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 Marie Behle Pondji Avocat à la Cour & Senior Associate au sein de CASTEGNARO-Ius Laboris Luxembourg

Rappel des règles en vigueur

Aucune disposition du Code du travail n’impose ni n’interdit aux employeurs de vérifier les antécédents judiciaires de leurs (futurs) salariés.

Néanmoins, la législation sur la protection des données personnelles1 pose un cadre très précis: «Le traitement de données relatives aux infractions, aux condamnations pénales ou aux mesures de sûreté ne peut être mis en œuvre qu’en exécution d’une disposition légale.»

Par ailleurs, «il ne peut être tenu de recueil exhaustif des condamnations pénales que sous le contrôle de l’autorité publique compétente en la matière».

Ces dispositions, loin d’être anodines, exposent le contrevenant à un emprisonnement de huit jours à un an et/ou à une amende de 251 à 125.000 euros. Les personnes morales peuvent, quant à elles, se voir infliger une amende pouvant aller de 500 à 250.000 euros.

Le traitement illicite des données judiciaires de candidats ou de salariés expose donc théoriquement les employeurs – et leurs représentants personnes physiques – à de lourdes sanctions.

Pour certaines activités, des législations spéciales commandent justement aux employeurs de s’assurer de l’honorabilité de leurs employés en exigeant par exemple la fourniture d’un extrait de casier judiciaire. Tel est notamment le cas des activités privées de gardiennage et de surveillance2.

Depuis le 1er août 2013, les employeurs auxquels aucune législation spécifique n’impose de s’assurer de l’honorabilité de leurs (futurs) salariés peuvent, quant à eux, se prévaloir des dispositions de la loi relative au casier judiciaire3.

Ainsi, il est permis à tout employeur de réclamer la production d’un extrait de casier judiciaire (bulletin n°2) dans le cadre de la gestion et du recrutement du personnel, et de traiter les données afférentes pour les besoins des ressources humaines.

Toutefois, ni l’extrait de casier judiciaire ni les données qu’il contient ne peuvent être conservés (y compris sous forme de copie) au-delà de 24 mois à compter de la date à laquelle il a été établi.

Les possibilités de demander l’extrait de casier judiciaire d’un candidat ou d’un salarié sont donc en réalité extrêmement limitées.

Si les conditions énoncées ci-dessus relatives à la finalité du traitement (i.e. pour les besoins des ressources humaines) et à la durée maximale de conservation des données (24 mois à compter de la date d’établissement de l’extrait) n’étaient pas respectées, l’employeur s’exposerait aux sanctions prévues en cas de traitement illicite de données judiciaires.

Les règles applicables à compter du 1er février 2017

La loi du 23 juillet 20164, qui entrera en vigueur le 1er février 2017, restreint de manière significative les hypothèses dans lesquelles l’employeur est autorisé à solliciter la délivrance d’un extrait de casier judiciaire et pose de nouvelles conditions.

La demande d’extrait de casier judiciaire à l’occasion du recrutement devra figurer dans l’offre d’emploi

La demande de casier judiciaire dans le cadre du recrutement devra être présentée sous forme écrite et figurer dans l’offre d’emploi. Elle portera sur la délivrance du bulletin n°3, auquel sont inscrites certaines condamnations à des peines criminelles et correctionnelles.

La demande d’extrait de casier judiciaire durant la relation de travail strictement encadrée

Il y aura lieu de distinguer selon que la demande d’extrait de casier judiciaire intervient à des fins de gestion des ressources humaines ou en cas d’affectation du salarié à de nouvelles fonctions nécessitant un nouveau contrôle d’honorabilité par rapport aux besoins spécifiques du poste.

Dans le premier cas, l’employeur ne pourra solliciter la remise d’un nouveau bulletin n°3 que si une disposition légale spécifique le prévoit.

Ceci exclut donc la possibilité pour l’employeur de se faire remettre des extraits de casiers judiciaires pendant la relation de travail, lorsqu’aucun texte de loi ne le prévoit.

En revanche, si au cours de la relation de travail, le salarié est affecté à de nouvelles fonctions nécessitant un nouveau contrôle d’honorabilité par rapport aux besoins spécifiques du poste, l’employeur sera alors à nouveau autorisé à solliciter la communication d’un bulletin n°3.

Les condamnations prononçant interdiction de conduire

Ces condamnations seront répertoriées au bulletin n°4 du casier judiciaire.

L’employeur ne sera admis à en solliciter la communication par le candidat qu’aux conditions suivantes:

- la détention d’un permis de conduire valable est une condition indispensable pour l’exercice de l’activité professionnelle concernée;
- la détention d’un permis de conduire valable est exigée dans le contrat de travail (une clause en ce sens devra donc y figurer);
- la demande de délivrance du bulletin n°4 est présentée sous forme écrite et est spécialement motivée par rapport aux besoins spécifiques du poste;
- cette demande figure dans l’offre d’emploi.

