Pour Chantal Thomass, le rapport au travail a changé au fil des générations. (Photo: DR)

Pour Chantal Thomass, le rapport au travail a changé au fil des générations. (Photo: DR)

Chantal Thomass, êtes-vous plutôt une businesswoman ou une créatrice de mode?

«La création est une chose, la vente en est une autre. On peut être créatif et ne pas vendre. Il faut donc pouvoir s’entourer, avoir quelqu’un qui s’occupe du business, qui veut être créatif. Il y a très peu de gens qui font les deux en même temps. Un créatif ne pense pas forcément business, il pense création.

Était-ce plus facile de se démarquer lorsque vous avez débuté votre carrière?

«Oui, car il y avait assez peu de choses. Il n’y avait pas ce pouvoir de la publicité, de la force des annonceurs dans la presse féminine. Cela a beaucoup changé. Débuter comme j’ai pu le faire lorsque j’avais 20 ans, avec quelques robes qui m’ont permis d’être rapidement dans les magazines de mode, ce ne serait plus possible. 

Comment avez-vous réussi à garder le cap?

«J’ai gardé le cap, car j’ai eu la chance d’être reconnue très vite et de faire des choses différentes. J’ai voulu lancer de nouvelles choses: la mode du collant dans les années 80, la lingerie qui est devenue un élément de garde-robe alors que c’était fonctionnel. J’ai été connue pour des choses différentes qui n’existaient pas sur le marché.

Il faut donc avoir un coup d’avance…

«Être créatif, c’est apporter quelque chose de différent, continuer à évoluer, sans suivre les tendances. Maintenant, on ne parle plus que de tendances dans la mode. Je ne les ai jamais suivies, car le but, pour être créatif, c’est de les créer, et non les suivre. Il faut garder sa propre identité.

À quel moment prend-on conscience que l’on peut, par ses créations, créer une marque via son propre nom?

«Quand j’ai créé la marque, j’avais 21 ans. J’ai fait des petites collections, et c’est petit à petit que j’ai fait plus de choses. Je travaille dans beaucoup de domaines. Un créatif doit être curieux. Plus c’est quelque chose que je n’ai jamais fait, plus ça m’amuse. 

Comment préserver une marque? J’imagine qu’on vous sollicite parfois pour des projets insensés?

«Je n’accepte que les projets où je sens que je vais pouvoir apporter quelque chose de différent. Il faut que cela m’inspire. Je travaille par exemple actuellement sur des meubles en béton. Je trouve intéressant de faire quelque chose de féminin dans une matière tellement masculine.

Voudriez-vous lancer un message aux jeunes femmes qui souhaitent monter leur entreprise, quel que soit le domaine?

«C’est avant tout d’avoir beaucoup de courage. C’est très prenant, ce n’est pas un métier où l’on travaille sept heures par jour. Il faut faire les choses à condition qu’on soit passionné. Quand on est passionné, on ne sent pas les heures de travail, car on fait ce qu’on aime.

Quel regard jetez-vous sur le monde de l’entreprise, en particulier les directions, qui restent dominées par la gent masculine?

«J’ai connu ce problème. Pour toutes les jeunes femmes qui ont eu des enfants, c’est compliqué, car certaines tâches reviennent toujours aux femmes. Je pense aux réunions de parents d’élève à l’école où les mamans sont présentes majoritairement. Cela reste difficile d’avoir un rôle de mère, de femme d’intérieur et de travailler, encore à notre époque. Ce n’est pas simple, il faut trouver le bon mari [rires].

Un conseil à une petite fille qui veut croire en ses rêves? 

«Oser y croire, tout faire pour les réaliser. Cela veut dire se donner du mal, travailler, être curieuse. Lorsque nous engageons une stagiaire et que la première question est ‘à quelle heure je termine ce soir?’, ça m’énerve. Quand on démarre dans la vie, on ne doit pas compter ses heures, on doit se donner à fond. 

Vous pensez que le rapport au travail a changé?

«Oui, ne serait-ce que parce que les lois encadrant le travail ont changé. Il y a 25-30 ans, on travaillait tous, jour et nuit, sur les défilés. Maintenant, les lois limitent le temps de travail, ce qui enlève l’amour du travail bien fait qui pouvait exister avant.»

Chantal Thomass interviendra durant le «Women in Business» great talk organisé par l’association Women in Business. Retrouvez les informations relatives à l’évènement sur le site de l’association.