Christine Schroeder : « Le cinéma est un domaine attractif, voire fun, mais  qui doit être fait  avec sérieux. » (Photo : David Laurent / Wili)

Christine Schroeder : « Le cinéma est un domaine attractif, voire fun, mais qui doit être fait avec sérieux. » (Photo : David Laurent / Wili)

Madame Schroeder, vous êtes en poste depuis un peu plus d’un an. Quelles sont les spécificités d’Utopia d’un point de vue des ressources humaines ?

« Nous sommes une société orientée vers le client, et les employés doivent avoir cela à l’esprit. À cause de la spécificité de notre secteur – les loisirs, qui se situent donc essentiellement le soir et le week-end – nous avons deux types de collaborateurs distincts. Pour faire simple, il y a les personnes qui travaillent pour l’exploitation des salles, surtout des étudiants, et ceux qui travaillent dans les bureaux. Ce sont des profils divers avec des moyens de gestion, de formation et d’évolution différents. Mon travail auprès de ces différents collaborateurs est cependant à peu près le même. La chance que j’ai, dans une petite structure, c’est de pouvoir toucher à tout, avec une liberté et une rapidité d’action.

Ces étudiants posent-ils des problèmes particuliers ?

« Le fait d’embaucher des étudiants est une évidence dans notre secteur. Ils correspondent à une grande partie de notre public, sont dynamiques et disponibles. Mais attention, il faut que nous soyons flexibles pour leur permettre d’assurer leurs études parallèlement au contrat qu’ils ont avec nous. D’un autre côté, il faut qu’ils soient disponibles au moment où nous en avons besoin. Ils travaillent selon des contrats de 20 h, à durée indéterminée. Ils sont une quarantaine. Sauf pendant les vacances scolaires où nous embauchons en plus des contrats étudiants.

C’est une main d’œuvre qui connaît un turn-over important ?

« Oui et non. Il y en a qui n’arrivent pas à combiner études et travail et ne restent pas longtemps. Mais il y aussi des étudiants qui restent chez nous tout au long de leurs études, voire qui cherchent à se faire embaucher après.

Comment choisissez-vous ces étudiants ? Quelles sont les qualités que vous recherchez ?

« Le plus important, c’est le contact avec les clients. Cela comprend la présentation, le sourire, la gentillesse, la politesse, mais aussi le sérieux, le sens du détail. Les profils les plus intéressants sont ceux qui ont déjà une expérience dans le domaine des services. On essaye aussi de voir leur résistance au stress, parce qu’il faut beaucoup courir.

Ces étudiants sont très polyvalents. Comment les formez-vous ?

« Il y a trois secteurs (bar, caisse, assistance) et les étudiants sont formés par les responsables d’équipes. Chacun passe par tous les postes et est formé au fur et à mesure des besoins. Nos formations sont conçues et dispensées en interne, avec un planning et un suivi très précis, pour être sûr que chaque point soit bien couvert et appris. Reste à faire appel à leur sérieux et qu’ils réalisent ce qu’est le monde du travail. Ils connaissent les lieux pour y venir comme clients et côtoient des gens de leur âge… Il faut qu’ils comprennent qu’ils sont là pour travailler, accueillir les clients et veiller au grain. Le cinéma est un domaine attractif, voire fun, mais qui doit être fait avec sérieux.

Venons-en au reste du personnel. Le personnel fixe, qui est plutôt dans les bureaux. Qui sont-ils ? Quels sont leurs profils ?

« On l’appelle personnel fixe, ce qui n’est pas tout à fait approprié, puisque les étudiants bénéficient de CDI aussi. Il s’agit d’une quarantaine de personnes parmi lesquels les responsables de l’exploitation qui encadrent les étudiants. Sur le terrain, il y a aussi les projectionnistes. Le reste du personnel se situe autour du travail quotidien de l’exploitation : le marketing et l’événementiel, la programmation, la comptabilité, l’informatique et bien sûr, la direction et les ressources humaines.

Ce sont des métiers généralistes que l’on trouve, pour la plupart, dans beaucoup d’entreprises. Est-ce que le fait de travailler pour l’exploitation de cinéma change la donne ?

« Pour la plupart des métiers, la connaissance du cinéma n’est pas indispensable, mais est évidemment très utile. Par contre, pour la programmation, il est impensable de ne pas connaître l’histoire du cinéma, les réalisateurs, les questions spécifiques de distribution, d’analyse du marché… Les projectionnistes aussi doivent avoir une connaissance pointue de l’image. C’est un métier qui a énormément évolué ces dernières années. On a l’impression qu’avec le numérique, il suffit de télécharger un film et de pousser sur un bouton. Mais la technologie nécessite plus de contrôles et un savoir-faire spécifique. La gestion de l’input des films prend aussi énormément de temps. De plus, nous tenons à être toujours à la pointe des équipements, il faut donc toujours renouveler les connaissances.

