Olivier Cardinal: «On ressent une grande compétition entre les Big Four pour rendre des services plus efficaces, plus rapides et moins coûteux.» (Photo: Shutterstock)

Olivier Cardinal: «On ressent une grande compétition entre les Big Four pour rendre des services plus efficaces, plus rapides et moins coûteux.» (Photo: Shutterstock)

Conférences, séminaires, études et rapports réguliers… Les responsables des Big Four multiplient les interventions sous forme d’avertissements par rapport aux enjeux de la transformation digitale et technologique qui impacte l’ensemble des acteurs économiques. Ce qui ne veut pas dire, évidemment, qu’ils n’échappent pas à la révolution.

Ils se doivent d’être à la pointe pour à la fois conseiller leurs clients au niveau de leur stratégie, mais aussi leur fournir des services de plus en plus efficaces à des coûts correctement ajustés. « On ressent une grande compétition entre les Big Four pour rendre des services plus efficaces, plus rapides et moins coûteux, nos clients nous testent à ce niveau », observe Olivier Cardinal, IT managing director chez PwC Luxembourg.

Que ce soit pour l’audit, la fiscalité ou le conseil stratégique, l’enjeu technologique se ressent à tous les niveaux. «Tous nos clients, dans quelque métier que ce soit, vivent dans un monde de plus en plus technologique. Leur métier change et une de nos missions est de bien comprendre leurs problématiques par rapport à ces enjeux, afin de pouvoir les servir au mieux», explique, de son côté, Carlo Duprel, directeur et fintech leader chez Deloitte Luxembourg.

Travaux répétitifs

En interne, les grands cabinets utilisent avant tout l’innovation technologique, afin d’automatiser des actions relativement répétitives. «Dans le service d’audit des fonds, la course se fait autour de la capture de la donnée et de l’automatisation de certains tests, pointe Olivier Cardinal. L’informatique permet de préparer la donnée et d’exécuter certains contrôles. Des opérations qui seront ensuite reprises en main par des auditeurs, mais qui leur permettront de consacrer plus de temps au travail à grande valeur ajoutée.»

Imaginer un audit permanent est probablement prématuré.

Frédéric Tabak, chef de service de la supervision publique de la profession de l’audit, CSFF

Dans le domaine de la fiscalité, où beaucoup de travaux sont encore réalisés manuellement, la technologie s’impose aussi petit à petit pour, là aussi, capturer la donnée et préparer des reportings qui seront ensuite soumis aux autorités ou aux clients. 

John Parkhouse, CEO de PwC Luxembourg, parlait même récemment à Paperjam, en marge des résultats 2017 de la firme, de l’idée d’un audit permanent, qui ne serait plus seulement une photographie d’une situation à un moment précis. Trop ambitieux? Frédéric Tabak, chef de service de la supervision publique de la profession de l’audit auprès de la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF), confirme que des solutions informatiques ont déjà été développées par les auditeurs, afin d’atteindre un niveau de qualité satisfaisant sur toutes leurs missions.

À ce titre, il suit de près ces évolutions. «Imaginer un audit permanent est probablement prématuré, estime-t-il. Mais, grâce au développement d’interfaces, ils auront de plus en plus accès aux données en temps réel, et ce grâce, notamment, à la blockchain.»

Les Big Four ont aussi développé des solutions informatiques au niveau de l’analyse des écritures comptables.

Frédéric Tabak, chef de service de la supervision publique de la profession de l’audit, CSFF

En tant qu’observateur extérieur, il note que l’apport technologique présente surtout un intérêt pour les sociétés d’une certaine taille ou qui traitent des activités routinières, comme dans le secteur des fonds d’investissement où un des aspects consiste à rechercher la valeur correcte d’un cours boursier à partir de sources différentes qu’il faut confronter aux données fournies par les clients.

«Les Big Four ont aussi développé des solutions informatiques au niveau de l’analyse des écritures comptables, observe Frédéric Tabak. À titre d’exemple, ils peuvent rapprocher les bons de commande des bons de livraison, des factures et vérifier les paiements de manière exhaustive, au lieu de procéder par échantillonnage comme cela se faisait auparavant.»

Évolution permanente

Chez Deloitte Luxembourg, Carlo Duprel explique qu’une panoplie de services récurrents a été développée en intégrant des nouvelles technologies souvent liées aux fintech ou regtech. Des services que le cabinet peut offrir à ses clients pour soutenir des tâches journalières et répétitives et qui combinent technologie et intervention humaine. Mais comment ont-ils été développés?

«Ça commence par une identification des défis majeurs auprès de nos clients, suivie par de la veille technologique de logiciels, start-up et fournisseurs de services. Nous scannons de nouvelles solutions en permanence, développe Carlo Duprel. Si elles sont concluantes, nous développons des fonctionnalités propres par rapport à nos besoins et ceux de nos clients.»

Les fintech sont devenues un élément accélérateur depuis quatre ou cinq ans.

Carlo Duprel, directeur et fintech leader, Deloitte Luxembourg

Doit-on à ce niveau parler de révolution dans la manière de travailler des Big Four? «Sans doute pas, mais la pénétration de l’informatique est de plus en plus forte, analyse Olivier Cardinal. La survie de nos métiers passe donc par des investissements importants dans ce domaine.» 

Pour Carlo Duprel, l’accélération est liée à l’importance croissante des fintech dans nos économies de manière générale. «Les fintech sont devenues un élément accélérateur depuis quatre ou cinq ans. Elles montrent de nouvelles potentialités pour les services financiers, notamment dans l’expérience client et dans la simplification.»

Les RH s’adaptent

Un changement qui se ressent donc dans les profils recherchés par les grands cabinets. Ils insistent, le niveau de l’emploi n’est pas menacé. Par contre, les profils évoluent ou deviennent plus exigeants. «Le rôle de certaines personnes doit évoluer, elles devront à l’avenir pouvoir appréhender des outils spécifiques dans les différents métiers», estime monsieur Cardinal.

Au niveau du recrutement, si les Big Four cherchaient auparavant des profils classiques capables de mener à bien des audits, ils ajoutent aujourd’hui que «détenir un bagage technologique supplémentaire est un plus». «Avec le problème que ces profils sont déjà en pénurie, observe le fintech leader de Deloitte Luxembourg. Nous devons donc travailler sur notre attractivité pour les faire venir chez nous.» Et à ce stade, la technologie n’est d’aucun secours.