Après la signature de l'accord, Paul Helminger (au fond à gauche) a la difficile tâche d'associer les Chinois à la stratégie. (Photo: MDDI)

Après la signature de l'accord, Paul Helminger (au fond à gauche) a la difficile tâche d'associer les Chinois à la stratégie. (Photo: MDDI)

Ce lundi, les membres de la direction de Cargolux se rencontrent pour discuter du budget 2014. Cette réunion aurait été «business as usual» s’il n’y avait pas eu quatre jours auparavant ce coup de tonnerre dans le ciel de la compagnie luxembourgeoise de fret. Jeudi 23 janvier, le vice-président en charge du marketing et des ventes, Robert van de Weg, quittait ses fonctions après 14 ans de bons et loyaux services.

Les médias spécialisés n’ont pas manqué de commenter l’événement, à commencer par le blog CargoForwarder qui n’y voit que le début d’un exode suite à l'association avec les Chinois de HNCA. «Robert van de Weg est parti. D’autres pourraient suivre. Sa démarche montre clairement qu'il y a un mécontentement généralisé suite à la décision du gouvernement luxembourgeois de vendre les actions détenues par l'État (35%) dans Cargolux à l'investisseur chinois», lit-on sous la plume du rédacteur en chef Heiner Sigmund.

À l’origine de ce départ, la cession des 35% du capital de Cargolux détenus par l’État à un groupe d’investissement de la province du Henan en Chine. La transaction est assortie d’un accord commercial prévoyant la création une stratégie dite du «double hub» en vertu de laquelle une plateforme logistique serait bâtie à Zhengzhou en coopération avec la compagnie de fret luxembourgeoise. La pierre d’achoppement serait principalement la vitesse de développement du hub de Zhengzhou et la place de Cargolux dans cette tâche. Des divergences d’opinions entre le président et le management sur bon nombre de points seraient également liées.

Van de Weg: «Pas d’huile sur le feu»

Contacté par paperJam.lu, Robert van de Weg n’a pas souhaité s’expliquer sur les raisons exactes de son départ. «Je ne veux vraiment pas mettre d’huile sur le feu. Cela n’aidera pas Cargolux. Je suis très triste de quitter la meilleure compagnie cargo du monde, mais je n’avais pas le choix. La situation était devenue ingérable pour moi. De ma vie, c’était l’une des décisions les plus dures et cela ne me rend pas plus heureux de l’avoir prise.»

Le président du conseil d’administration est lui aussi revenu sur ce développement. «Cela est très regrettable», indique Paul Helminger. «Robert a démontré par le passé qu’il est un extraordinaire commercial». Si l’ancien maire de Luxembourg souligne qu’il s’agit d’une «suite logique de sa position», qu’il avait fait savoir alors que la signature d’un accord avec HNCA était dans les tuyaux, il n’en reste pas moins surpris par le moment de l’annonce.

En effet, l’ancien senior VP s’était rendu en Chine au cours du mois de janvier avec le ministre de tutelle, François Bausch (Déi Gréng), le président du conseil d’administration et le CEO par intérim et CFO, Richard Forson. Au milieu des visites officielles, au rang duquel figure la signature de la cession des parts et de l’accord commercial, Robert van de Weg y avait présenté le projet de coopération. D’une manière fort convaincante aux yeux de Paul Helminger. «On croyait que Robert avait pris le tournant», a-t-il confié à paperJam.lu.

Cette annonce est d’autant plus surprenante pour le président de Cargolux (et de Luxair) que le jour même de ladite démission, le conseil d’administration venait de valider un «projet de développement ambitieux avec notamment l’accord sur l’achat d’un quatorzième Boeing 747-8F».

Helminger reste

Pour toutes les parties, il est dorénavant temps de repartir de l’avant et de capitaliser sur un exercice 2013 relativement encourageant… bien que le résultat opérationnel soit négatif. Paul Helminger dit vouloir «mettre fin à deux ans d’incertitude et de va-et-vient».

D’abord, celui qui vient de fêter sa première année à la tête du conseil d’administration dément toute hypothèse de départ. Si Luxair vend 8,4% de ses parts à l’État et que HNCA reprend 35% à l’actionnaire public, la compagnie aérienne nationale restera tout juste – et ceci est bien évidemment volontaire – actionnaire principal. Elle conservera donc quatre sièges au conseil, contre trois pour les Chinois.

Ensuite, pour ce qui concerne les remplacements à la direction opérationnelle, Paul Helminger souligne simplement qu’«il faut rassembler les meilleures personnes possible.» Les candidatures pour le poste de directeur général sont ouvertes jusqu’au 12 février. Les chasseurs de têtes de Spencer Stuart, le cabinet mandaté, auront ensuite quelques jours pour les étudier et fournir un rapport. Un conseil d’administration devrait alors être réuni fin février ou début mars afin de nommer le nouveau CEO.

Robert Song arrive

Si le nom de Robert Song, conseiller spécial de HNCA, revient souvent dans les médias, puisqu’il est l’architecte du deal entre les parties luxembourgeoise et chinoise, et qu’il «paraît naturel qu’il ait un rôle à jouer» dans l’intégration du nouvel actionnaire, «il n’y a pas», selon le président du conseil d’administration, «de revendication de la part des Chinois sur l’identité du futur CEO». Robert Song, tout comme «l’informateur» nommé par le gouvernement pour présenter les différentes offres de reprise des parts, Robert Schaus, pourraient en fait atterrir au conseil d’administration.

En attendant, le CEO faisant fonction, Richard Forson, nie avoir prévu ce lundi après-midi d’évoquer la question de l’accord commercial avec ses collègues de la direction, dont la presse spécialisée soupçonne quelques-uns d’entre eux de vouloir mettre les voiles dans le sillage de van de Weg. On s’autorise cependant à croire que le sujet pourra être évoqué sans avoir été mis au préalable à l’ordre du jour de la réunion.