« Le don privé  est la base qui nous permet d’agir. » (Photo : David Laurent / Wide)

« Le don privé est la base qui nous permet d’agir. » (Photo : David Laurent / Wide)

Madame Theves, de quoi s’occupe l’équipe communication de Caritas ?

« Nous devons essayer de véhiculer, à l’extérieur, une image positive des actions de Caritas. Notre public, ce sont les donateurs, le grand public, comme les institutions. L’une des spécificités de notre communication est que nous veillons à toujours mettre les gens pour lesquels nous agissons au centre de nos préoccupations. Il s’agit de ne pas oublier pour qui nous travaillons. L’équipe communication est constituée de huit personnes différentes. Certaines sont spécialisées dans des programmes de sensibilisation, d’éducation au développement, ou dans des programmes destinés aux jeunes. Ainsi, avec Young Caritas, nous ciblons plus particulièrement les jeunes, afin de les inciter à des actions de bénévolat. Pour simplifier, nous nous occupons des campagnes de collecte de fonds, de l’image de l’association, de l’information sur nos activités… et de l’analyse des résultats des différentes actions menées.

Nous avons une base de données de plus de 16.000 donateurs à suivre. Certains ont des questions, des souhaits, qu’ils nous transmettent. Il est très important d’être à leur contact. Par exemple, il y a quelques semaines, nous avons organisé un concert de bienfaisance, qui a permis de les rencontrer, d’échanger avec eux. En plus des collaborateurs professionnels, des bénévoles nous aident également, à l’instar d’une dame qui vient chez nous, quatre fois par semaine deux heures durant, pour faire une revue de presse.

Quels outils utilisez-vous pour votre communication ?

« Nous avons des outils classiques, comme les lettres et les différents mailings que nous envoyons, ou encore notre rapport d’activité. Les supports ont cependant bien évolué ces dernières années… Il y a deux ans, nous avons participé à un programme européen, à quatre organisations Caritas. Il y avait l’Allemagne, l’Autriche, le Sud-Tyrol et nous. Nous avons travaillé ensemble, sur la manière dont des structures comme les nôtres pouvaient utiliser les réseaux sociaux pour notre communication institutionnelle. Aujourd’hui, je reprends cet exemple, Young Caritas ne passe presque que par la page Facebook, lorsqu’il s’agit d’informer les jeunes, ou de les motiver pour une cause sociale.

Sinon, l’événementiel est également l’un de nos outils. Par exemple, avec le Postlaf, une course à pieds, il y a un tapis de donateur. Si un coureur le traverse, c’est une promesse de don qui est enregistrée. C’est une manière plus ludique de nous soutenir, appréciée par les gens. L’année dernière, nous avons fait une campagne de Nöel, en permettant aux gens d’acheter des poules, des chèvres ou des buffles comme ‘cadeau’ pour leurs proches. Nous avons ainsi récolté 112.000 euros pour des projets de développement ruraux.

Quels sont les pièges à éviter ?

« Il ne faut jamais tomber dans le misérabilisme, il faut conserver une certaine hauteur, une certaine noblesse dans les messages que nous transmettons. Par exemple, si nous pouvons montrer des enfants, il est hors de question
de le faire s’ils ont un gros ventre, ou une maladie… Il faut respecter les gens. Pour notre bulletin d’information, nous rencontrons régulièrement des familles que nous aidons, ici au Luxembourg. Dernièrement, nous avons parlé avec un couple serbe, qui a deux enfants. Ils ont accepté de témoigner à visage découvert, et nous ont permis de montrer qu’il y a également des familles, au Luxembourg, qui connaissent de grandes difficultés. Nous n’aurions pas publié les photos sans leur accord, nous aurions anonymisé le contenu de l’article.

Vous dépendez des dons…

« Nous avons effectivement besoin de collecter de l’argent pour nos différentes opérations. Caritas travaille au Luxembourg et dans le monde. D’ailleurs, notre service de coopération internationale est l’un des plus conséquents au Luxembourg, avec 15 personnes. Ces gens travaillent sur les projets à partir du Grand-Duché, mais se déplacent également sur le terrain, pour vérifier l’utilisation de nos dons. Nous avons donc besoin de sommes qui permettent d’obtenir des résultats. De l’autre côté, les donateurs sont plus sensibles aux problèmes nationaux, sauf lorsqu’il y a de grandes catastrophes connues. Il est clair que le contexte médiatique nous soutient dans la collecte, comme pour le tremblement de terre à Haïti, en janvier2010.
Pour nous, une intervention se déroule en trois phases. Il y a l’aide d’urgence, immédiate. Ensuite, nous avons tout ce qui relève de la réhabilitation, de la reconstruction. Enfin, il y a le développement, pour permettre aux populations de redevenir autonomes, qui passe notamment par des projets de formation. Il est rare que nous ayons ‘trop’ de fonds, puisque notre présence se fait dans la durée.

