Le Dr Prega Ramsamy commente cinq thèmes incontournables pour aller vers davantage d’inclusion financière:
1. La connaissance du terrain
«Si on veut desservir les exclus de la finance, il faut d’abord comprendre leur mode de vie, leur fonctionnement et leur façon d’envisager l’argent. C’est l’étape préliminaire nécessaire pour apporter les réponses adéquates. En fait, les distributeurs de services financiers gagneraient à appliquer la procédure KYC («Know your client»), bien connue des contrées hyper bancarisées! Une introspection des habitudes de consommation et des craintes et désirs par rapport à l’argent est indispensable et même parfois surprenante. Ainsi, au Zimbabwe, on apprend qu’une partie de la population épargne son argent via des cattle banks, entendez des comptoirs qui gardent votre bétail jusqu’à ce que vous ayez besoin d’argent liquide. Il vous suffira ce jour-là de récupérer votre bœuf au comptoir et de le vendre…»
2. La volonté politique
«Les gouvernements sont conscients de l’importance de l’inclusion financière pour le développement de leur pays, plus de 80 d’entre eux soutiennent aujourd’hui la Déclaration de Maya. Je constate donc qu’il y a une évolution ces dernières années, en termes de diversification et d’évolution des produits financiers et en termes de politiques gouvernementales. D’ailleurs, les chiffres le montrent. Par exemple en Afrique du Sud, seulement 63% de la population était desservie par les services financiers en 2005 alors qu’en 2012, ce chiffre a grimpé à 81%. Par services financiers, j’entends les services bancaires classiques, mais aussi tout le réseau informel.»
3. L’adaptation de la législation
«Je pense que l’obstacle principal est le manque de capacité et de suivi. Les gouvernements doivent s’occuper de problèmes tellement multiples qu’il est difficile de garder leur attention sur l’inclusion financière et ils n’ont pas toujours les ressources suffisantes pour assurer un suivi efficace des actions à mener. Pour le moment, l’inclusion financière a le vent en poupe, mais elle peut tout aussi bien être éclipsée par un autre sujet dans quelques mois. Il est nécessaire de sans cesse rappeler aux autorités de mettre l’inclusion financière à l’agenda.»
4. L’éducation financière
«L’éducation financière doit venir d’une participation générale de la société: les banques ont un rôle à jouer vis-à-vis de leurs clients, mais les gouvernements doivent aussi assurer l’éducation nationale. Je pense que les banques centrales devraient pouvoir apporter leur contribution à l’éducation financière. Nous avons établi certaines stratégies en ce sens. Par exemple, en Zambie pour le moment, nous soutenons un programme pilote qui introduit des cours de finance dans les écoles secondaires. Nous espérons que les enfants grandiront avec ce bagage qu’ils pourront transmettre à leurs propres enfants, mais aussi à leurs parents.»
5. L’innovation en matière de produits financiers
«Les études de terrain nous permettent de comprendre le fonctionnement des exclus de la finance. Cette information doit aussi servir à développer des produits adaptés. Il ne faut pas croire que 'one size fits all', ce n’est jamais le cas. L’innovation est dès lors primordiale pour apporter des réponses pratiques cohérentes, qui prennent en compte les conditions particulières qui régissent la vie des populations non bancarisées. Les produits innovants adaptés aux conditions réelles peuvent devenir de véritables opportunités de délivrance de la pauvreté.»