Benoît Wtterwulghe (Compagnie de Banque Privée) (Photo: David Laurent/Wide)

Benoît Wtterwulghe (Compagnie de Banque Privée) (Photo: David Laurent/Wide)

Monsieur Wtterwulghe, pour une jeune banque comme l’est la Compagnie de Banque Privée, quels ont été les défis qui ont présidé à la mise en œuvre de son infrastructure IT?

«Nous avons ouvert la banque le 2 mai 2007, alors que le projet de création de la plate-forme de la CBP a commencé fin novembre 2006. La chance que nous avons eue, au cœur de ce projet, et notamment au niveau de l’IT, c’est qu’on a pu partir d’une feuille blanche. Nous avons pu penser et dessiner notre infrastructure avant de la mettre en place, avec toujours le souci qu’elle réponde aux objectifs à moyen et long termes de la banque et, évidemment, aux contraintes de coûts et de temps. Il fallait aller très vite.

Nous avons mis cinq mois, entre l’arrivée du premier membre de l’équipe au niveau de l’IT et la mise en production de la banque. Un élément-clé de la réussite du projet a été la rapidité avec laquelle nous avons pu mobiliser des personnes très compétentes dans leur domaine. Sans ces personnes, nous ne serions jamais arrivés à aller si vite. Il a fallu redessiner une banque avec des gens venant d’horizons et de cultures très différents.

Quels choix technologiques ont été faits pour répondre aux enjeux de la création de cette banque et de sa pérennisation?

«Nous avons choisi, dès le départ, de nous orienter vers un core banking system. C’était indispensable pour aller vite. Nous avons choisi Olympic, un système relativement paramétrable, mais qui impose tout de même des modes de fonctionnement au sein de la banque. Donc, par rapport à l’organisation que nous mettions en place, ce choix a été structurant. Mais il y avait par ailleurs beaucoup d’autres choix à faire. C’est pourquoi nous avons choisi un système ouvert, que l’on pouvait interfacer facilement avec d’autres systèmes. On a, par exemple, des systèmes de reporting légal, de réconciliation, de gestion, de facturation et de comptabilité, etc. avec des interfaces en direct vers Olympic.

Qu’est-ce qui vous a poussés à aller vers cette architecture?

«Nous voulions éviter ‘l’effet plat de spaghettis’ avec des systèmes qui discutent tous entre eux et, au final, une infrastructure très difficile à gérer. D’une part, parce qu’il fallait faire vite et limiter les coûts. D’autre part, parce que nous n’étions qu’une poignée de personnes au sein de l’équipe IT. Pour répondre aux besoins quotidiens tout en poursuivant le développement de projets, il fallait limiter cette complexité. Olympic, à l’époque, ne tournait que sur AS400. Nous avons voulu uniquement utiliser OS400 et Windows pour éviter d’avoir une complexité qui viendrait d’autres systèmes d’exploitation.

Nous n’avons privilégié qu’un seul type de base de données et mis en place un data warehouse pour satisfaire les besoins de reporting et autres. C’est là que sont concentrées l’ensemble de nos données pour mieux les restituer à tous nos utilisateurs. Nous avons aussi décidé d’aller vers une architecture virtualisée au niveau des serveurs, pour réduire la complexité mais aussi les investissements et les coûts de maintenance.

D’un autre côté, il faut penser à tout directement. N’est-ce pas compliqué?

«Nous avons essayé d’anticiper un maximum, mais nous avons été très attentifs à mettre en place un système qui pouvait évoluer. Aujourd’hui, plus que de mettre en place de nouveaux systèmes, nous faisons évoluer ce qui existe. Mais dès le départ, on savait ce qu’on voulait faire à très court terme: ouvrir une banque privée et disposer de l’infrastructure indispensable pour ce faire, avec un reporting de qualité, une tarification flexible, un système ouvert…

Mais, plus que cela, on voulait avoir un système permettant d’évoluer tant au niveau des volumes que des fonctionnalités. Un autre axe important a été de mettre en place, au niveau des équipes et des systèmes, un paramétrage qui nous permet d’aller vers un mode multi-entités et de faire tourner plusieurs entités bancaires sur cette même plate-forme.

Comment avez-vous veillé à la sécurité de vos systèmes?

«La fiabilité a aussi été un axe important dans la mise en œuvre de notre système. Un des éléments-clés pour une banque est de pouvoir disposer d’une production qui fonctionne avec les plus hauts standards de qualité, même si rien n’est parfait dans ce monde. A chaque fois, nous avons préféré aller vers des solutions éprouvées, pour lesquelles on trouve des ressources au Luxembourg. Nous avons investi dans des outils de suivi, avec une architecture technique et applicative la plus simple possible. Par ailleurs, la quasi-totalité de nos systèmes sont redondants.

Aujourd’hui, au cœur du secteur bancaire, quelle est l’importance de l’IT? «Les systèmes d’information occupent une position cruciale et l’importance de l’IT continue à augmenter de manière exponentielle. A cause des nouvelles réglementations qui ne cessent de se succéder, la complexité des systèmes augmente et cela ne devrait d’ailleurs pas s’arrêter. Il suffit de penser au positionnement des banques en matière de reporting fiscal, de transparence, de gestion des risques.

