Marc Ant (Université de Bonn-Rhein-Sieg) (Photo: Olivier Minaire)

Marc Ant (Université de Bonn-Rhein-Sieg) (Photo: Olivier Minaire)

Marronnier de la presse, réalité des entreprises. La crise a ébranlé des entreprises d’apparence solide. Dans une telle situation, un réflexe est de se figer, face à un environnement et à des références qui semblent trop instables pour réussir à trouver la bonne voie.

Un autre est la recherche tous azimuts, d’apparence parfois désordonnée, d’une solution. Concrètement, il est difficile d’affirmer si la crise économique a véritablement accéléré la volonté des entreprises de se «réformer» ou si elle a encouragé un «conservatisme» managérial. Pour Marc Ant, professeur à l’Université de Bonn-Rhein-Sieg, «ce n’est ni l’un ni l’autre: les entreprises repensent leur orientation, leur organisation, leurs produits et leurs marchés lorsqu’elles sont confrontées à des problématiques qui sont plus proches d’elles que cette notion abstraite de crise économique. Par exemple, lorsque les collaborateurs ou les clients sont insatisfaits et partent, ou lorsqu’elles rencontrent des problèmes internes… Ou lorsque les produits ne se vendent plus, ou encore lorsque les coûts de production sont trop élevés…»

Ce travail sur la stratégie de l’entreprise, et sur la mise en œuvre du changement, a donné lieu à de nombreux ouvrages. Il sert de fond de commerce à plusieurs cabinets de conseils. Pourtant, gérer le changement et la complexité intrinsèque de chaque entreprise n’est pertinent qu’en se penchant sur une situation particulière et réelle. «L’entreprise doit adopter une approche stratégique en déterminant de façon explicite où elle veut aller et par quels moyens.» C’est la fixation de ce cap qui permettra de tenir bon… «Sinon, elle commencera par naviguer comme un bateau sans moteur et va se heurter contre les rochers, pour finalement s’effondrer.»

Le fait est que dans un environnement instable, il est impossible de graver dans le marbre une stratégie. L’organisation se doit de conserver sa capacité de réaction vis-à-vis des aléas contextuels du marché. Pour Marc Ant, «l’art du management d’une entreprise consiste alors à trouver un équilibre entre détermination interne et détermination externe. Selon le principe de la contingence, un bon manager est capable de voir quand il faut opter pour l’un ou l’autre choix.» Autrement dit, il faut rester au plus proche de son cap, mais en dévier autant qu’il faut pour ne pas mettre le navire en danger.
Face à ces évolutions pouvant être anxiogènes, il faut se pencher sur les équipes. La fatigue, le burn-out, la démotivation sont des dangers réels. «Personne ne peut se réinventer en permanence, la condition humaine est plutôt orientée vers la stabilité et la sécurité…»

Ici encore, c’est un équilibre entre la permanence et le mouvement qu’il faut trouver. «Le non-changement comporte également des dangers. On risque de rater des évolutions, de ne pas s’adapter à temps à des ruptures dans les marchés, de ne pas voir des opportunités, de s’endormir dans la répétition. La vraie alternative est l’alternance entre des phases de changements voulus et nécessaires.»

Ainsi, après l’introduction d’une nouvelle stratégie, et de ses périodes d’incertitude et de difficultés, l’entreprise doit également se ménager des phases de calme, où une certaine routine peut s’installer. Quant au rythme, il faut rester raisonnable. Pour Marc Ant, «il est préférable de prévoir une période de forts changements de plusieurs mois, sur trois à six mois, tous les trois à cinq ans. Les extrêmes sont dangereux, bien manager veut dire savoir où l’on veut aller, en faisant de bons choix au bon moment.»