En dépit d'un avis motivé de la Commission euro- péenne, le Luxembourg entend maintenir son régime actuel de bonus-malus. La Cour de Justice tranchera?
Le système d'assurance responsabilité civile automobile de type "bonus-malus" a encore quelques beaux jours devant lui. En dépit d'une demande formelle de Commission européenne, qui y voit un manquement au principe de liberté tarifaire, dans la mesure où les différents taux de bonus appliqués ont des répercussions automatiques et obligatoires sur les tarifs pratiqués par les assureurs, le Gouvernement luxembourgeois a choisi de plaider sa cause devant la Cour de Justice européenne (à l'instar de la France, mais contrairement à la Belgique), à la plus grande satisfaction des assureurs mais pas, paradoxalement, celle de tous les consommateurs.
Pourtant, au Luxembourg, le système a été élaboré dans un total consensus par le biais d'une commission consultative qui regroupait fonctionnaires de l'Etat, assureurs et consommateurs. "Et le système fonctionne à la satisfaction de tout le monde" note Paul Hammelmann, Conseiller Juridique de l'Association des Compagnies d'Assurance à Luxembourg, qui ne comprend donc pas pourquoi l'Union luxembourgeoise des Consommateurs s'est montré favorable à l'abolissement du caractère obligatoire du bonus-malus, estimant que cela mènera à plus de concurrence et plus de protection des conducteurs automobiles. "Ils n'ont manifestement rien compris" regrette M. Hammelmann, par ailleurs étonné que l'ULC ait publié un communiqué sans concertation avec les assureurs, comme cela avait été initialement prévu.
Aux yeux du responsable de l'ACA, le mode de calcul tel qu'il est en vigueur actuellement permet que les mauvais conducteurs paient plus que les bons. "Si ce système disparaît, personne ne peut garantir que les assureurs persisteraient à fournir des informations relatives à la sinistralité passée de leurs assurés. Sans compter qu'il n'y aurait plus aucun mode de comparaison entre prix et produits proposés par les compagnies d'assurance. Les bons conducteurs risquent de payer plus chers; les mauvais qui ne sont pas malins ne pourront peut-être plus trouver à s'assurer, et les mauvais conducteurs plus malins frauderont et ne paieront pas au juste niveau. Ce serait la porte ouverte à la non-assurance, qui est un délit grave !"
L'ULC, elle, souhaite la création d'un bureau de tarification qui permettrait de trouver un compromis entre assureurs en cas de refus d'assurance ou de tarifs exorbitants. Une telle structure existe déjà plus ou moins: il s'agit du "pool des risques aggravés", pour lequel, évidemment, l'assuré traînant avec lui une forte sinistralité, est amené à débourser largement plus que pour un contrat "traditionnel'.
Au delà de la remise en cause d'un système, pour lequel M. Hammelmann estime toutefois que le dossier est "largement plaidable" devant la Cour de Justice européenne, c'est encore une fois la difficulté d'harmonisation européenne qui est mise sur le devant de la scène, à l'heure où les assureurs sont confrontés à d'autres préoccupations telles que l'alignement des tarifs des montants garantis en matière de Responsabilité Civile Automobile: si en France, en Belgique, en Allemagne ou au Luxembourg, ces montants sont illimités, ce n'est pas le cas dans d'autres Etats, si bien que selon son pays d'origine, un accidenté de la route ne sera pas indemnisé de la même façon' "Il est regrettable qu'au lieu d'entreprendre quelque chose de concret pour les victimes, donc les consommateurs, on traîne ce genre de dossiers pseudo communautaires qui sacrifient l'intérêt du consommateur au nom d'une idéologie ultra-libérale".