Cécile Arrecgros: «Les avocats sont très exigeants parce que leurs clients le sont.» (Photo: David Laurent / Wili)

Cécile Arrecgros: «Les avocats sont très exigeants parce que leurs clients le sont.» (Photo: David Laurent / Wili)

Madame Arrecgros, pouvez-vous d’abord nous détailler la structure de la société et les différents types de personnel?

«Nous sommes actuellement 165 personnes au bureau de Luxembourg, dont 110 fee earners dans les métiers d’avocats, juristes et fiscalistes et ce, dans les départements suivants: fiscalité, bancaire et financier, droit des sociétés, fonds d’investissement et contentieux. Le reste est le personnel administratif: secrétaires, marketing et communication, IT, RH, office management et comptabilité.

En tant que responsable des ressources humaines, vous travaillez avec ces deux types de personnel. Les gérez-vous de la même façon?

«Oui et non. Sur le fond, la culture d’entreprise, la considération pour chacun, etc., sont évidemment les mêmes. Nous travaillons tous dans le même sens pour une entité globale. Mais il s’agit d’une population fee earners mixte de quelque 55% d’indépendants (les avocats) et de 45% de salariés. Ils n’ont pas les mêmes obligations ni les mêmes droits.

Votre expérience vous a fait travailler pour divers réseaux internationaux. Loyens & Loeff est un groupe néerlandais. Est-ce différent?

«Oui, très. Depuis les débuts de la crise, je constate que les Néerlandais ont une approche plus pragmatique que les anglo-saxons et ils n’ont pas peur des défis.Deux exemples le montrent: la création du département Commercial and litigation à un moment difficile en 2009 ou l’ouverture du bureau de Hong Kong l’année dernière. Les Néerlandais ont une vision des choses différente avec des rapports humains très simples: la hiérarchie est présente mais peu imposante, le tutoiement est généralisé, tous les grades se côtoient, comme à la cantine…. Cet état d’esprit se répercute à tous les niveaux. Ainsi, les juniors sont rapidement impliqués dans les relations avec les clients, il n’y a pas de chasse gardée. Les associés ont une politique de la porte ouverte et donnent volontiers des conseils… L’autonomie et la mobilité sont également au cœur des valeurs.

La mobilité géographique?

«Oui. Nous envoyons régulièrement des personnes en détachement ou en expatriation, dans nos différents bureaux dans le monde. Ce sont des missions qui durent de quelques semaines à deux ans. Mais la mobilité peut aussi se voir dans l’évolution de carrière. Notre politique est de favoriser les jeunes et de les aider à grimper les échelons. C’est pourquoi, pour permettre les évolutions de carrière, un associé qui atteint 60 ans peut acquérir le statut de ‘of counsel’, c’est-à-dire qu’il est toujours là et partage son savoir avec les plus jeunes. L’année dernière, d’ailleurs, nous avons nommé quatre nouveaux associés qui ont tous moins de 40 ans et sont de quatre nationalités différentes.

Ce sont les valeurs communes que vous portez, que vous mettez en œuvre?

«Certainement, ces valeurs humaines sont très importantes. Cela fait partie de l’esprit d’équipe que l’on met en avant. Mais il va de soi que les compétences techniques et le service au client sont essentiels. Et, comme je l’ai déjà dit, nous accordons une grande confiance et une grande place aux plus jeunes.

Quel est votre processus de recrutement?

«Je reçois entre 20 et 30 candidatures spontanées par semaine. Nous participons également à plusieurs rendez-vous d’étudiants tels que les Job Days et autres forums dans différentes écoles et universités. Il est évident que l’on fait attention aux diplômes, aux écoles, aux résultats et mentions, aux langues… mais c’est l’humain qui va faire la différence. Une fois par semaine, le hiring committee, dont je fais partie avec cinq associés, se réunit pour analyser tous les CV et fixer les entretiens. On prend en compte, par exemple, les activités, l’engagement associatif, le fait d’avoir travaillé parallèlement aux études, le sport, etc. Ces aspects-là sont très valorisés parce qu’ils démontrent un sens de l’effort, de l’engagement, de la discipline. Ensuite, les candidats voient en moyenne trois personnes en entretien qui restent attentives à leur personnalité, leur manière de rebondir d’un sujet à l’autre, de ne pas se laisser déstabiliser. Nous nous devons de tenir compte des équipes dans lesquelles la personne va être intégrée.

