Les syndicats et les cadres de l'entreprise, située en Province de Luxembourg sur le Pôle européen de développement, ont mené une action de grève pour dénoncer le silence de la direction alors que les activités sont de plus en plus délocalisées.
Après ExxonMobil, Federal Mogul ? Les survêtements rouges et verts des syndicats belges brillaient sous le soleil, vendredi matin, pour un piquet de grève et une conférence de presse devant l'usine d'Aubange, sur le pôle européen de développement (PED), de l'équipementier américain Federal Mogul. Et, pour la première fois, les cadres avaient rejoint le mouvement, l'usine étant ainsi à l'arrêt complet pour 24 heures.
Ici, pourtant, aucune annonce de licenciement ou de restructuration, comme chez ExxonMobil. Mais les faits parlent d'eux-mêmes, qui expliquent l'inquiétude des quelque 357 travailleurs (toutes catégories confondues) d'une usine qui, depuis son implantation locale, en 1976, est allée de pertes de production en pertes d'investissements et d'emplois, en passant par trois propriétaires successifs (Champion, Cooper et, aujourd'hui Federal Mogul). Quant à l'emploi du groupe dans ses implantations belges, il est passé de 1.214 personnes en 1987 à 416 personnes pour l'instant. Federal Mogul est en outre, depuis quatre ans, sous l'application du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites, qui protège du dépôt de bilan moyennant un plan de restructuration. En 2002, en effet, le ratio fonds propres - capital était de 30,70%, entraînant une situation de faillite qui a été évitée par une recapitalisation de 15 millions d'euros et par 5 millions d'augmentation de capital. Mais, fin août dernier, ce ratio était de 53,17%, d'où une faillite virtuelle.
A ses débuts, après qu'un site de production voisin, à Latour (Virton) ait été transféré à Aubange, l'usine produisait des bougies d'allumage et pour moteurs diesel, et des essuie-glace. Les bougies diesel ont été délocalisées en Italie en 1993; celles d'allumage en 2002, en Grande-Bretagne et en Afrique du Sud. Avec, chaque fois, les pertes d'emplois que l'on devine.
Au début de cette année, la direction du groupe a annoncé l'ouverture d'une usine d'essuie-glace en Hongrie, qui produit toute la gamme économique, soit environ 1,2 million d'essuie-glace perdu au niveau de l'assemblage et de la production à Aubange. Tandis qu'un autre marché de 1,1 million d'essuie-glace au profit de Carrefour est perdu.
"Lorsque 125 emplois ont été perdus en 2002", explique le front commun syndical, "la direction nous a présenté un plan de viabilité sur trois ans, avec progression de la production d'essuie-glace". "Début 2005, face à la délocalisation en Hongrie, cette direction nous affirmé que l'activité, ici, allait se développer grâce à la globalisation des marchés et au fait que nous produirions des composants à haute valeur ajoutée, ceci à condition que le plan de 2003, qui prévoyait une forte hausse des volumes, soit respecté. Mais ce n'est pas du tout le cas".
Et d'avancer des chiffres qui en disent long. Depuis 2003, la production, alors de 85.000 essuie-glace par jour, dégringole sans cesse. Maintenant, alors que c'est la haute saison pour les fabricants, le chiffre n'est que de 54.000 pièces quotidiennes, à moins 30% par rapport à l'année dernière. "On parle de 60.000 pièces pour toute cette année", soulignent les syndicats. "Avec les frais fixes, c'est intenable. Un simple calcul mène, dans ces conditions, à la perte de 40 emplois ouvriers, employés et cadres". De plus, il n'y a toujours aucun budget pour 2006 et la convention de travail arrive à échéance dans deux mois sans que rien ne soit fait pour élaborer une nouvelle.
Le personnel, manifestement à l'unanimité, veut, par l'action de vendredi, attirer l'attention de la direction sur le fait qu'il attend une réponse urgente à ses questions plusieurs fois répétées, mais à chaque fois sans réponse, sur l'avenir de l'entreprise. D"autant, et les représentants syndicaux n'ont pas manqué de le souligner, que ce personnel a consenti de très lourds efforts. "Nous serons toujours d'accord pour plus de productivité, mais il faut que la direction respecte sa parole", concluent les syndicats.
Le directeur du site, M. Masson, a quant à lui refusé tout contact avec la presse. Contacté par nos soins - et sans nul doute coincé entre le centre de décision américain et ses travailleurs - il s"est borné à nous indiquer: "Je ne comprends pas, il y a du travail et des commandes, je ne ferai aucune déclaration'.