Cela passe par de la formation continue ?

« Oui, passer au numérique a nécessité un grand plan de formation qui est maintenant derrière nous. Pour rester à jour des évolutions, le responsable technique est formé régulièrement par les prestataires externes et relaie ensuite la formation. Il s’agit bien sûr des projections de films, mais aussi des prestations d’événements pour des clients extérieurs où la projection peut nécessiter d’autres besoins techniques spécifiques.

Il est essentiel que tous soient formés, puisqu’ils travaillent selon des plannings et ne sont pas tous là en même temps. Outre les évolutions technologiques, à quels autres changements devez-vous faire face ? « L’industrie des loisirs et des services évolue pour tous nos métiers. Le métier du cinéma, ce n’est plus seulement vendre un ticket et du popcorn. Par exemple, le marketing doit s’orienter de plus en plus vers du B2B et de l’événementiel, y compris en dehors de nos sites. Cela demande de nouvelles approches et de nouvelles compétences. L’informatique a aussi beaucoup changé en raison des nouveautés au niveau des caisses, solutions de paiements et réservations. Là aussi, le personnel doit être formé.

La formation est un pilier de votre politique de ressources humaines ?

« Nous investissons en effet beaucoup dans la formation du personnel. Cela nous apporte une équipe compétente et à la pointe dans chacun des métiers, mais cela garantit aussi une motivation renouvelée de collaborateurs qui voient leur métier grandir et qui peuvent grandir dans leur métier. Nous avons ainsi un turn-over plutôt bas et un personnel qui est toujours ouvert au changement.

Comment avez-vous inculqué cette culture du changement ?

« Il n’est plus besoin de créer cette culture. Elle est là. Nous pratiquons la politique de la porte ouverte où chacun est le bienvenu pour apporter une idée ou discuter d’un problème. Les idées viennent souvent de la base, des gens qui font le métier au quotidien. La communication interne est très valorisée à travers des réunions et des discussions pour analyser les avantages et désavantages des propositions. Quand on est convaincu d’une idée, on la met en œuvre assez vite. Les départements ont une bonne relation entre eux et se nourrissent mutuellement.

Y a-t-il une différence entre le personnel d’Utopolis et celui du Ciné Utopia ?

« Beaucoup de personnel d’exploitation alterne entre les deux sites, même si certains ne travaillent qu’à Utopolis, parce que nous avons besoin de plus de monde. Cependant, la clientèle n’est pas la même. Nos formations s’adaptent aux exigences de chacun des sites. Utopia demande un service plus individualisé. Le client est souvent plus âgé, plus concentré sur le film. Le personnel doit être plus autonome, mais il y a moins de rush. On ne peut pas dire que c’est une promotion d’aller travailler au Ciné Utopia, mais ce sont peut-être nos meilleurs éléments qui vont y aller.

Comment évaluez-vous votre personnel ?

« Les outils d’évaluation sont là depuis longtemps. Nous menons des entretiens d’évaluation deux fois par an, ce qui nous permet de faire le point sur nos satisfactions réciproques du travail, sur les envies d’évolution, les besoins de formation. Ce sont des moments privilégiés où l’on prend le temps de réfléchir à chaque carrière. C’est aussi le moment de remercier les collaborateurs et de leur dire ce que nous attendons d’eux. Ce n’est pas un moment difficile ou redouté parce que, s’il y a des problèmes, nous n’attendons pas l’entretien, nous en parlons avant. Pour les étudiants, l’évaluation a lieu une fois par an, avec un formulaire plus succinct et adapté à leur métier.

La convention collective du secteur du cinéma est venue à échéance en juin dernier. Quelles suites vont lui être données ?

« Utopia n’est pas la seule entreprise concernée. Quand on a vu venir l’échéance, la situation était très difficile pour notre confère Caramba et la négociation de la convention collective n’était pas la priorité, même de la part des syndicats. On n’a donc pas pu avancer au rythme prévu. Pour l’instant, en attendant que la convention collective soit renégociée, l’ancienne a été prolongée. Les discussions vont devoir tenir compte de l’évolution de nos métiers et les intégrer dans la nouvelle convention. On est trop en amont pour pouvoir se prononcer sur les points qui vont être changés. Ce sera fait dans les prochains mois.

Plus généralement, dans votre métier, quels sont les prochains défis que vous devrez relever ? « Dans mon travail quotidien, il y a aussi des évolutions à suivre. La migration des ressources humaines d’une gestion papier vers une base de données sera mon prochain challenge. Bien sûr, l’historique des employés est déjà informatisé, mais il s’agira d’aller vers plus d’accessibilité et de transparence. Nos systèmes d’évaluation, de formation ou d’encadrement ont déjà beaucoup évolué, l’évolution des outils doit suivre très rapidement. »