Au niveau business aussi, il faut que les systèmes puissent évoluer afin que la banque reste compétitive. La tendance actuelle, par exemple, est au développement de produits sur mesure, adaptés à chaque client. Cela sous-entend qu’au niveau de l’IT, il va falloir disposer de CRM plus performants, de systèmes Internet plus ouverts. La complexité et l’importance des systèmes IT vont donc encore devoir augmenter, mais l’informatique reste un outil, certes essentiel, mis à la disposition des métiers.

Quels ont été vos chantiers prioritaires pour l’année 2010?

«Chaque année, nos projets s’articulent autour de quatre grands axes. Le premier est le service au client avec, pour 2010, un outil de CRM que l’on a complété et le développement d’une base commune pour toute la documentation du client. Il doit nous permettre d’être plus réactifs par rapport à ses attentes, ses besoins. On peut avoir une meilleure visibilité de tous les échanges qu’on a eus avec lui. Nous avons également étendu notre gamme de produits.

Il y a aussi l’axe d’automatisation. L’augmentation des volumes exige de mettre en place des solutions automatisées, de passage des ordres par exemple, pour permettre de conserver un service de qualité avec des équipes qui ne sont pas extensibles.
Un troisième axe est celui de l’ouverture de nos systèmes. Nous ne sommes pas vendeurs de produits, mais ‘structureurs’ de solutions. Cela exige une plus grande ouverture vers les gérants de fonds ou les sociétés d’assurances. Nous avons mis en place des liens, des échanges automatisés SWIFT, avec nos partenaires qui proposent ces produits.

Le quatrième axe, enfin, est réglementaire. A ce niveau, cette année-ci a été relativement calme. On a juste dû modifier le reporting réglementaire. En revanche, dans les années à venir, des modifications de réglementations importantes sont à prévoir.

Les projets pour 2011 sont-ils déjà établis?

«Sur l’aspect client, on va très probablement continuer à investir dans le CRM et l’Internet, en étendant notre solution actuelle. Je dis très probablement, car les budgets définitifs n’ont pas encore été avalisés. On a aussi un projet d’automatisation d’une partie du suivi des risques. Puis il y a toute une série d’autres projets, au niveau des infrastructures, des produits, mais il est encore un peu tôt pour en parler.

Comment l’informatique est-elle intégrée dans les processus de décision de la banque? «Plus que responsable de l’équipe informatique, qui n’est qu’une de mes casquettes, je suis membre du comité de direction de la banque. La clé, pour une banque, au niveau de l’informatique, est de mettre en place des solutions qui répondent le mieux aux besoins du métier et du client. Il faut veiller à mettre en place des projets qui vont être rentables et apporter une plus-value au métier, premier client de l’équipe IT, ou au client final.

Dans cette démarche, un aspect important de ma fonction est aussi de veiller à la gestion du changement. C’est d’autant plus vrai dans une banque jeune, dynamique et ambitieuse, avec beaucoup de projets. Enfin, par ma position, je peux veiller à une adéquation des projets entre les besoins à court et moyen termes et la vision que nous avons à long terme.

Vos missions concrètes, quelles sont-elles?

«C’est le développement des projets informatiques au service du métier, de la banque privée. Mais c’est aussi veiller à ce que ces projets restent dans les clous au niveau budgétaire. Enfin, il y a le management des équipes. Nous avons la chance de disposer d’une équipe de qualité, qui doit répondre à beaucoup d’exigences au niveau des projets et de la gestion quotidienne de l’infrastructure, du support. Mais ils sont venus en connaissance de cause, pour le projet. Les occasions de décider de bout en bout de la stratégie et d’une vision de l’IT à mettre en place puis de la développer effectivement sont rares.

Que le responsable de l’informatique ait une place au sein de l’organe de décision, est-ce essentiel pour vous?

«Dans une entreprise qui veut changer rapidement, c’est même indispensable. On ne peut pas bien appréhender le changement sans prendre en compte cette ‘dimension système’. Elle est aujourd’hui une clé essentielle pour toutes les activités de la banque. Enfin, cette position permet d’assurer un alignement permanent entre les enjeux auxquels nous devons répondre et les moyens à mettre en œuvre, les solutions à développer. L’équipe informatique peut être, dès lors, informée très tôt des projets et anticiper les choses. Cela constitue un gros avantage.

Le responsable de l’informatique doit-il être d’abord manager ou avant tout technicien? «Je suis un manager. Je n’ai pas de formation de technicien, mais je pense qu’on ne peut pas être un bon manager IT sans avoir de l’intérêt pour ces aspects, sans avoir une certaine fibre technique. Je n’ai jamais vraiment opéré une machine, mais l’important est, à mon sens, de savoir où on va, en fonction des besoins, et de trouver comment atteindre nos objectifs. Il faut s’assurer que ce qu’on fait va bien dans la bonne direction.»