Fabrice Croiseaux: «L’enjeu est de créer ici des sociétés développant les applications de nouvelle génération.» (Photo: Julien Becker)

Fabrice Croiseaux: «L’enjeu est de créer ici des sociétés développant les applications de nouvelle génération.» (Photo: Julien Becker)

Monsieur Croiseaux, quelles évolutions ont été les plus marquantes ces dernières années ?

« Nous avons observé deux phases technologiques différentes. Au début des années 2000, les évolutions s’inscrivaient dans une certaine continuité. Vers 2008, il y a eu une rupture technologique au travers, notamment, de l’émergence des mobiles, du cloud, de plateformes dédiées, qui encouragent au développement rapide et continuel d’outils et de systèmes performants. Les services ont vite été adoptés par les utilisateurs, notamment les jeunes. Mais force est de constater que certains acteurs ont quelques difficultés à s’adapter. L’IT interne des entreprises se montre parfois réticente à exploiter des outils open source pour des raisons purement culturelles. Ces freins se retrouvent essentiellement dans de grosses structures. Les PME et start-up sont plus enclines à s’emparer des nouvelles technologies pour en développer de nouveaux services.

L’avenir appartient donc à ceux qui savent prendre le train tôt ?

« En effet, les stratégies d’entreprises, notamment des banques, qui n’ont plus les mêmes capacités à générer de gros bénéfices avec les produits actuels, doivent se recentrer sur quatre volets majeurs. Le premier réside dans l’optimisation de l’utilisation des mobiles et réseaux sociaux. Comment créer et fédérer de nouvelles communautés autour de ses propres produits et services, par exemple ? Le deuxième axe repose sur le crowdsourcing ou le crowdservice qui offre de nouvelles possibilités de services innovants. Comment les entreprises vont-elles les exploiter ? Le troisième volet repose sur le big data. Internet regorge d’une masse de données qui n’est que trop rarement exploitée. L’enjeu est donc bien d’optimiser ces données, de les croiser, afin de développer de nouveaux services. Enfin, le dernier axe d’innovation repose sur le cloud. Je ne vois aucun secteur d’activité qui ne soit pas concerné par ces sujets. Tous les acteurs gagneront à axer leur stratégie sur ces points. Mais ils doivent agir vite, et différemment, en mode agile. Je reste confiant quant aux capacités à proposer du neuf. Il y a un potentiel de développement certain.

Les collaborateurs dont vous avez besoin doivent, du coup, répondre à ces exigences ?

« Nous recherchons essentiellement des profils d’ingénieur (bac+5) qui aiment développer. Ces personnes sont difficiles à attirer, car elles recher­chent des postes d’analyste ou de chef de projet. Le candidat parfait doit avoir un haut degré d’expertise, un intérêt certain pour le métier client, la capacité et le courage de faire des propositions, la volonté de s’autoformer ; en bref, un haut profil qui sache mettre les mains dans le cambouis. Malheureusement, la majorité prend la direction de la Silicon Valley.

Des suggestions pour améliorer le marché ?

« Il faudrait faire prendre conscience aux entrepreneurs et aux politiques que le Luxembourg peut rapidement devenir un acteur majeur en Europe et dans le monde de l’économie digitale. Il y a déjà une réelle expertise dans les infra­structures. L’enjeu est d’attirer et de créer ici des sociétés capables de développer rapidement les applications de nouvelle génération, connectées aux communautés d’utilisateurs, construites pour le cloud, sachant exploiter le big data, disponibles partout et à tout moment. Ce challenge relevé, le Luxembourg disposera d’un écosystème fertile, et occupera une place majeure dans l’industrie digitale. C’est possible : on l’a bien fait dans l'industrie des fonds d’investis­sement. »