Christian Anese, responsable des Systèmes d’information et de l’organisation, CRP Gabriel Lippmann (Photo: David Laurent/ wide)

Christian Anese, responsable des Systèmes d’information et de l’organisation, CRP Gabriel Lippmann (Photo: David Laurent/ wide)

Monsieur Anese, vous êtes le responsable des Systèmes d’information et de l’organisation (SIO) au sein du CRP Gabriel Lippmann. Concrètement, que cela signifie-t-il ?

« Tout d’abord, il convient de préciser que le cœur de métier du CRP Gabriel Lippmann s’articule autour de trois axes majeurs regroupés en trois départements scientifiques : Environnement et agro-biotechnologies, Science et analyse des matériaux, et enfin Informatique, systèmes et collaboration. La majorité des salariés du CRP Gabriel Lippmann sont donc des chercheurs qui ont des besoins particuliers, parfois bien différents de ceux que l’on trouve dans d’autres entreprises.

Mes responsabilités comprennent notamment l’organisation par les processus métiers et supports (administratifs et techniques) du centre de recherche, processus qui s’appuient sur le système d’information (SI) et les applications informa­tiques, l’alignement stratégique du SI, l’élaboration de plans et de schémas directeur du SI, la gouvernance et l’urbanisation du SI, l’organisation maîtrise d’ouvrage / maîtrise d’œuvre, la gestion de projets, la sécurité du SI, la conduite du changement, la capitalisation des connaissances au sein des services SIO, la veille technologique, les contrats et marchés informatiques et leurs aspects financiers et juridiques, etc.

De plus, dans le cadre de l’organisation, mes responsabilités couvrent également les domaines liés au management de la qualité et à l’accréditation selon la norme ISO 17025, à l’hygiène et la sécurité des personnes et des biens, et enfin aux infrastructures techniques du bâtiment.

Sur le plan technologique, quels sont vos choix ? Préférez-vous en maîtriser le maximum, ou externalisez-vous une partie des compétences ?

« Pour moi, et par expérience, un système d’information performant, durable et évolutif, répondant aux besoins sans cesse nouveaux des utilisateurs, ne doit pas être bâti sur un unique ERP, ni uniquement sur des développements spécifiques. Il doit être bâti sur différentes briques logicielles interopérables, de sorte que chaque brique et ses interfaces puissent évoluer de manière quasi indépendante.

Ainsi, ces briques logicielles doivent pouvoir s’appuyer sur la technologie Web. Un système d’information bâti sur des applications métiers interopérables de type XNet (Intranet, Extranet, Internet) et des applications de groupware, cela améliore la qualité des processus métiers et supports au sein de l’entreprise et avec les partenaires extérieurs. Et cela facilite aussi la prise en compte des évolutions des structures organisationnelles, la coordination et la coopération entre tous les acteurs.

Les technologies basées sur les Web services sont une solution efficace et à moindre coût par rapport à certains outils de type EAI.

Je milite donc pour que les éditeurs de progiciels du marché exposent et publient des Web services pour des fonctionnalités de leurs applicatifs. C’est dans l’intérêt même d’un éditeur d’ERP s’il souhaite que son progiciel constitue durablement l’une des briques fédératrices d’un système d’information.
Prenons, par exemple, une transaction de passation d’une commande de certains ERP très répandus sur le marché. Pour qu’un utilisateur puisse utiliser cette transaction dans l’ERP, il lui faut d’abord consacrer un temps non négligeable en formation, puis passer par plusieurs menus et écrans pour y accéder et, enfin, saisir les quelques informations utiles qui le concernent parmi les multiples zones de saisie visibles à l’écran.

Il apparaît plus satisfaisant et efficace de permettre à cet utilisateur de ne renseigner sur une page Web que les seules informations utiles à ses besoins, sans rendre visibles toutes les autres informations qui ne lui sont pas essentielles, et d’exécuter le Web service permettant de valider la transaction de passation de commande au niveau de l’ERP. Le tout de manière transparente pour l’utilisateur.

En ce qui concerne la maîtrise de compétences informatiques en interne ou l’externalisation d’une partie d’entre elles, notre politique consiste à garder au maximum en interne des composants du SI pour apporter des réponses rapides aux utilisateurs. Nous sollicitons aussi de la sous-traitance externe, mais sous la forme de projets traités au forfait, et qui intègrent un transfert de compétences vers les équipes IT internes.

Pour certains projets, nous sollicitons également des prestataires externes dans le cadre d’appels d’offres publics. Nous rédigeons entièrement en interne le cahier des charges et le dossier de consultation des entreprises où le critère prix n’apparaît pas forcément en premier. Nos critères de choix nous permettent de sélectionner l’offre la mieux-disante ; ainsi, nous prenons en considération la qualité de l’offre, la solution proposée, sa créativité, son évolutivité, la démarche méthodologique pour sa mise en œuvre, le planning… En bref, les éléments pertinents proposés par le prestataire en adéquation avec les besoins et exigences exprimés.

