Les méthodes du Srel seront mieux cadrées, son rôle dans l'espionnage économique aussi. (Photo: DR)

Les méthodes du Srel seront mieux cadrées, son rôle dans l'espionnage économique aussi. (Photo: DR)

Personne n’attendait le Premier ministre DP sur la réforme du service de renseignement. Il l’a annoncé mercredi lors de son discours sur l’état de la Nation et a traduit son intention par un geste concret en déposant le même jour le projet de loi qui va modifier le texte de 2004, qui avait permis tant de dérives et de dysfonctionnements au Srel et qui a causé la chute du précédent gouvernement. Le geste de Xavier Bettel était donc hautement symbolique. Aussi parce qu’il avait veillé à ce que rien ne fuite dans la presse sur ses intentions.

«Pour éviter qu’à l’avenir des dysfonctionnements puissent encore se produire dans le service, le contrôle sera complètement réorganisé», a déclaré M. Bettel, ajoutant qu’il s’agissait de le renforcer tant au niveau interne, avec la mise en place d’un auditeur du Service, qui sera indépendant, qu’externe avec l’introduction d’un délégué au Service de renseignement, en charge du contrôle de son fonctionnement, et qui dépendra du ministère d’État et fera rapport au comité ministériel. «Aucun secret ne peut lui être opposé, il dispose d’un pouvoir propre d’investigation et de contrôle à l’intérieur du SRE, sans pour autant s’immiscer dans l’exécution journalière des missions», souligne l’article 2 du projet de loi.

Le comité ministériel (composé du Premier ministre, du ministre de la Justice Felix Braz, Déi Gréng, et du ministre ayant dans ses attributions la Sécurité intérieure, Étienne Schneider, LSAP) fixera «l’orientation générale» du Srel et coordonnera ses activités. Ce troisième étage de la fusée est déjà prévu dans la loi de 2004, mais l’ancien Premier ministre Jean-Claude Juncker ne l’avait jamais formellement utilisé. Lors de l’enquête parlementaire lancée en décembre 2012, Juncker avait indiqué que ce comité avait toutefois fonctionné, mais de façon tout à fait informelle.

Rayer les zones d’ombre

Ce sont précisément les zones d’ombre (et la boîte noire) que Xavier Bettel veut rayer de la carte, notamment en définissant clairement les moyens, les méthodes à utiliser par le Srel ainsi que l’accès aux informations par les agents. Le projet de réforme présenté mercredi par le Premier ministre s’est d’ailleurs beaucoup inspiré des travaux du député LSAP Alex Bodry, qui avait rédigé en 2013 une proposition de loi remettant à plat le dispositif de 2004. «Il s’agit de sortir certaines méthodes utilisées par le Srel de la clandestinité», commentait mercredi M. Bodry, après l’annonce de la réforme qu’il a inspiré.

Il n’est pas question pour le Premier ministre de remettre en cause l’utilité du service, bien qu’il faille peut-être s’attendre à des changements dans les têtes au Service de renseignement. Bettel entend d’ailleurs lui octroyer davantage de ressources, étalées dans le temps: les effectifs, actuellement limités à 60 personnes, passeront à 65, ce qui, selon la fiche financière qui est annexée au projet de loi, demandera un budget de 195.364 euros supplémentaires, lié pour l’essentiel aux primes (mieux cadrées) que toucheront les agents ainsi que le délégué au Service de renseignement ainsi qu’à un crédit d’équipement informatique en plus. «Le niveau des effectifs sera renforcé et l’effort en matière de recrutement de personnel développé, notamment en ce qui concerne la lutte antiterroriste, le contre-espionnage et la lutte contre l’ingérence économique.»

«Missions offensives»

L’ingérence économique: c’est la nouvelle formule qui va dessiner les contours de l’intervention du service de renseignement sur le volet économique. Là encore pour cadrer mieux ses agents et éviter les abus du passé, comme cette mission économique des plus controversées au Kurdistan dont on continue toujours de questionner la finalité économique.

Le projet de loi, au commentaire des articles, «propose d’ajouter à la défense du potentiel économique, la notion de la défense des intérêts économiques contre des menaces visant le Luxembourg». «Les termes potentiels économiques ont été remplacés par 'intérêts économiques' afin de mieux tenir compte de la réalité de la menace de l’espionnage économique et industriel permettant ainsi de mieux protéger le fonctionnement de l’économie nationale», précise le texte.

Autre précision de taille qui a été fournie dans le projet de réforme de Bettel: le caractère «offensif» de l’espionnage économique et industriel, qui fait d’ailleurs partie des missions des services de renseignement extérieurs des «pays amis» du Luxembourg. «Il convient, souligne le projet de loi, d’ancrer la mission du SRE dans une base légale plus solide, c’est-à-dire plus explicite, ceci afin que le SRE puisse légitimement recourir à ses moyens opérationnels pertinents.»

Accès aux données bancaires

Le projet de loi souligne qu’il est «d’une importance capitale en vue de l’accomplissement de la mission lui conférée par le législateur que le SRE puisse avoir accès à des données bancaires sans passer par une procédure lourde (et par conséquent dénuée de rapidité) et indiscrète (et par conséquent dénuée du caractère non public devant toutefois entourer les recherches du SRE) ainsi que, et surtout, sans que les établissements de crédit et autres professionnels du secteur financier ne puissent lui opposer leur obligation au secret bancaire et provoquer ainsi un blocage des recherches du SRE». «Dans les domaines de la prolifération de l’espionnage, le recours à des sociétés-écrans, des hommes de paille ou des virements bancaires occultes nécessitent des vérifications discrètes par le SRE… Lorsqu’il apparaît que des entités étatiques étrangères sont impliquées dans des activités non déclarées, la judiciarisation automatique serait en effet contraire aux intérêts de l’État.»

Toute ressemblance avec des événements passés ne serait pas fortuite dans cette référence.