Au coeur de la station-service, les discours sont fermes mais l'ambiance reste bon enfant. (Photo: DR)

Au coeur de la station-service, les discours sont fermes mais l'ambiance reste bon enfant. (Photo: DR)

Trois cars de touristes qui arrivent sur un parking à Berchem. Jusque là, la scène n'a rien d'anormal. Sauf que les passagers qui descendent des autobus immatriculés en France et rejoignent, silencieux, mais déterminés, la boutique de la deuxième plus importante aire autoroutière d'Europe, ne sont pas des touristes. Ce sont des manifestants.

Les masques blancs sont enfilés, les calicots déployés. À l'appel de la Fédération Alsace-Lorraine de la Confédération des buralistes, une centaine de tenanciers de bar-tabac et autres vendeurs indépendants de produits de l'industrie du tabac sont venu crier leur sentiment d'abandon, leur désespoir de voir d'une part le gouvernement français augmenter les prix des cigarettes et d'autre part son homologue luxembourgeois prévoir une baisse des accises pour compenser la hausse de la TVA et donc rester compétitif.

«Nous revendiquons une suppression des différences de prix entre les différents pays en Europe», déclare à Paperjam.lu Norbert Chary, président de la fédération et exploitant à Aumetz.

L'Élysée, Marisol Touraine, la ministre française de la Santé, l'Europe, le gouvernement luxembourgeois, tout y passe ou presque.

Du côté des employés de la station essence, on observe, stoïquement, le temps que les slogans soient énoncés et que les drapeaux fassent voler symboliquement une colère à l'égard d'un marché unique européen que les manifestants voudraient voir davantage régulé.

Au détour d'une étagère de friandises, la conversation s'engage entre une manifestante et un employé de la station. Il est également frontalier, au Luxembourg. La dame retire son masque. Et la discussion s'oriente vers l'Élysée et le gouvernement français. Le secrétaire d'État en charge du Budget en prend aussi pour son grade.

Voie sans issue?

En tant qu'élu originaire de Meurthe-et-Moselle, Christian Eckert devrait connaître les spécificités du marché du tabac frontalier, estime la manifestante. L'employé acquiesce. Avant de s'entendre dire «on ne communique pas» de la part d'un des responsables de la station. Du côté des forces de l'ordre, l'effet surprise était total puisque la Police est arrivée discrètement après le début de l'action qui se voulait somme toute bonne enfant.

C'est la deuxième fois en quelques jours que les buralistes français font le déplacement de l'autre côté de la frontière. Dimanche, une dizaine d'entre eux, originaires cette fois du Haut-Rhin, avaient mené pareille opération, mais à plus petite échelle donc, dans un commerce de Vieux-Brisach dans le sud-ouest de l'Allemagne. Quelle solution face à une problématique double? Celle de faire en sorte qu'une profession de proximité – aussi décriée soit-elle pour des raisons de santé – puisse survivre et celle d'assurer des rentrées suffisantes aux caisses de chaque État.

Évoquée lors de discussions politiques transfrontalières il y a quelques années, la création de zones franches côté français est peut-être une voie médiane pour faire en sorte que les différentiels soient atténués de part et d'autre, au sein d'une Grande Région qui reste en construction à bien des égards.