• Recrutement pour des activités impliquant des contacts réguliers avec des mineurs

Ce qui reste inchangé: l’employeur privé désireux de s’assurer des antécédents du candidat en matière d’infractions impliquant ou commises à l’encontre de mineurs pourra toujours solliciter l’extrait de casier judiciaire directement auprès de la personne concernée.

La loi du 23 juillet 2016 introduit une nouvelle prérogative pour les autorités communales qui pourront, quant à elles, obtenir la communication directe du bulletin n°55 d’un candidat auprès du service du casier judiciaire.

Cette communication directe ne sera cependant envisageable qu’avec l’accord écrit de la personne concernée et aux fins d’examen des demandes d’emploi dans le domaine de l’enseignement ou dans un foyer scolaire géré au niveau communal.

• Une durée de conservation drastiquement réduite

Les nouvelles dispositions sur le casier judiciaire introduisent des changements significatifs en matière de durée de conservation, selon que la demande de délivrance de l’extrait de casier judiciaire se fait à l’occasion du recrutement ou durant la relation de travail.

1) Extrait de casier judiciaire communiqué lors du recrutement

Alors que le régime actuel oblige l’employeur à se déposséder de l’extrait de casier judiciaire (et des données qu’il contient) au plus tard 24 mois après la date de son établissement, ce dernier devra désormais s’en défaire au bout d’un mois à compter de la conclusion du contrat de travail, lorsque la délivrance est sollicitée dans la phase du recrutement.

De plus, la loi prévoit l’obligation formelle de détruire l’extrait de casier judiciaire sans délai lorsque le candidat n’est pas retenu.

2) Extrait de casier judiciaire communiqué pendant la relation de travail

Lorsque l’extrait de casier judiciaire est sollicité dans le cadre de la gestion du personnel (et sur base d’une disposition légale), ou en cas de nouvelle affectation justifiant un nouveau contrôle d’honorabilité (voir supra), le délai de conservation de l’extrait de casier judiciaire est réduit à deux mois à compter de sa délivrance, à moins que des dispositions légales spécifiques ne fixent un délai de conservation plus long.

• Des sanctions pénales à la clef

Ces nouvelles règles s’accompagnent par ailleurs d’un arsenal répressif inédit.

En effet, la législation actuelle sur le casier judiciaire ne prévoit aucune sanction spécifique en cas de non-respect par l’employeur des règles sur la communication d’extraits de casier judiciaire dans le contexte du recrutement et de la gestion du personnel. Les risques juridiques sont à rechercher dans la législation sur la protection des données personnelles (cf. supra).

À compter du 1er février prochain, l’employeur qui sollicitera la délivrance d’un bulletin du casier judiciaire en violation des conditions de fond et de forme posées par la loi du 23 juillet 2016 s’exposera à une peine d’emprisonnement de huit jours à un an et à une amende de 251 à 5.000 euros (les personnes morales reconnues coupables de ces infractions pourront quant à elles écoper d’une amende pouvant aller de 500 à 10.000 euros).

Le non-respect des délais légaux de conservation sera quant à lui sanctionné par une amende pouvant aller de 251 à 3.000 euros (de 500 à 6.000 euros pour les personnes morales).

Conclusion

Les départements des ressources humaines seraient bien avisés de se familiariser dès à présent avec les nouvelles règles applicables aux demandes de communication d’extraits de casier judiciaire dans le cadre du recrutement et de la gestion du personnel. Le durcissement des règles et l’introduction d’un dispositif répressif (s’il est effectivement mis en œuvre) ne manqueront certainement pas d’alimenter un contentieux pouvant avoir des conséquences très lourdes pour les auteurs d’infractions.

1 Loi modifiée du 2 août 2002 relative à la protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel.

2 Loi modifiée du 12 novembre 2002 relative aux activités privées de gardiennage et de surveillance.

3 Loi du 29 mars 2013 relative à l’organisation du casier judiciaire.

4 Loi du 23 juillet 2016 portant modification 1) de la loi du 29 mars 2013 relative à l’organisation du casier judiciaire, 2) du Code d’instruction criminelle, 3) du Code pénal. Mémorial A n°154 du 4 août 2016.

5 Le bulletin no5 du casier judiciaire correspond au relevé des condamnations et décisions de placement à l’occasion d’une procédure pénale pour des faits commis à l’égard de mineurs ou impliquant un mineur, pour autant que lesdits faits constituent une infraction ou en aggravent la peine.