«La multiplicité des solutions standard va amplifier la confusion.» (Photo: Julien Becker)

«La multiplicité des solutions standard va amplifier la confusion.» (Photo: Julien Becker)

Monsieur Russo, en cette période de morosité économique, quelle évolution connaît votre secteur?

«D’une part, on constate une très forte concurrence entre les SSII dans un marché où il y a à boire et à manger. D’autre part, on observe une forte poussée du service cloud qui – et c’est là que le bât blesse – n’est pas encore perçu comme une plateforme de services. Pour beaucoup d’entreprises, le cloud s’appréhende à ‘l’ancienne’ (achat de serveurs, de licences, etc.). Elles évaluent ce service sur des paramètres techniques qui ne sont pas de leur ressort, oubliant de saisir les réels avantages (en termes de qualité, mais aussi d’adéquation législative et de risque). Tout ceci désoriente le marché. Il en résulte une plus grande exigence et une méfiance accrue de la part des clients qui ne savent plus vers quel service, vers quelle société s’orienter. Ils se tournent alors vers ce qu’ils connaissent et délaissent les solutions les plus innovantes.

La plupart des clients qui nous contactent ont déjà reçu différentes offres, mais ne savent que rarement en quoi elles consistent. Ils choisissent donc selon le seul critère de prix. Et s’ils ont affaire à un opérateur qui ne les satisfait pas, ils changeront, mais toujours en comparant les prix. D’insatisfaction en insatisfaction, leur relation avec les sociétés de service sera écornée.

Quelle est votre perception du marché à court et moyen termes?

«À court terme, je pense que la confusion que l’on constate actuellement va augmenter. La multiplicité des petits opérateurs qui offrent des solutions standard va amplifier le phénomène. J’ai peur que tout cela n’engendre une incompréhension des solutions cloud et une plus grande méfiance. Par contre, je pense tout de même que certains opérateurs compétents tireront leur épingle du jeu. Ceux-là, au travers d’offres claires et adaptées, pourront accompagner le business de leurs clients.

À moyen terme, je pense que les petits opérateurs vont s’intégrer ou disparaître, ce qui apportera un peu plus de visibilité dans le milieu. Mais de manière générale, deux grands mouvements vont s’opérer. D’un côté, les sociétés qui, de par leur business, vont garder en interne leurs données (sociétés réglementées ou industrielles à bas contenu d’innovation) et, de l’autre côté, toutes les entreprises qui ont l’opportunité de mutualiser les coûts tout en bénéficiant d’un haut niveau de sécurité et de qualité grâce au cloud.

Mais le tout repose sur la maturité du marché et pour cela, clients et fournisseurs doivent prendre conscience qu’une société intermédiaire doit être présente pour accompagner le choix des clients. Bien souvent, clients et fournisseurs ne parlent pas la même langue…

Vos besoins en personnel qualifié sont-ils plus complexes?

«Nous cherchons des consultants, à savoir des personnes qui peuvent comprendre les besoins et les traduire au niveau technique tout en accompagnant les projets des clients. Nous les trouvons parmi les économistes qui ont de très bonnes compétences en informatique ou, a contrario, parmi des professionnels en ingénierie. En général, nous n’avons pas de difficulté à les trouver.

Par contre, pour les profils plus techniques, la situation est plus complexe. Soit nous rencontrons des juniors qui sont parfois trop centrés sur les seuls aspects techniques, soit il s’agit de profils multifacettes qui font tout et n’importe quoi. Enfin, les très bons ou supposés comme tels ont vécu des années fastes où le salaire atteignait souvent des sommets en totale inadéquation avec le travail fourni. Ces profils ont malheureusement perdu le goût du challenge et bien généralement, ne veulent plus se remettre en question.

Comment faire, dans l’absolu, pour favoriser le secteur?

«J’accélèrerais le processus de maturation. Un marché plus mature permettrait d’éviter des gaspillages d’argent, de ressources et d’intelligence. Côté client, chaque choix serait ainsi plus réfléchi et les investissements plus cohérents. Du côté des fournisseurs, la conscience réelle aurait pour conséquence d’apporter ce dont le client a réellement besoin et, donc, de développer une relation de confiance.»