Y a-t-il des ‘règles de communication’ communes entre les différentes structures Caritas à travers le monde ?

« Non, même en tant que ‘petits’, nous sommes très autonomes. Il y a bien entendu des collaborations. Par exemple, nous avons accès à des témoignages et des ressources photographiques, fournies par Bruxelles ou la Suisse, pour nous faciliter la communication. Sur le terrain, on essaie d’envoyer le plus souvent un ‘communicateur’, pour apporter la matière première au réseau. Ce sont des ressources à disposition, que l’on peut utiliser et diffuser.

La crise vous a-t-elle touché ? Les dons ont-ils diminué ?

« Non, les résidents restent solidaires, nous n’avons pas constaté de baisse des dons. Depuis deux ans, une sociologue a renforcé l’équipe pour la gestion et le ciblage de nos campagnes. Le don privé est la base qui nous permet d’agir, donc nous travaillons pour améliorer la qualité et la pertinence de nos contacts avec ceux qui pourraient nous soutenir. C’est d’autant plus important que le gouvernement cofinance de nombreux projets, mais que ce soutien vient en proportion de nos moyens… Donc, plus nous avons de personnes privées qui nous aident, plus les pouvoirs publics nous soutiendront, c’est un effet de levier.

Contactez-vous également des partenaires institutionnels ?

« Comme je vous l’ai dit, nous travaillons beaucoup avec l’État luxembourgeois et avec l’Union européenne. La collaboration fonctionne bien, et elle est très encadrée, avec de nombreux audits de vérification, pour s’assurer que nous utilisons les fonds de la bonne manière. Du côté des entreprises, des actions, comme le concert de bienfaisance dont je parlais plus tôt, sont souvent sponsorisées par des structures privées, telles que les banques. Cela permet de consacrer toutes les sommes récoltées à notre action, plutôt qu’à payer l’organisation de l’événement. Depuis deux ou trois ans, nous travaillons également avec la Fondation de Luxembourg, en proposant différents projets, qui peuvent intéresser des fondations qu’ils abritent.

Y a-t-il de la ‘concurrence’ entre ONG au Luxembourg ? Y a-t-il des collaborations ?

« Le fait est qu’il y a beaucoup d’associations dans le pays… L’asbl ‘Don en confiance’, dont nous faisons partie, a adopté un code de bonne conduite, autour de six engagements. Elle permet d’assurer une collaboration entre différentes structures, tout en garantissant aux donateurs que leur interlocuteur est à la hauteur de leur envie d’aider, grâce au respect d’une chartre commune. Avec la Croix-Rouge, nous travaillons ensemble sur des projets d’épiceries sociales. C’est un concept collectif, avec une centrale d’approvisionnement commune, même si chacun a son réseau propre. Sinon, dans le passé, lorsqu’il y avait des crises majeures, nous avons essayé de nous coordonner… Et nous essayons d’éviter de lancer des grandes opérations de collecte en même temps. Nous n’allons pas envoyer nos bénévoles pendant le mois du don de la Croix-Rouge…

Votre rôle de responsable communication a-t-il fortement évolué ?

« Il y a douze ans, quand j’ai commencé, nous étions sur une démarche moins professionnelle. Aujourd’hui, nous avons un suivi beaucoup plus pointu des résultats de nos actions. Nous avons travaillé avec Caritas France – Secours catholique, en France, pour construire un système qui nous permette d’analyser les résultats, en comparant les sommes récoltées, les taux de réponse, par groupe cible. Il y a maintenant un suivi étroit de ce que nous faisons. C’est également logique : je fais partie du comité de direction, et je me dois de montrer un ‘retour sur investissement’ de la communication. Combien d’heures consacrées à l’opération ? Quels étaient les frais de campagne ? Est-ce rentable de vouloir mettre plus de ressources dans la collecte ? On ne peut plus embaucher une personne supplémentaire sur un claquement de doigts… Le monde associatif se professionnalise… et cela peut aller assez loin : nous sommes par exemple certifié ISO 9001… Il ne s’agit plus de faire simplement appel à la bonne conscience des gens, mais de leur montrer que leur soutien est utilisé
de manière efficace. »

 

Parcours - Au contact

Âgée de 41 ans, Caroline Theves a suivi des études en sciences naturelles à l’École polytechnique de Zurich. « Après mes études, j’ai travaillé pendant trois ans pour la ‘Haus vun der Natur’, à Kockelscheuer. Il y avait à la fois une dimension relations publiques, et un travail avec les jeunes. » C’est en février 2000 qu’elle devient responsable communication de Caritas. « C’était une création de poste. Jusque-là, les responsabilités étaient éclatées entre différentes personnes. » Elle a en plus assumé le rôle de secrétaire générale du mouvement de 2003 à 2008.