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En quête de croissance, les deux grands acteurs luxembourgeois, Foyer et La Luxembourgeoise, misent sur des stratégies différentes. Dans ou en dehors des frontières...

Descendante directe de la première compagnie d’assurance luxembourgeoise créée en 1920, La Luxembourgeoise a fait son credo du développement local de ses activités. Comme la plupart de ses consœurs, la société détenue à 40% par la Banque et Caisse d’Epargne de l’Etat (BCEE) offre une gamme complète de produits et de services d’assurance vie et non-vie. Mais là où elle se distingue de la concurrence, c’est que son offre est uniquement destinée à la clientèle résidente, particuliers et entreprises, à l’opposé de la tendance générale qui veut que la plupart des groupes d’assurance disposent aujourd’hui d’une assise internationale.

«Nous y voyons des perspectives de dévelop­pement suffisantes», confie Pit Hentgen, président et directeur général de la société. Selon lui, La Luxembourgeoise profite notamment d’un phénomène de mimétisme. «On constate que bon nombre de personnes qui viennent s’installer au Luxembourg adoptent des schémas de fonctionnement identiques à ceux des résidents. En nous appuyant sur un réseau très étoffé et un centre de décision local, nous disposons d’une connaissance parfaite du marché et de la mentalité de nos clients. Les gens ont confiance.»

A contrario, chez Foyer Assurances, outre d’importantes ambitions locales, il est écrit dans les gènes du groupe qu’il est bon de dépasser les frontières. «Pour nos actionnaires et notre management, être Luxembourgeois, c’est avant tout être Européen, confie Marc Lauer, COO de l’entreprise. Même si notre ADN est grand-ducal, nous avons toujours été voir ce qui se faisait ailleurs. Très clairement, le marché étranger est aujourd’hui notre principal relais de croissance.»

Fondé en 1922 par trois familles luxembourgeoises, le groupe a conservé son indépendance vis-à-vis de tout géant bancaire ou financier. Depuis juillet 2000, Foyer est coté en Bourse, à Luxembourg et à Bruxelles, tout en gardant un actionnariat majoritairement représenté par les familles fondatrices. «Nous vivons très bien cette contradiction, reprend Marc Lauer. Cette présence en Bourse constitue un gage de sérieux à l’étranger. Cela signifie que nous nous conformons à des règles strictes de gouvernance et que nous sommes prêts à le démontrer à tout moment.»

L’essor de la gestion patrimoniale

Partant de ce fondement, Foyer développe son activité autour de ses trois métiers qui sont l’assurance, la prévoyance et, dernière venue, la gestion patrimoniale. «Nous disposons de plus de 35% de parts de marché dans le secteur de l’assurance au Luxembourg», résume Marc Lauer. Mais si l’ambition est de continuer à croître au sein d’un marché mature, les plus grandes opportunités à saisir se trouvent désormais dans les deux autres métiers. «Sur un plan local, nous savons que l’économie luxembourgeoise va devoir faire face à de nombreux défis dans le futur. Il est notamment question de la réforme des pensions, de l’avenir de l’assurance maladie, etc. Si les Luxembourgeois sont habitués à un niveau de prestations élevé, le système public ne pourra plus répondre à toutes les attentes.» D’où une place à prendre dans le vaste domaine de la prévoyance privée.

Mais quand on parle de stratégie internationale, c’est essentiellement par l’intermédiaire de sa branche Foyer International que le groupe est actif à l’étranger, notamment en France, en Allemagne et en Belgique, mais aussi en Italie, en Espagne, au Portugal et dans les pays scandinaves. Elle y développe des activités de niche en libre prestation de service (LPS) et s’appuie sur le tronc commun mis en place au Luxembourg pour en assurer la rentabilité. «En tant que petit acteur au sein d’un très grand marché, nous sommes soumis à certains aléas, mais la stratégie fonctionne, reprend le chief operating officer. Aujourd’hui, Foyer International brasse un volume d’affaires considérable qui influence plus que substantiellement les chiffres du groupe, puisque sur un chiffre d’affaires qui a dépassé le milliard d’euros en 2010, elle a contribué à hauteur d’environ 700 millions.»

