Du côté des «Terres rouges», on ne s’est jamais arrêté aux frontières. Belval, côté Esch, fait figure de projet emblématico-pharaonique pour ceux qui l’observent de la Lorraine contiguë et, dans une moindre mesure, de Belgique.
Si Belval fait son bonhomme de chemin depuis 10 ans, les réactions, en France, commencent seulement à émerger des cartons et des cercles de dissertation pour urbanistes, aménageurs de territoire, politiques et autres chercheurs. Le projet de territoire Alzette-Belval, dans ses intentions, ne manque cependant pas de souffle ni d’ambitions. Porté par une «priorité nationale» accordée par l’État français, ce «projet stratégique opérationnel» sort des études pour commencer à se déployer en ce printemps 2014.
L’objectif rassembleur est de «compenser, voire réduire le différentiel de compétitivité et d'attractivité du territoire (différentiels fiscal et social)», lit-on sur les présentations officielles, tout ça vis-à-vis du site luxembourgeois en plein boom. Esch-Belval serait la locomotive, à laquelle Belval-Alzette viendrait s’atteler, pour compléter l’édifice.
Un modèle de développement
Concurrencer le pôle de savoir et d’emplois made in Luxembourg? En tout état de cause, les autorités françaises (Région lorraine en tête) veulent «contribuer à l'émergence, en France, d'un modèle de développement propre aux entreprises frontalières de la Grande-Région». Entre autres, il est question de «doter le territoire de moteurs de développement propres à compenser le différentiel de compétitivité avec le Luxembourg». Et de citer, un peu en vrac: datacenters, supercalculateur, éco accélérateur, cluster, formation, R&D autour des problématiques de la réhabilitation, de la maîtrise de l'énergie et de l'écoconstruction…
L’EPA (établissement public d’aménagement) d’Alzette-Belval, pilote de la manœuvre, souhaite, de fait, peupler la vaste zone, la doter d’une Écocité – nouvelle ville pensée dans une vision durable – et créer quelque 6.800 logements au cours des 20 ans à venir. Cette Écocité aura aussi valeur de label, décerné au projet par l’État français, dans le cadre d’un concours «Villes de demain».
Un vrai puzzle
Le territoire Alzette-Belval, à un saut de puce du Belval sur Alzette luxembourgeois, a déjà mû quelques aménagements territoriaux, routiers notamment (du côté de Micheville), pour mieux desservir le pôle de développement et d’emploi qui se déploie sur la face grand-ducale, laquelle a une belle longueur d’avance.
Les diverses présentations et déclarations dans les cercles de Lorraine ou la presse française témoignent d’un certain bouillonnement de la marmite à projets. Quelques fédérations d’entreprises semblent s’y intéresser aussi, comme pour jeter des ponts entre les deux territoires voisins. Mais politiquement, l’affaire n’est pas gagnée tant il y a de morceaux au puzzle institutionnel, qu’il faudra réaliser sans créer une distorsion de l’image et en allant sans cesse chercher les moyens ad hoc…
En effet, pile sur la frontière, en limite des départements de Moselle et de Meurthe-et-Moselle, Alzette-Belval se répartit sur huit communes (Audun-le-Tiche, Rédange, Russange, Aumetz, Boulange et Ottange en Moselle, Thil et Villerupt en Meurthe-et-Moselle). Ces 5.285 ha couvrent des zones de friches industrielles, des secteurs agricoles, des sites présentant des enjeux écologiques et des secteurs urbanisés.
L’EPA évoque, réaliste, des «projets communs ou mutualisés avec les Luxembourgeois». Agora et l’État luxembourgeois, notamment, sont considérés comme des partenaires directs. Et un GECT (groupement européen de coopération territoriale) rassemble (depuis un an déjà) quatre communes luxembourgeoises (Esch-sur-Alzette, Schifflange, Sanem et Mondercange), le Grand-Duché de Luxembourg, quatre collectivités françaises et l’État français, pour veiller sur le destin d’une zone de 170 km2.