Comment s’organisent une carrière et ses différentes étapes?

«Au départ de sa carrière, on est donc recruté comme junior, statut que l’on garde généralement trois à quatre ans. La personne est ensuite vue par le fourth year committee aux Pays-Bas qui examine les évaluations, le travail effectué et qui dresse un rapport sur les compétences techniques, commerciales, relationnelles… Après ce bilan, on devient mid-level pendant deux ou trois ans à l’issue desquels c’est le sixth year committee qui donne son avis, selon la même procédure. Par la suite, on peut devenir senior et, dans les années qui suivent, postuler comme associé.

Avez-vous mis en place des formations pour accompagner ces carrières?

«C’est l’un des axes que nous développons depuis ces deux dernières années. Les formations techniques sont très fréquentes: des ‘classes’ une fois par mois, en interne, sur une thématique donnée par département; les ‘eagles meet’, une fois tous les deux mois, de manière plus générale, sans parler des formations externes. Notre département RH organise des formations liées aux soft skills: négociation, coaching et management, gestion du temps, expression en public… Pour cela, nous faisons venir des prestataires externes deux fois par an pour des sessions allant d’une demi-journée à trois jours.

Les fonctions administratives suivent-elles les mêmes voies?

«Il y a beaucoup moins de recrutement et de turnover dans les fonctions de support. Ce sont des postes très généralistes. Dans le département RH, par exemple, je travaille avec trois personnes, Pascale Marais, Cemila Ayyildiz et Logan Karrou pour tout ce qui concerne le recrutement, les contrats, les formations, les évaluations, la paie, les congés, les élections sociales… Nous nous devons d’être flexibles, organisés et disponibles, rapides et efficaces, réactifs, proactifs… Les avocats sont très exigeants parce que leurs clients le sont.

Loyens & Loeff a été nommé parmi les «Best place to work». Quels sont les atouts que vous avez développés?

«Je crois d’abord que c’est notre culture d’entreprise qui a été saluée. En outre, nous avons fait l’effort d’occuper de beaux locaux, dans un bâtiment récent, avec une cantine, une salle de fitness… Une place de parking est possible pour tous dans la mesure des disponibilités, soit ici, soit à Auchan, moyennant une petite participation. Nous offrons aussi une assurance santé complémentaire, un plan de pension pour le personnel administratif. Il nous importe aussi de prendre le temps de gérer certaines situations difficiles de conflit ou de maladie, d’offrir la possibilité de travailler à temps partiel.

Quels sont les défis et enjeux de l’avenir?

«Il est clair que le marché a changé. Notre cabinet est dans un rythme de développement équilibré avec un effectif en légère croissance. Nous devons donc être encore plus attentifs au recrutement, à la formation. Il est également important de permettre aux personnes de trouver un équilibre. C’est ainsi que l’entreprise peut bénéficier au mieux de ses collaborateurs. Il faudra aussi veiller à avoir une structure suffisamment souple pour s’adapter.»

Parcours

L’expérience du terrain

Arrivée au Luxembourg il y a 20 ans, Cécile Arrecgros est titulaire d’un BTS en commerce international. Après une année passée en Grande-Bretagne pour parfaire son anglais, elle s’est tournée vers le Luxembourg où elle pouvait valoriser son bilinguisme. Un premier emploi dans le domaine du cinéma lui ouvre diverses portes. Grâce à son ouverture d’esprit, son envie d’apprendre et son entregent, elle grimpera les échelons chez Exceed comme administrative, puis chez Elvinger, Hoss & Prussen comme assistante de l’office manager où elle découvre le milieu des avocats. Ce sera ensuite Clifford Chance où elle devient responsable RH pendant quatre ans et demi. En 2009, Cécile Arrecgros intègre Loyens & Loeff.