Caroline Lootvoet, counsel Elvinger, Hoss & Prussen, et Pierre Elvinger, associé Elvinger, Hoss & Prussen (Photo: Elvinger, Hoss & Prussen)

Caroline Lootvoet, counsel Elvinger, Hoss & Prussen, et Pierre Elvinger, associé Elvinger, Hoss & Prussen (Photo: Elvinger, Hoss & Prussen)

L’article L.221-1 du Code du travail définit le salaire comme «la rétribution globale du salarié, comprenant, en dehors du taux en numéraire, les autres avantages et rétributions accessoires éventuels, tels que, notamment, les gratifications, tantièmes, remises, primes, logements gratuits et autres valeurs quelconques de même nature».

Par avantages légaux, est visé principalement le salaire de base qui est déterminé librement par les parties dans le contrat de travail. «Le salaire de base ne peut toutefois être inférieur au salaire social minimum prévu par la loi, qui est actuellement de 1.921,03 euros pour un salarié non qualifié de plus de 18 ans et de 2.305,23 euros pour un salarié qualifié», précise Caroline Lootvoet, counsel chez Elvinger, Hoss & Prussen.

En outre, lorsque l’employeur est lié par une convention collective de travail sectorielle ou d’entreprise, le salaire de base doit respecter les barèmes de rémunération prévus par ladite convention. Enfin, le salaire de base est indexé automatiquement à l’évolution du coût de la vie. «Lorsque l’indice des prix à la consommation augmente de 2,5% au cours du semestre précédent, le salaire est en principe adapté dans la même proportion. La dernière augmentation des salaires date du 1er octobre 2013 (indice 775,17). La prochaine indexation ne pourra avoir lieu avant le 1er octobre 2014.»

Les avantages extra-légaux sont négociés librement par les parties. Il est important que ceux-ci soient déterminés avec précision dans le contrat ou dans un avenant à celui-ci. «Sur le marché du travail luxembourgeois, les avantages les plus rencontrés sont l’affiliation à un plan de pension complémentaire et à une assurance soins de santé, l’octroi d’un 13e mois, l’octroi de chèques-repas et l’octroi d’un véhicule de société, d’un téléphone et d’un ordinateur portables.» Dans la mesure où le véhicule de société ainsi que les outils technologiques précités sont mis gratuitement à la disposition du salarié et que celui-ci peut les utiliser à des fins privées, il s’agit en effet d’un avantage en nature faisant partie intégrante du salaire.

Modification du salaire. Le salaire constitue un élément essentiel du contrat de travail du salarié. Il ne peut, à ce titre, être modifié en défaveur du salarié que du commun accord des parties par la signature d’un avenant au contrat de travail. «Si le salarié refuse cette modification, l’employeur devra respecter la procédure de révision d’un élément essentiel du contrat de travail prévue par l’article L.121-7 du Code du travail», explique Pierre Elvinger, associé chez Elvinger, Hoss & Prussen. «À défaut d’accord du salarié quant à une modification salariale en sa défaveur, l’employeur devra notifier la modification par lettre recommandée ou par signature apposée par le salarié sur le double de la lettre. Si l’entreprise compte plus de 150 salariés, un entretien préalable avec le salarié devra en outre être prévu.»

Tout comme en matière de licenciement, une modification du salaire peut avoir lieu avec effet immédiat lorsque la modification est justifiée par un motif grave ou en respectant un délai de préavis lorsque la modification est justifiée par des «motifs réels et sérieux liés à l’aptitude ou à la conduite du salarié ou fondés sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service». En cas de modification justifiée par un motif grave, la modification peut prendre effet immédiatement, le motif grave justifiant la modification devant toutefois être exposé dans la lettre de notification de la modification. «En l’absence de motif grave, la modification ne peut intervenir qu’à l’expiration d’un délai de préavis identique à celui qui doit être respecté en cas de licenciement du salarié avec préavis. Le salarié peut demander les motifs justifiant la modification de son salaire dans le mois de la notification de la modification. L’employeur doit lui communiquer lesdits motifs dans le mois qui suit la réception de la demande du salarié.»

Si l’employeur ne respecte pas cette procédure, la modification du salaire est nulle, c’est-à-dire que l’employeur ne pourra s’en prévaloir vis-à-vis du salarié, le salaire initial restant d’application. Si l’employeur a respecté la procédure, mais que le salarié conteste les motifs invoqués à l’appui de la modification salariale, il appartient au salarié de prendre l’initiative de la rupture du contrat de travail et de saisir le juge pour demander la requalification de sa démission en licenciement abusif. «Le juge condamnera l’employeur au paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif s’il estime que la modification du salaire n’est pas justifiée par un motif grave, par un motif lié à l’aptitude ou à la conduite du salarié ou par un motif économique.»

Il est important de noter que si le salarié, tout en contestant les motifs invoqués, continue à se présenter au travail après l’entrée en vigueur de la modification, celui-ci sera considéré comme ayant accepté la modification intervenue.

Salaire et fin du contrat de travail. La détermination des composantes du salaire est essentielle lors de la rupture du contrat de travail, en particulier lorsqu’il s’agit de déterminer les avantages à accorder au salarié qui a été dispensé de prester son préavis ou de calculer son indemnité de départ.

En cas de dispense de prestation du préavis par l’employeur, celui-ci est obligé de payer au salarié, jusqu’à l’expiration du délai de préavis, l’entièreté des salaires et autres avantages auxquels le salarié aurait pu prétendre s’il avait accompli son travail. Est toutefois exclu «le remboursement de frais occasionnés par le travail, notamment les indemnités de repas, les indemnités de déplacement ou les indemnités de trajet, selon l’article L.124-9 (1) du Code du travail», souligne Pierre Elvinger.

