La galerie Hervé Lancelin exposait des artistes émergents. Un choix porteur. (Photo: Eric Chenal)

La galerie Hervé Lancelin exposait des artistes émergents. Un choix porteur. (Photo: Eric Chenal)

Des chaînes barrent l’entrée des stands, les rouleaux de papier bulle sont déroulés, les cartons et les boîtes jonchent le sol: en ces dernières minutes de la Luxembourg Art Week, plus personne ne veut traîner et le démontage se doit d’être efficace.

Entre deux emballages, Hervé Lancelin décroche et raccroche des dessins pour réaliser une dernière vente. Il fait partie des satisfaits: «On a très bien travaillé, sans doute même mieux que l’année dernière sur la durée de la foire elle-même; pour les retombées d’après, on verra», s’enthousiasme-t-il. Il est d’autant plus satisfait qu’il avait fait le pari d’exposer cinq artistes émergents, des candidats au Luxembourg Art Prize que la galerie organise, et qu’il a réussi à séduire des collections d’entreprises.

Juste en face, Marita Ruiter (Galerie Clairefontaine) est tout aussi enthousiaste: «On a vendu aussi bien de la peinture que de la photographie.» Elle reconnaît cependant ne pas avoir élargi son panel de collectionneurs. «Certains n’étaient pas venus depuis longtemps, mais c’étaient des gens que je connaissais.» Alex Reding l'organisateur de l'événement se dit aussi très content pour les ventes au niveau de sa galerie et constate que «les bonnes pièces bien exposées se sont vendues partout». Il faut dire que le niveau de ce qui était exposé dans les différentes galeries était assez variable, en qualité, en prix, en réputation des artistes et même en qualité d’accrochage.

Satisfaction également sur le stand de la galerie Zidoun-Bossuyt, où Audrey Bossuyt se dit «très contente, tant au niveau des ventes que des nouveaux contacts». Les nouveaux contacts, voilà l’aspect positif que retiendra Renaud Bergonzo de la Wild Project Gallery. «J’ai pu nouer des contacts avec de jeunes collectionneurs qui veulent travailler avec nous», se réjouit-il. Du côté des ventes, il «couvre les frais, peut-être un peu plus». Le galeriste constate une légère évolution du public: «S’il y a toujours beaucoup de promeneurs, ils sont en train de s’approprier la foire, y prendre leurs marques et reconnaître les galeries et les artistes.»

Un public «peu qualifié»

Ce «grand public» est à la fois une source de satisfaction et d’irritation de la part des galeries. Tout le monde est content de voir du monde dans les allées et cette édition aura dépassé les statistiques de l’année dernière, avec presque 11.000 visiteurs (contre 7.000 l’année passée). Mais beaucoup regrettent un public pas ou peu connaisseur et en tout cas pas vraiment acheteur.

«On m’a demandé plusieurs fois si les œuvres étaient à vendre», s’étonne la galerie Aeroplastics de Bruxelles. «On constate un désintérêt flagrant, pour ne pas dire un mépris, de la part des institutionnels et des entreprises qui n’en ont que pour les galeries et artistes luxembourgeois», regrettent encore les Bruxellois, qui concluent: «Il y a un public qui semble venir ici comme il va au bazar de la Croix-Rouge, puisqu’on nous a même demandé si c’était cet événement-là.»

La galerie Guy Pieters regrette aussi un public «peu qualifié». Mais surtout un public qui n’achète pas: «Cet événement est plus un forum pour mettre en avant l’art et les artistes qu’un salon de vente. Les gens se promènent comme au musée.» Bien sûr, la galerie de Knokke a quand même vendu certaines de ses pièces et se montre contente des contacts noués sur place.

Il semble donc que les galeries luxembourgeoises ont bien, voire très bien travaillé et vendu alors que les étrangers se montrent plus mitigés – l’Autrichien Ernst Hilger, par exemple, est content et annonce qu’il veut revenir. La Luxembourg Art Week va devoir réfléchir et travailler à son positionnement et à sa communication, que ce soit vis-à-vis du public, des «corporate» ou des institutionnels. De gros efforts ont été entrepris pour l’invitation et l’accueil de collectionneurs, avec un programme VIP très soigné.

La présence du Salon du CAL et de la foire Take off n’aident sans doute pas à la compréhension et à la lisibilité, mais drainent une grande partie du public. «Peut-être faudra-t-il encore mieux souligner et renforcer la partie Positions avec les galeries professionnelles, car ce sont elles qui contribuent le plus à la foire», réfléchit Alex Reding. «Une table ronde avec les galeries pour réfléchir à la suite et pour que tout le monde avance dans le même sens pourrait être mise en place», propose Renaud Bergonzo, optimiste et enthousiaste.