véhicules non cotés investissant dans l’immobilier offrent un compromis intéressant entre investissements privés immobiliers directs et investissements indirects cotés. Ce compromis connaît un grand succès au Luxembourg grâce au cadre réglementaire pragmatique de notre pays en la matière.» Celui-ci offre la possibilité de créer des fonds sur mesure et des structures d’investissement adaptées aux besoins des investisseurs qui ne sont normalement pas sujets à l’impôt sur le revenu des collectivités. «De même, les dividendes payés par un tel fonds ne sont pas soumis à une retenue à la source luxembourgeoise. En effet, ces fonds sont uniquement soumis à une taxe d’abonnement annuelle à hauteur de 0,05% de leurs actifs nets et non à l’impôt sur les sociétés. Pour les fonds institutionnels, cette taxe d’abonnement s’élève même uniquement à 0,01% des actifs nets du fonds.» La charge fiscale est donc beaucoup plus faible que dans le cas d’investissement direct dans un immeuble luxembourgeois ou par une société ordinaire luxembourgeoise.

De plus, les non-résidents qui investissent dans un tel fonds immobilier sont généralement exempts, au Luxembourg, d’une quelconque imposition sur le revenu, les plus-values, la fortune, les droits de succession ou de retenue à la source sur les dividendes qui leur sont versés. Pour les particuliers résidents, les plus-values réalisées ne seront pas soumises à l’impôt sur le revenu des personnes physiques luxembourgeoises pour autant qu’ils aient détenu leur investissement pendant au moins six mois (sauf participation importante dans le fonds, ce qui est généralement rare).

En bref

La fiscalité immobilière luxembourgeoise

  1. L’immobilier luxembourgeois fait l’objet de nombreux impôts.
  2. Un investisseur peut bénéficier d’incitants fiscaux non négligeables.
  3. La Soparfi permet, sous le respect de certaines conditions, de bénéficier de l’exonération du régime mère-fille luxembourgeois.
  4. Pour autant que la Soparfi ne soit pas sous-capitalisée, les charges de financement de son investissement immobilier par de la dette seront déductibles dans le chef de la Soparfi.
  5. Un fonds immobilier n’est a priori soumis qu’à une taxe d’abonnement annuelle à hauteur de 0,05% de ses actifs.
  6. Les fonds immobiliers réglementés permettent aux investisseurs de bénéficier d’une gestion professionnelle et d’une diversification des risques.
  7. Le Luxembourg offre la possibilité de créer des fonds sur mesure et des structures d’investissement adaptées aux besoins des investisseurs.
  8. Les investisseurs dans un fonds immobilier luxembourgeois sont susceptibles d’être exonérés d’une quelconque imposition au Luxembourg pour autant que certaines conditions soient remplies.

Jurisprudence

Soparfi luxembourgeoise: abus d’incitants

Il convient de respecter certaines règles afin de ne pas abuser des incitants.

Observons le cas de l’arrêt rendu par la Cour administrative du Luxembourg du 19 janvier 2012, en appel d’un jugement du tribunal administratif du 16 mai 2011, inscrit au rôle de la Cour sous le numéro 28781C.

«Dans le cadre de cette affaire, une Soparfi luxembourgeoise détenait une villa à l’étranger qui était temporairement occupée à titre gratuit et privé par l’épouse de l’associé unique de la société. L’administration luxembourgeoise était d’avis qu’il s’agissait bel et bien d’une distribution cachée de bénéfices en vertu de l’article 164, alinéa 3 de la loi concernant l’impôt sur le revenu en raison du fait que l’associé avait tiré un avantage résultant de l’occupation de l’immeuble appartenant à sa société par son épouse et cela sans payer un quelconque loyer.»

Le tribunal avait réformé la décision directoriale en se basant sur la convention préventive de double imposition applicable et attribuant un pouvoir d’imposition exclusif pour les revenus (même fictifs) tirés d’une propriété immobilière située à l’étranger, à l’État de situation de l’immeuble.

«D’après la Cour, rejetant le raisonnement du tribunal, il fallait distinguer entre les revenus de la société elle-même, exonérés aux termes de la convention, et les distributions ultérieures à l’associé, qu’elles soient cachées ou non.» L’associé unique n’ayant pas su justifier économiquement cette occupation temporaire de l’immeuble à titre gratuit et privé par son épouse, la Cour jugea que cette occupation avait seulement été motivée par les relations particulières entre l’associé et sa société et que l’associé avait tiré un avantage indu de cette occupation et que, par conséquent, la société avait procédé à une distribution cachée de bénéfices au profit de son associé. «La Cour a également profité de l’occasion pour déterminer qu’à défaut de précision, la valeur vénale de l’immeuble devait servir de base à la détermination forfaitaire de la valeur de l’avantage reçu par l’associé unique et que le calcul à effectuer devait prendre en compte que l’épouse n’avait occupé que temporairement l’immeuble et non à plein temps.»

Ainsi, et à défaut de justification économique valable, l’occupation, ne serait-ce qu’à titre temporaire, mais à titre privé et gratuit d’un immeuble appartenant à une société par un actionnaire ou associé de cette société (ou par un membre de la famille de ce dernier), est considérée comme une distribution cachée de bénéfices imposables (dont le montant est à déterminer forfaitairement sur base de la valeur vénale de l’immeuble en question et en prenant en compte la durée d’occupation).

Cet arrêt doit être pris en compte par tous ceux qui détiennent des résidences secondaires privées via des sociétés luxembourgeoises, occupées gratuitement ou pour un loyer faible, ne couvrant que les charges courantes de l’immeuble.