Dans ma rue, il y a un Cactus, dans ma cuisine, il y a du Cactus et dans ma salle de bain, encore du Cactus. L’enseigne Cactus fête cette année ses 50 ans. La famille Leesch, à la base de ce succès, a ouvert son premier supermarché en 1967. Pionnier en terre luxembourgeoise, le groupe familial propose, à quelques variantes qui lui sont propres, le même parcours que celui des grandes familles européennes à la base de groupes de grande distribution devenus aujourd’hui des acteurs mondiaux. Une épicerie locale, une activité de grossiste et, un jour, un descendant qui voit l’avenir en termes de mètres carrés et d’expansion géographique. Ce qui différencie, par contre, l’enseigne grand-ducale, c’est sa volonté inébranlable de ne pas dépasser les limites de son pré carré et sa capacité à se battre face à des géants en préservant sa place de numéro un national.
À l’occasion de cet anniversaire, Max Leesch, administrateur délégué, et Laurent Schonckert, administrateur – directeur de l’enseigne, reviennent sur les ingrédients à la base de ce succès qui mériterait d’être étudié dans les bonnes écoles de commerce.
La chasse aux bons emplacements
Dans la grande distribution, le secret de la réussite fait l’unanimité: «Tout commence par la capacité à trouver de bons emplacements», résume Max Leesch. En tant que premier acteur local, Cactus n’a eu que l’embarras du choix. Il ouvre un premier point de vente à Bereldange en octobre 1967 et, dès 1974, inaugure le centre commercial Belle Étoile à Bertrange. Aujourd’hui, Cactus reste l’enseigne la mieux représentée sur le territoire avec 47 points de vente et de nouvelles ouvertures en préparation. «Nous ouvrirons deux supermarchés à la fin de cette année», précise Laurent Schonckert. «Un à Marnach pour être mieux représenté dans le nord du pays, l’autre dans la zone Bettembourg-Dudelange.» Un peu plus tard, en 2019 ou 2020, le groupe devrait encore pouvoir inaugurer son centre commercial d’Esch-Lallange. Un projet d’abord imaginé comme un nouveau Belle Étoile, mais qui a été revu à la baisse en raison de recours administratifs et qui, pour la première fois, intégrera du logement. Ensuite? «Tout dépend de l’acquisition des terrains», précise monsieur Leesch. «Il devient de plus en plus difficile d’en acquérir, il faut vraiment se montrer tenace et pas trop pressé.»
Une stratégie d’enseigne
Il y a un demi-siècle, les supermarchés n’étaient plus une idée totalement neuve, mais encore peu développée. Au fil des décennies, Cactus a affiné sa stratégie pour répondre aux différents besoins de la clientèle luxembourgeoise. Actuellement, comme tout groupe qui se respecte, il a développé quatre formats de magasins différents, de l’hypermarché (12 à 15.000m2) au plus petit Shoppi, créé en 2008, et souvent accolé à des stations-service. Entre les deux, on trouve les supermarchés (de 2.000 à 5.000m2) et les marchés (800 à 1.500m2). «Le modèle du commerce n’a pas beaucoup changé», commente Laurent Schonckert, «l’idée du ‘tout sous un même toit’ reste pertinente même si aujourd’hui les gens veulent de plus en plus de proximité.» En développant quatre piliers, le distributeur répartit également le risque: «Si l’un souffre, les autres peuvent prendre le relais», pointe Max Leesch.
Le commerce en ligne? Cactus y a goûté. Mais l’expérience ne fut pas concluante. «Le chiffre d’affaires était correct, mais pas en phase avec nos objectifs», précise l’administrateur – directeur. Il s’interroge d’ailleurs sur le succès de ses concurrents: «Personne ne communique actuellement sur les bénéfices de cette activité, c’est assez étonnant.»
Le commerce en famille
Max Leesch, administrateur délégué depuis 2001, représente déjà la quatrième génération de la famille. C’est en fait son arrière-grand-père, Joseph Leesch, qui a fait le premier pas en ouvrant une épicerie dès l’année 1900. En 1928, ses trois fils constituent la société «Leesch Frères», alors que le premier magasin Cactus est créé par les petits-fils du fondateur, Paul et Alfred Leesch. Paul prend les commandes du développement et c’est à son fils Max qu’il a passé le témoin. «Nous restons très centrés sur la famille», insiste-t-il. «Ma sœur Doris et mon frère Jeff travaillent avec moi et deux de mes enfants nous ont désormais rejoints.» Sa fille aînée, Cathy, gère le produit café et les marques propres au sein du service Marketing, alors que son fils, Charel, est actif au sein de la direction des ventes. Max Leesch travaille, lui, en binôme avec Laurent Schonckert, à la manœuvre depuis 2002.
Concurrence et indépendance
Au fil des décennies, Cactus a vu les enseignes étrangères affluer vers le Grand-Duché. Cora et Auchan dans les hypers; Match et Delhaize dans les supermarchés; Carrefour, Monoprix et à nouveau Delhaize dans les magasins de proximité. Des enseignes qui ont annoncé pas mal de nouveaux projets alors que le pays compte déjà un million de mètres carrés de surfaces commerciales. «La croissance économique et l’évolution démographique font évoluer le gâteau, mais, face à un tel développement, je commence à avoir des craintes», avoue le directeur de l’enseigne. Pas au point toutefois d’imaginer se rallier à une autre plus puissante pour assurer la pérennité. «Nous avons déjà, bien sûr, été abordés par d’autres groupes», admet Max Leesch. «Mais pour nous, jusqu’à présent, la cession d’une part du capital n’est pas une option. Nous imaginons assez mal devoir travailler avec un autre distributeur auquel nous serions liés.» Pour assurer son indépendance, Cactus s’est quand même intégré au sein de différentes centrales d’achat – celle de Rewe en Allemagne et celle de Casino en France notamment –, afin de bénéficier d’un plus grand pouvoir de négociation des prix au niveau des grandes marques internationales.
Qualité et originalité
Parmi les recettes définies dès le départ pour se différencier, Cactus a appliqué celle de produits de qualité que le client ne pourra pas trouver ailleurs. C’est dans cet esprit que le distributeur a mis sur pied ses propres centres de production. «Notre volonté est de mettre au point des produits nouveaux et exclusifs en plaçant également l’accent sur le côté luxembourgeois par la création de filières de production là où c’est possible», explique Laurent Schonckert. «C’est un démarquage par rapport à la concurrence. S’ils sont appréciés, ça nous fera gagner un certain nombre de clients.» Cactus dispose ainsi de quatre unités de fabrication: la torréfaction de café, la boucherie, les produits traiteur et la pâtisserie, lancée il y a seulement trois ans. Le groupe dispose aussi d’une centrale de fruits et légumes afin de garder le contrôle sur le choix.
Autre souci: le service. Une volonté de servir correctement la clientèle qui se traduit notamment par l’importance accordée aux caissières. Contrairement au reste du monde de la distribution, l’enseigne luxembourgeoise ne réfléchit pas à l’introduction du self-scanning. «Nous ne confions pas ce travail au client. Nos caissières sont importantes pour résoudre les différents problèmes au niveau du passage en caisse, elles sont aussi une importante carte de visite et notre dernier point de contact», confirme l’administrateur délégué.