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Huan Hong, Bank of China (Photo: David Laurent) 

La discrète Bank of China a fêté ce lundi son trentième anniversaire au Grand-Duché. La plus internationale des banques chinoises dévoile ses ambitions dans la banque privée et ailleurs.

Tout est prêt au 37-39 du boulevard Prince Henri, à deux pas du boulevard Royal. Guichets, salons privés, espaces de réception et de conférence, terrasse avec vue sur parc, et même une petite salle des marchés. Le tout réparti sur six étages rénovés, à la décoration très asiatique. Ne manque plus que les clients et le coup d’envoi qui devrait être donné fin 2009 ou au début de l’année prochaine pour la toute première banque privée made in China au Grand-Duché.

La plus internationale des banques chinoises fait fi de la crise, des débats sur le secret bancaire et se lance dans le grand bain. «Jusqu’à présent, notre activité se limitait aux dépôts et aux prêts syndiqués. Dans les trois ans qui viennent, nous allons transformer notre business model. La banque privée, la gestion de patrimoine et le métier des fonds font partie de nos priorités. A l’avenir, nous n’excluons pas de nous lancer dans l’activité de banque dépositaire», affirme Huang Hong, CEO et executive director de Bank of China Luxembourg.

L’ambition affichée par cet ancien trader contraste avec le profil bas des leaders de la Place, sévèrement touchés par la crise financière. Mais Bank of China est sortie presque indemne de la tourmente. «Nous ne nous attendions pas à une crise de cette ampleur. Mais, entre 2007 et 2008, nous sommes restés à l’écart du marché international des prêts, car nous jugions les rendements trop faibles. Nous n’avons été touchés par rien, ni par Lehman, ni par Madoff. Nos investissements ont été concentrés sur le marché domestique chinois», précise Huang Hong. Le pari s’est avéré payant grâce au vaste plan de relance de Pékin et à la robustesse de l’économie chinoise, dont le rythme de croissance avoisine toujours les 8%. «Au Luxembourg, nous venons d’augmenter notre capital et notre bénéfice 2008 est le plus important depuis notre implantation ici le 3 juin 1979 (trois ans seulement après la mort de Mao, ndlr). Du coup, les bonus sont à la hausse et notre Christmas party fut la plus réussie de ces dernières années», s’enthousiasme-t-il sans langue de bois. Ce trentième anniversaire offre une occasion unique de communiquer. Mais le dirigeant évoque moins volontiers l’histoire qu’il ne détaille les projets immédiats de l’établissement.

Un pont vers la Chine

Bank of China veut d’abord fournir des services off-shore à la clientèle chinoise de son réseau, lui offrir une plate-forme vers les marchés internationaux: «Les gens sont en attente de conseil et de produits sophistiqués, en particulier les jeunes, plus au fait des questions financières». Mais ce n’est pas tout: «Le Luxembourg est aussi un pont pour les investisseurs occidentaux vers la Chine et sa croissance économique.» Quel investisseur occidental peut rester indifférent aux marchés chinois alors que les principaux indices boursiers de Shanghai ont gagné près de 50% depuis le début de l’année? La troisième banque du monde par la valeur de marché, derrière ICBC et China Construction Bank, deux autres chinoises, se propose également de jouer un rôle d’interface pour les entreprises chinoises qui veulent se développer en Europe et les sociétés européennes en République Populaire. Le troisième étage du siège est réservé au corporate banking.

Si le personnel du bureau luxembourgeois est essentiellement chinois, Bank of China cherche à s’entourer de talents reconnus sur la Place pour renforcer une équipe composée de 41 personnes. «Cette année, nous avons recruté quatre collaborateurs», souligne Huang Hong, déplorant la rareté du personnel qualifié dans ce petit pays, mais se réjouissant de recevoir des CV de plus en plus nombreux. Il est également très fier de la nomination de Jacques Poos, ancien vice-premier ministre luxembourgeois, comme administrateur indépendant de Bank of China Luxembourg.

Si le développement de l’établissement au Grand-Duché coïncide avec son trentième anniversaire, il s’inscrit surtout dans la stratégie globale de la banque, majoritairement détenue par l’Etat et cotée en Bourse depuis 2006. Bank of China multiplie l’ouverture de bureaux de private banking en République Populaire pour gérer l’épargne de ses riches concitoyens. Elle vient aussi d’ouvrir un bureau à Genève avec de grandes ambitions dans la gestion de patrimoine. Le bas de laine chinois semble prêt à déferler sur le monde.