En vertu de l’article L.124-7 (3) du Code du travail, l’indemnité de départ à laquelle a droit tout salarié de plus de cinq ans d’ancienneté licencié avec préavis doit être calculée «sur la base des salaires bruts effectivement versés au salarié pour les 12 derniers mois qui précèdent immédiatement le mois de la notification du licenciement». Ainsi, pour un licenciement notifié en date du 31 décembre 2013, l’employeur devra additionner les montants payés au salarié entre le 1er décembre 2012 et le 30 novembre 2013 et diviser le montant obtenu par 12 afin d’obtenir un mois de salaire. Le Code du travail précise que doivent être pris en considération dans ce cadre, outre le salaire de base, «les indemnités pécuniaires de maladie et les primes et suppléments courants, à l’exception des rémunérations pour heures supplémentaires, des gratifications et de toutes indemnités pour frais accessoires».

La jurisprudence a déjà eu l’occasion de confirmer que l’avantage résultant de l’usage privé d’un véhicule de société et d’un téléphone portable mis gratuitement à la disposition du salarié ainsi que les cotisations patronales dans un plan de pension complémentaire constituent des «suppléments courants» dont il faut tenir compte dans le calcul de l’indemnité de départ. «La prise en compte des cotisations patronales dans les chèques-repas dépendra des conditions d’attribution de ceux-ci. Enfin, les primes doivent être prises en considération pour autant qu’elles constituent un élément obligatoire du salaire et non une libéralité.»

Ce que dit la loi

  1. Le salaire vise la rétribution globale du salarié: le salaire de base et les avantages.
  2. Le contrat de travail indique le salaire et la périodicité de son versement.
  3. Le contrat de travail indique l’existence d’un plan de pension complémentaire, son caractère obligatoire/facultatif, ses prestations et les cotisations personnelles.
  4. Tout salarié a droit au salaire social minimum.
  5. Le salaire de base est soumis à indexation.
  6. Le salaire de base est payé au plus tard le dernier jour du mois.
  7. Les émoluments accessoires sont payés au plus tard dans les deux mois suivants l’année de service, la clôture de l’exercice ou l’établissement de son résultat.
  8. Le salaire ne peut être modifié que du commun accord des parties.
  9. Toute modification unilatérale du salaire en défaveur du salarié doit être notifiée selon la procédure légale.
  10. La prescription en matière de paiement du salaire est de trois ans.

JURISPRUDENCE

Prime: élément obligatoire du salaire ou libéralité?

Suivant une jurisprudence constante, la gratification constitue en principe une libéralité laissée à la discrétion de l’employeur, à moins qu’elle ne soit due en vertu d’un engagement exprès (contrat de travail ou convention collective) ou que l’obligation de payer ne résulte d’un usage constant.

À défaut d’un engagement exprès, le salarié doit rapporter la preuve que la gratification réunit les caractères de généralité, de fixité et de constance nécessaires d’après la jurisprudence pour pouvoir constituer un usage constant.

L’arrêt de la Cour d’appel du 18 avril 2013 (no 38577 du rôle) confirme la jurisprudence antérieure.

Les faits étaient les suivants: Madame A était entrée au service de la société B en qualité d’hôtesse-secrétaire administrative. À ce titre, elle était dans un premier temps employée au siège administratif du groupe C (auquel appartenait la société B). La société B lui avait accordé une prime mensuelle, ce qui avait été formalisé par écrit comme suit: «Cette prime est déterminée en considération de la difficulté du poste de secrétaire-hôtesse d’accueil pour C Group. Elle est personnelle et doit rester confidentielle. Elle ne constitue pas un élément de salaire, mais un avantage lié à notre discrétion. Par conséquent, nous nous réservons le droit de la modifier ou de l’annuler sans préavis suivant votre évolution.» Madame A ayant par la suite demandé une mutation, la société B avait stoppé le paiement de la prime mensuelle.

Madame A a assigné la société B pour la voir condamner au paiement de la prime mensuelle, au motif que celle-ci constituait un élément obligatoire du salaire dont la suppression par l’employeur ne pouvait intervenir unilatéralement sans respecter la procédure légale de révision du contrat de travail.

La Cour d’appel a rejeté la demande de Madame A sur la base du raisonnement suivant:

  • premièrement, il résulte de l’écrit signé entre les parties que la prime était liée à une mission particulière (accordée en raison de la difficulté du poste de secrétaire-hôtesse d’accueil pour le groupe C) – situation qui n’existait plus après la mutation – et que l’employeur avait expressément exclu la possibilité que la prime constitue un élément obligatoire du salaire et que son paiement répété devienne un droit acquis pour la salariée;
  • deuxièmement, contrairement aux affirmations de Madame A, le paiement de la prime ne serait pas devenu un usage constant valant engagement tacite de l’employeur.

En effet, si le versement de la prime présentait bien un caractère de fixité (son mode de calcul était déterminé et déterminable) et de constance (elle avait été accordée de façon répétée depuis la signature de l’écrit), le caractère de généralité faisait défaut. En effet, la prime n’était pas attribuée à l’ensemble du personnel ou du moins à une catégorie de salariés déterminée.

La prime ne constituait donc pas un élément obligatoire du salaire, mais un avantage laissé à la discrétion de l’employeur. Elle pouvait donc être supprimée par l’employeur sans l’accord de la salariée et sans respecter la procédure prévue par la loi.