Paperjam.lu

Jacques Chahine  

Alors que l’instabilité géopolitique est à son comble, les marchés financiers restent indifférents à ces secousses. La une des journaux est restée braquée sur l’horrible attentat de l’avion de la Malaysia Airlines et les 300 passagers qui y ont perdu la vie. Les retombées négatives sur l’économie russe sont encore à venir, car la colère commence à gronder sérieusement sur la politique tsariste de Monsieur Poutine. Le conflit israélo-palestinien a repris le devant de la scène avec des perspectives sombres quant à la possibilité de trouver une solution durable. Les milliers de morts qui continuent en Syrie n’intéressent plus grand monde et l’éclatement de l’Irak en zones communautaires avec des violences inouïes a à peine fait bouger le prix du baril de pétrole. Le monde musulman n’a jamais été aussi instable que depuis le supposé printemps arabe et la crise se fait sentir au cœur de plusieurs pays européens qui ont des grandes minorités musulmanes.

L’Europe est aux premières loges de cette instabilité politique, les États-Unis voient ces crises de loin ayant par ailleurs retrouvé une relative indépendance énergétique grâce au gaz et au pétrole de schiste. Leur économie, qui repose sur un énorme marché intérieur totalement intégré, renoue graduellement avec une certaine croissance qui nous laisse très envieux ici en Europe. La seule exception notoire sur ce continent est la Grande-Bretagne, dont la gestion de la crise a été efficace et qui affiche un des meilleurs taux de croissance à plus de 3%.

Bon rattrapage de l’accident climatique polaire

La parution de la première estimation du PIB américain au deuxième trimestre est venue confirmer cet environnement avec un bon rattrapage de l’accident climatique polaire du 1er trimestre. C’est 4% de hausse qui a été affichée au 2e trimestre en rythme annualisé qui compense partiellement les -2% du premier. Les statistiques de l’emploi ont été excellentes en termes de nombre de créations, du taux de chômage et des nouvelles inscriptions qui sont au plus bas.

Notre observatoire du consensus FactSet sur les parutions US du 2e trimestre vient confirmer la vigueur de l’économie avec des profits bien meilleurs qu’attendu. Par rapport au cadrage des estimations fin mai, les profits ont été en moyenne meilleurs de 4,3%, un résultat plus confortable que les surprises des trimestres précédents. Cela porte la hausse à 9% entre Q2 2014 et Q2 2013. Les dépassements se situent chez Gilead Science (le fameux labo à 100$ la pilule contre l’hépatite C), les bancaires et le secteur informatique, avec notamment un retour d’Intel. Par précaution, les sociétés révisent leurs perspectives pour le 3e trimestre, mais cela est resté limité à 1,9% en moyenne. L’autre signal encourageant est que ces meilleurs résultats ont pu enfin être obtenus avec un effet volume mieux qu’attendu. Nous avons constaté que les chiffres d’affaires ont été revus à la hausse aux 2e et 3e trimestres.
Pour l’ensemble de 2014, la tendance à la révision à la baisse s’est inversée vers une légère révision à la hausse et l’année devrait ainsi progresser de 8% environ. On ne peut dire hélas la même chose pour l’Europe, où en l’espace d’un an les profits ont été amputés de 13%! Les bancaires sont très impactées avec les amendes BNP, Deutsche Bank ou Credit Suisse entre autres. Le secteur Télécom souffre de l’effondrement des prix initié en partie de la France avec la bataille de Iliad/Free. Ce n’est donc pas en 2014 qu’on verra le retour à la bonne santé des entreprises européennes, où le secteur informatique est quasiment absent.

Révisions en hausse des profits US, à la baisse en Europe

Plus que jamais, les marchés restent dominés par la politique monétaire, notamment en Europe. Les taux à 30 ans, qu’il faut retenir comme benchmark pour les actions, sont à 2% en Eurozone et 3,23% aux États-Unis. On ne sait pas s’il faut s’inquiéter ou se réjouir, car ces niveaux frôlent la déflation surtout en Europe et l’absence de croissance perçue sur le long terme. Avec des rendements aussi faibles sur une très longue période, la seule alternative reste encore sur les actions dont le dividende dépasse généralement le rendement des emprunts d’État. Les actions ont grimpé de 6,6% dans les pays développés en incluant le dividende et 8,8% dans les pays émergents. L’Amérique surperforme l’Europe avec 7,7% de hausse contre 5,3%. La hausse aux US reste pour le moment quasi identique à celle des profits 2014, ce qui signifie une stabilité du P/E (ratio cours sur bénéfices) si le marché se maintient à son niveau actuel. Notre objectif de cours pour le S&P500 est à 1972 points, soit son niveau actuel. L’Europe semble offrir un meilleur potentiel, mais comme on l’a vu la profitabilité des entreprises est toujours fragile. Le retour vers les pays émergents se confirme, car pour plusieurs d’entre eux, la croissance est encore présente.

La situation en Europe reste fragile et on a parfois l’impression qu’on va vivre une longue période de déflation avec des taux très bas. La BCE sera obligée d’intervenir de façon plus énergique avec un QE à l’européenne qui reste encore à inventer compte tenu des obstacles politiques et nationaux. La baisse de l’euro est une bonne nouvelle pour l’économie et la bonne santé des États-Unis pourrait aider le Vieux Continent à sortir de sa léthargie.

Surperformance du marché américain grâce aux excellents profits.