Yves Kuhn, chief investment officer de la Bil (Photo: BIL)

Yves Kuhn, chief investment officer de la Bil (Photo: BIL)

La Banque centrale européenne a enfin sonné l’heure de la fête. Son programme d’assouplissement quantitatif a débuté le 9 mars 2015; sur les 18 prochains mois, la BCE s’est engagée à augmenter son bilan de plus de 1.100 milliards d’euros. Plus précisément, l’institution de Francfort rachètera des actifs à hauteur de 60 milliards d’euros par mois, soit légèrement plus que le PIB du Luxembourg.

Comment en est-on arrivé là? Les mesures d’austérité et le manque d’évolutions structurelles dans les grandes économies (France et Italie) n’étaient pas de bon augure pour la reprise européenne en 2014.

Au total, en moins d’un an, la monnaie unique s’est effondrée de plus de 20% par rapport au billet vert. Il semble raisonnable de penser qu’il existe deux grandes raisons à ce repli: la hausse des taux aux États-Unis et une création monétaire durable en zone euro dans le sillage de l’assouplissement quantitatif de la BCE.

Cette dernière a compris que le principal canal de transmission de ses mesures de détente monétaire était le taux de change de l’euro. Les autres canaux – reflation des actifs, disponibilité du crédit et baisse du coût du capital – sont secondaires dans le «QE» européen.

Le programme annoncé a la particularité de représenter plus de 100% des émissions nettes de dette souveraine. 45 milliards d’euros ont vocation à être dépensés en dette des pays de la zone euro. En d’autres termes, la BCE va devoir passer devant les autres acteurs du marché de la dette souveraine, puisque l’offre nette sera inférieure de 80 milliards d’euros aux ambitions de la banque centrale. L’impact relatif de ces achats sera d’autant plus fort sur les prix des obligations souveraines italiennes, espagnoles et portugaises, et la performance de ces classes d’actifs pourrait se poursuivre.

Conséquence: de plus en plus d’obligations souveraines affichent des rendements négatifs en Europe; ces derniers ont touché des points bas centenaires. Et alors que la BCE crée un tsunami monétaire, le marché n’intègre plus correctement un certain nombre de risques. Les achats étant toujours plus nombreux, les valorisations des produits de taux sont dangereusement élevées. Une bulle des valorisations obligataires d’ampleur historique est apparue: le fait que l’Allemagne puisse désormais se financer à 30 ans avec un taux de 0,7% n’a aucune logique économique. Sauf que l’abondance de liquidités et la quête de rendements déforment la réalité.

Parallèlement, les investisseurs ont certainement tout intérêt à s’exposer à certaines classes d’actifs, l’assouplissement quantitatif se transformant en opportunités d’engranger de très beaux rendements dans les actions européennes, la dette souveraine des PIG (Italie, Espagne, Portugal) et des pays du cœur de l’Europe à duration longue (Allemagne, France, Pays-Bas...). Au final, ménages et acteurs du marché retrouveront une partie de la confiance nécessaire pour doper la consommation et la croissance.

Mais l’essentiel sera de savoir quels souvenirs nous garderons de cette fête.