Bien sûr, au sein de La Luxembourgeoise, la question du développement des activités à l’étranger a été longuement discutée. Les avantages et les inconvénients ont été soupesés avec beaucoup d’attention. «Le premier élément à avoir pesé dans la balance est que nous ne sommes pas membre d’un groupe international qui organise ses activités au départ de Luxembourg, mais une PME locale, souligne Pit Hentgen. Ensuite, nous avons pensé au cadre européen de l’assurance relativement restrictif, qui oblige à émettre les contrats en tenant compte des règles de droit applicables dans le pays du preneur.» Les contrats doivent exister dans des versions différentes, conformes et adaptées à chaque marché, sans compter les obligations propres à chaque pays, notamment en matière d’informations à fournir aux autorités fiscales.

Une implication locale

Certes, les opportunités existent. La direction de La Luxembourgeoise en convient. Mais un autre élément, crucial, est encore intervenu dans la discussion, à savoir la présence au sein de son capital de la BCCE, elle-même détenue par l’Etat. «Imaginer l’Etat proposer des services en LPS dans d’autres pays est une considération qui a eu son importance», reconnaît encore le directeur général. Dès lors, la société a préféré se concentrer sur une clientèle locale aux besoins évolutifs. Afin de dynamiser ses ventes, La Luxembourgeoise se veut proactive et innovante et les couvertures d’assurance évoluent vers toujours plus de confort et d’assistance. «En matière d’assurance vie, on a vu une évolution vers des produits financiers orientés sur le long terme. On y a joint des protections classiques comme l’invalidité, le décès, la maladie. Désormais, on y ajoute une protection du capital. Cela correspond à une attente de plus en plus importante de la clientèle.» Une conséquence de la crise financière qui a mis en exergue la volatilité des marchés.

Si leurs stratégies de développement se veulent quelque peu différentes, La Luxembourgeoise et Foyer se rejoignent sur l’importance de la qualité du service au sein d’un marché extrêmement concurrentiel. «Même si nous travaillons à l’échelle européenne, la satisfaction de la clientèle, ici au Luxembourg, reste une priorité, insiste M. Lauer. Nous souhaitons offrir une gamme complète de produits aux résidents, des produits construits en fonction de leurs besoins. Pour cela, nous nous appuyons sur un réseau d’agents professionnels auxquels nous assurons un niveau de formation très poussé. Le Luxembourg est composé d’une population très diversifiée, avec des habitudes différentes. Cette diversité se retrouve en interne, au sein de notre entreprise. Cette mixité est une vraie richesse. Nous sommes fiers d’être un groupe luxembourgeois et nous sommes tout aussi fiers de notre ouverture vers l’Europe.»

A La Luxembourgeoise, l’ambition est également de se démarquer en fournissant une haute qualité de service. Depuis six ans, le groupe a défini une série de normes qualitatives, une démarche renforcée encore ces deux dernières années. «Nous essayons d’être au plus près des attentes de la clientèle. Nous travaillons à l’optimisation des processus et des outils», ajoute M. Hentgen. Avec, sur l’ensemble du territoire, un agent pour environ cent habitants – un record sur le marché européen –, La Luxembourgeoise mise avant tout sur la proximité et le conseil personnalisé. Un concept qu’on retrouve au sein de Foyer. Deux groupes à capital local, fiers de leur implication territoriale, ici ou ailleurs.

 

Perspectives - La prévoyance, source de croissance

Pour les compagnies d’assurance, le domaine de la prévoyance offre de belles perspectives à moyen ou long terme. L’an dernier, l’Etat luxembourgeois a lancé la réforme de l’assurance maladie, une première étape. «Habitués à une couverture en soins de santé et à une pension de haut niveau, les résidents luxembourgeois et autres frontaliers vont petit à petit devoir s’assurer en privé s’ils veulent conserver un même niveau de protection qu’aujourd’hui, estime Marc Lauer, COO du Groupe Foyer. A l’avenir, le système public ne pourra plus répondre à toutes les attentes et nous croyons fortement au développement de la prévoyance privée.»
Une vision que partage Pit Hentgen à La Luxembourgeoise: «A plus ou moins long terme, l’Etat va se trouver confronté à un problème de financement des dépenses liées à la maladie notamment, ce qui va entraîner un besoin de couverture accru pour le particulier.»