Le transfert de compétences vers les équipes internes est important ?

« C’est une exigence systématique. Bien entendu, il ne s’agit pas pour le personnel des équipes IT internes d’obtenir une certification d’experts, mais de pouvoir assurer un support et une maintenance de premier niveau et le service desk aux utilisateurs. La maintenance et le support de niveau 2 et supérieur sont contractualisés avec les prestataires, avec notamment des garanties de délai d’intervention.

Le monde de l’informatique est comme un balancier, avec des phénomènes de mode, souvent poussés par le marketing, employant des mots différents pour, in fine, représenter grosso modo la même chose. On parle de sous-traitance, d’externalisation, d’infogérance, de facility management, TMA (Tierce Maintenance Applicative) offshore… J’ai connu, il y a quelques années, l’expérience d’une grande entreprise française qui avait décidé d’externaliser ses développements Java en Chine et en Inde compte tenu du faible coût des développeurs. Malheureusement, il s’est avéré que le bénéfice n’était pas positif dans la mesure où le temps passé par les équipes françaises d’informaticiens et d’utilisateurs sur les vérifications et la validation des développements était très largement supérieur aux estimations initiales.

Entre développement interne et achat d’un logiciel existant, comment choisissez-vous ? L’open source a-t-il sa place dans votre structure ?

« Après analyse d’un besoin utilisateur, nous effectuons un benchmarking pour identifier et comparer des solutions potentielles sur le marché. Il n’y a pas de raison de réaliser un développement interne s’il existe une solution sur le marché.

Par exemple, SAP fait partie de notre système d’information. Cependant, comme tout ERP, il ne répond pas à 100 % de nos besoins. Souvent, on peut trouver une solution logicielle qui en couvre 80%… Et les 20 % non-couverts représentent 80 % des efforts du travail à fournir pour satisfaire les besoins.
Lorsque nous décidons de réaliser un développement interne, nous adoptons alors une véritable approche d’éditeur en intégrant une conception objet permettant de construire des briques logicielles garantissant l’évolutivité du SI.

Chaque développement interne est géré comme un projet, et nous appliquons de manière pragmatique la meilleure des différentes méthodes en matière de gestion de projets (PMBOK, Hermes, Prince II…) et de génie logiciel (Agile, RAD…).Nous ne suivons pas une méthode de A à Z. Le maître mot est le pragmatisme, car à vouloir appliquer systématiquement une méthode rigide, on risque de perdre en efficacité.

Aujourd’hui, l’open source ne peut plus être négligée par un CIO. Open source n’est d’ailleurs pas systématiquement synonyme de gratuité. En fait, je considère qu’un système d’information performant, durable et évolutif, peut se bâtir sur un mélange de solutions open source et propriétaires. On revient à ce qui doit faire la force d’un SI : c’est l’interopérabilité entre les briques logicielles.

Cela sous-entend une réflexion sur les choix d’architectures techniques, des langages de développement, des frameworks… Par exemple, nos développements applicatifs internes sont réalisés avec le langage PHP.

Vous déménagerez à terme à la Cité des Sciences… Cela a-t-il une influence sur ce que vous pouvez faire pour le moment ?

« Notre bâtiment actuel est provisoire, construit en préfabriqué. Cela veut dire qu’il y a de fortes contraintes au niveau de la structure du bâtiment, comme la résistance au poids, ou le passage des poutres porteuses. Pour certains équipements, nous devons donc faire particulièrement attention. Par exemple, tous nos laboratoires sont situés au rez-de-chaussée, jamais à l’étage. Par contre, dans les plafonds et sur les toits, nous avons de très nombreux composants d’infrastructure. Percer des cloisons est autrement plus simple que si nous avions des murs en béton armé. En fait, cela nous oblige à penser de manière différente qu’avec un bâtiment définitif, mais ne nous empêche pas de faire des travaux de modification. Nous venons d’inaugurer en mai 2012 le laboratoire de l’Unité Génie des Nanomatériaux qui est constitué d’une salle blanche. »

 

Parcours - Évoluer

Âgé de 47 ans, Christian Anese est titulaire d’un DEA en Informatique, obtenu à l’Université d’Orléans. Au long de sa carrière, il est alternativement maître d’œuvre et maître d’ouvrage au sein d’entreprises de différents secteurs et domaines d’activités où il dirige les systèmes d’information et l’organisation, ou de grands projets transversaux.
C’est en 2008 qu’il rejoint le CRP Gabriel Lippmann où il apporte son expérience et ses compétences en organisation et en management des systèmes d’information, en qualité de responsable des Systèmes d’information et de l’organisation. « Le Centre va fêter cette année ses 25 ans. Je suis arrivé au moment où le centre de recherche entamait son évolution et sa croissance en termes d’activités, de ressources humaines et d’organisation. »