Ciel ombrageux en vue sur les avions de Cargolux…  (Photo: Cargolux / Viktor Laszlo)

Ciel ombrageux en vue sur les avions de Cargolux…  (Photo: Cargolux / Viktor Laszlo)

Alors que la porte-parole du ministre en charge des transports tente de distiller les bonnes nouvelles depuis la Chine, où François Bausch et la délégation luxembourgeoise tentent d’amadouer les apparatchiks locaux avec qui ils font affaire, l’OGBL est, au Luxembourg, vent debout.

Le syndicat des rouges brandit un avis formulé par un panel de juristes et d’économistes de la Chambre des salariés (CSL) pour s’opposer purement et simplement au deal en passe d’être signé avec HNCA (Henan Civil Aviation Development and Investment Company). L’État prévoit en effet de conclure ce mardi l’accord de cession au groupe d’investissement chinois des 35% de Cargolux qu’il détient depuis janvier 2013 et le départ du capital de Qatar Airways.

L’avis de la CSL concerne en fait l’accord commercial sur lequel repose la transaction. L’accord en question prévoit l’instauration d’une double plateforme (dual hub) servant prétendument les intérêts des deux groupes. Les syndicalistes n’en sont pas du tout convaincus.

Pour les intéressés, ladite alliance pourrait mettre en péril tout le secteur de l’aviation de fret et les 6.000 emplois qui y sont liés. «L’accord repose, d’une part, sur les déclarations d’intention générale, dénuées de toute valeur juridique (en provenance de HNCA, ndlr) et, d’autre part, sur des obligations concrètes et financièrement contraignantes à charge de Cargolux», résume l’OGBL.

Un avis au vitriol

La CSL, dont paperJam.lu s’est procuré l’avis, soupçonne même le gouvernement de brader l’industrie de la logistique luxembourgeoise pour les intérêts des professionnels de la finance locale dont les regards se tournent de plus en plus vers l’extrême Orient. «L’accord commercial et la participation chinoise dans Cargolux servent-ils de monnaie d’échange pour un retour rémunérateur sur la place financière?», se demande le panel en pensant à la cession des mêmes parts à Qatar Airways quelques années plus tôt. C’était en 2011. De manière concomitante, la famille royale qatarie avait la main sur deux fleurons bancaires luxembourgeois (100% de KBL, 90% de la Bil).

La CSL reproche avant tout l’absence totale d’engagements vis-à-vis d’un hub européen quand les détails sur la coopération en vue d’un hub asiatique abondent.

Autre détail qui n’en est pas un: l’accord et la clause d’arbitrage, souligne la CSL, sont régis par la loi anglaise alors que tous les futurs accords conclus entre les parties pour établir des joint-ventures à Zhengzhou (en application de cet accord) seront régis par la loi chinoise. Et la CSL de relever qu’il serait préférable «de ne fixer qu’une seule loi applicable entre les mêmes parties». L’insécurité juridique pourrait donc être «dangereuse» selon les juristes de l’institution.

Tout pour le contribuable?

La CSL conclut ainsi que «la vente risque de coûter cher au contribuable luxembourgeois (du fait du coût social d’un potentiel effondrement du secteur de la logistique, mais aussi parce que les parts encore détenues par l’État luxembourgeois serviront «à financer les activités aéroportuaires en Chine»,ndlr), à Cargolux et à l’économie luxembourgeoise de façon plus générale».

Tout le monde ne partage pourtant pas ces craintes. Pendant ce temps là, depuis la province du Henan, le ministre Bausch semble se réjouir d’avoir soulevé «les questions d’intérêt pour Cargolux, dont notamment le sujet de la co-terminisation (sic) qui permettrait à Cargolux de relier les plus importants aéroports chinois». Chacun voit donc midi à sa porte.