Rare dans les médias, Gaston Reinesch s'est longuement expliqué pour Paperjam.  (Photo : Christophe Olinger / archives paperJam)

Rare dans les médias, Gaston Reinesch s'est longuement expliqué pour Paperjam.  (Photo : Christophe Olinger / archives paperJam)

Gaston Reinesch, dans une interview exclusive à paraître ce jeudi dans l’édition du mois d’avril de Paperjam1, juge que la sous-capitalisation constitue «une épée de Damoclès financière et, par ricochet, opérationnelle pour la BCL». Il estime que la situation est «rendue encore plus inquiétante au vu du niveau historiquement bas des taux d’intérêt».

La BCL est une des banques centrales nationales parmi les plus importantes de l’Eurosystème en termes de liquidités attribuées aux établissements de crédits et de montants de garanties utilisés par les opérations de politique monétaire.

Elle est, entre autres, responsable d'évaluer l’éligibilité de quelque 7.200 titres utilisés comme garanties dans l’ensemble des opérations de politique monétaire, ce qui représente 21% du nombre total des titres éligibles dans la totalité de l’Eurosystème. «Il s’agit là d’une responsabilité considérable pour la BCL, dont la part de capital dans l’ensemble de la BCE n’est que de 0,2%», indique M. Reinesch.

Pas augmenté depuis 2009

Le capital social de la BCL s’élève actuellement à 175 millions d’euros et n’a pas été augmenté depuis 2009, malgré les promesses en 2012 de l’ancien Premier ministre, Jean-Claude Juncker, actuellement président de la Commission européenne, de la doter de fonds propres «appropriés».

Les autorités luxembourgeoises avaient ainsi prévu de porter le capital autorisé de la BCL à 1,5 milliard d’euros, dont 900 millions devaient être libérés pour lui permettre, selon un avant-projet de loi, «d’assumer pleinement et de manière indépendante ses obligations financières au sein d’un système financier qui a considérablement évolué ces dernières années».

Le nouveau gouvernement de coalition de Xavier Bettel, en place depuis décembre 2013, n’a pas touché au chantier de la recapitalisation de la Banque centrale luxembourgeoise, alors qu’elle s’est vu attribuer des missions et des responsabilités supplémentaires en matière de supervision bancaire et de politique macro-prudentielle.

La BCL doit notamment mettre en place au Luxembourg d’ici 2017 un registre des crédits, jusqu’alors inexistant. La BCL joue également un rôle important dans la mise en place d’un système, LEI, qui émet pour les entités et fonds d’investissement domiciliés au Luxembourg des numéros de référence identifiant les contreparties de transactions financières au niveau mondial.

Maillon faible dans l’Eurosystème?

«La BCL est connectée au réseau de banques centrales dans lequel aucune ne peut se permettre d’être un maillon faible», souligne Gaston Reinesch.

Il juge la base capitalistique de 175 millions d’euros de la BCL «extrêmement faible» par rapport à son total de bilan de 120 milliards d’euros au 31 décembre 2014. «Le ratio fonds propres/total de bilan était de 0,9% – je dis bien 0,9% – alors que la moyenne de l’Eurosystème s’établissait à quelque 6%», déplore-t-il.

Il rappelle que les réviseurs externes de la BCL «ne cessent de noter que les fonds propres sont extrêmement faibles par rapport au volume général des opérations de la Banque et que les conséquences en sont une grande vulnérabilité à d’éventuelles pertes résultant de risques, tous hors du contrôle de la BCL, qui pourraient se concrétiser». Le gouverneur souligne que la BCL pourrait se retrouver bientôt avec des fonds propres négatifs. Et il affirme que l’indépendance financière et opérationnelle de la BCL est à ses yeux «non assurée».

La piste des redevances 

Or, dans un document daté du 7 septembre 2012 concernant les besoins de recapitalisation de la BCL, Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, notait qu’une situation dans laquelle le capital d’une banque centrale nationale serait inférieur au niveau de son capital statutaire, voire négatif, «pourrait entacher la crédibilité de la politique monétaire de l’Eurosystème».

La solution à cette sous-capitalisation passe par deux pistes, selon Gaston Reinesch: doter la BCL du droit de percevoir des redevances sur les opérateurs, à l’instar des taxes que perçoivent déjà la CSSF et le Commissariat aux assurances; ou une augmentation de capital, en dépit des nombreuses incertitudes pesant sur les revenus du pays, qui va renoncer au secret bancaire en 2017 avec le passage à l’échange automatique d’informations fiscales.

Gaston Reinesch n’a pas chiffré les besoins financiers de la BCL. Il estime toutefois que la recapitalisation pourra se faire par étapes.

Le «Grand entretien» avec Gaston Reinesch est à lire dès ce jeudi 12 mars dans l’édition du mois d’avril de Paperjam1.