Mise au vert: le Luxembourg suivrait bien le modèle de l'Allemagne, où les premières coopératives d'habitation sont nées au 19e siècle. (Photo: Picture Alliance/SZ Photo)

Mise au vert: le Luxembourg suivrait bien le modèle de l'Allemagne, où les premières coopératives d'habitation sont nées au 19e siècle. (Photo: Picture Alliance/SZ Photo)

Au Luxembourg plus qu’ailleurs, l’habitat coopératif a de quoi séduire en proposant une troisième voie, entre location à fonds perdus et achat à un prix exorbitant. Car depuis 2007, le prix moyen au m2 des appartements vendus dans le pays est passé de 3.507 à 4.559 euros selon l’Observatoire de l’habitat. C’est ce constat qui a amené une poignée de résidents en quête d’une autre façon de vivre à créer le collectif Ad-hoc, au terme d’une conférence en juillet 2014, qui réunit une centaine de personnes.

L’idée était déjà dans les cartons du ministère du Logement depuis quelques années, sans avoir été explorée. À l’automne 2013, la nouvelle coalition gouvernementale s’engage dans son programme à «analyser avec un préjugé favorable d’autres moyens de mise à disposition de terrains et/ou d’habitations à des prix abordables». Une étude de Caritas souligne également le potentiel des coopératives d'habitation dans le contexte luxembourgeois.

Car l’habitat coopératif multiplie les avantages. La société coopérative finance la construction d’un immeuble, ses membres paient chaque mois un loyer couvrant les frais de fonctionnement du bâtiment et s’ils veulent quitter la coopérative, ils récupèrent seulement leur capital initial, faisant de la coopérative une arme antispéculation. Les aspects environnementaux et sociaux, comme l’intégration de ménages moins aisés et l’animation de la vie de quartier, entrent aussi en jeu.

«Nous recherchons un certain impact social», confirme Éric Weirich, membre du collectif Ad-hoc, rappelant que les prix des logements ont forcé les moins fortunés à s’éloigner de Luxembourg, voire à traverser la frontière. Et Ad-hoc prévoit d’avoir «recours à des matériaux de haute qualité, de préférence locaux, et de produire notre énergie verte par la géothermie et les panneaux photovoltaïques afin d’être autosuffisants». Un système d’autopartage de véhicules électriques complétera le tableau. Ce premier projet pilote d’une vingtaine de logements pour une cinquantaine de personnes, auxquels s’ajouteraient des commerces et une «salle multifonctionnelle ouverte au quartier», est prêt depuis plus d’un an.

Il ne manque plus que le terrain, denrée rare au Grand-Duché, surtout à proximité des transports en commun. Autant dire que le bail emphytéotique – qui s’étend sur 50 à 99 ans – reste la seule option envisageable. «Nous sommes en discussion avec les administrations communales, le Fonds du logement et le Fuak (Fonds d’urbanisation et d’aménagement du Kirchberg) pour détecter des pistes», assure le ministre du Logement Marc Hansen, qui tient à accompagner le projet pilote, entre autres priorités pour le logement. «Il faut quand même que ce projet soit correctement ficelé pour pouvoir en tirer des conclusions» et investir à l’avenir dans cette forme d’habitation.

Innover dans le financement

De son côté, la Ville de Luxembourg a officiellement lancé en octobre 2015 son propre projet pilote à Merl, sans toutefois solliciter Ad-hoc. Éric Weirich évoque en revanche une «négociation en cours avec une institution publique», et discute également avec une commune «très intéressée» parmi la douzaine déjà rencontrée. Le sujet est sensible. «À court terme, c’est un investissement pour le conseil communal et les habitants.»

Restent d’autres écueils à surmonter. Les fonds propres de la coopérative seront insuffisants, or «aucune banque ne propose d’emprunt au-delà de 25-30 ans», déplore Éric Weirich. Le collectif envisage de recourir à des investisseurs privés, et notamment des «‘impact investors’ qui préfèrent l’impact social au rendement». Ad-hoc veut enfin faire appel au Fonds de compensation commun au régime de pension, à l’instar du modèle zurichois. «Il doit investir 5% dans le secteur de l’immobilier national et ne les a pas encore atteints.»

«Nous avons en tête de générer un certain ‘effet levier’ pour installer cette forme d’habitation comme une réelle alternative à la propriété et à la location», plaide Éric Weirich. Histoire de placer le Luxembourg dans le sillon de la Suisse, de l’Allemagne et de l’Autriche, où l’habitat coopératif représente 4 à 8,8% des logements résidentiels.