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Bon, d'accord' On ne vous apprendra rien en vous disant que les niveaux de salaire au Luxembourg sont généralement plus élevés - à métiers équivalents - à ceux pratiqués en France, en Allemagne ou en Belgique. Près de 90.000 travailleurs frontaliers le savent bien, eux qui, chaque jour, mettent à rude épreuve le macadam des autoroutes luxembourgeoises et les infrastructures ferroviaires. Taux d'imposition moins élevé, charges sociales moins lourdes, prélèvement à la source: la situation salariale "de base" d'un employé au Grand-Duché, représente déjà à elle seule un avantage non négligeable.

Mais la nature humaine est insatiable, c'est bien connu. À peine on lui en donne beaucoup qu'elle en redemande encore plus. Et pourquoi se priverait-elle de le faire, d'ailleurs, puisque bien souvent, on lui accorde ce qu'elle désire?

Sauf que ce type de raisonnement, dès qu'il s'applique à des salaires, a forcément ses limites. "Le marché est, d'une certaine façon, déstabilisé par des employeurs qui paient peut-être trop certaines catégories de personnel' constate Theresa Byrne, Senior Consultant au sein du Département Human Resources Management de PricewaterhouseCoopers à Luxembourg. "On est clairement dans une situation de surenchère", confirme Yiorgos Fragkos, Senior Human Capital Consultant chez Rowlands International, qui a noté une évolution vertigineuse au cours de ces deux ou trois dernières années qui correspondent, évidemment, à une période de forte croissance économique.

Une inflation de salaires étant néfaste à tous points de vue, il a bien vite fallu trouver d'autres arguments tout aussi sonnants et trébuchants pour améliorer un peu plus un quotidien qui n'est déjà pas si mauvais que ça, surtout en ces temps de net ralentissement de la conjoncture.

Les dispositions législatives encadrent un certain nombre de ces avantages en nature qui sont les plus couramment utilisés par les employeurs, mais aussi demandés par les employés. "Il est évident que l'attribution de divers avantages en nature est un atout majeur pour convaincre un employé de rester, même si, en retour, l'entreprise n'en tire pas forcément un avantage fiscal direct" note Nathalie Carbotti, Fiscaliste à la Fiduciaire Benoy Consulting. "Et globalement, les entreprises à Luxembourg ont une très bonne vision de tout ce qu'il leur est possible de proposer à leurs employés".

Parmi les possibilités existantes, le chèque repas figure parmi les plus répandues, et son exemption de charge sociale et patronales le rend d'autant plus attirant pour l'employeur. La détermination de l'exemption fiscale qui lui est accordée se fait en divisant la valeur totale du chèque en trois tranches ayant chacune un régime fiscal autonome.

La première tranche de 110 francs, qui correspond à l'évaluation de la valeur d'un repas servi en cantine d'entreprise, est, en principe, à rembourser par le salarié à l'employeur, la partie non remboursée étant imposable comme salaire (une "variante", moins connue des employeurs, consiste donc, pour l'employé, à ne pas payer ces 110 francs, lesquels sont alors ajoutés au salaire imposable). La deuxième tranche, comprise entre 110 francs et 330 francs, supportée par l'employeur (ou la valeur effective du chèque si celle ci est inférieure à 330 francs), est exonérée d'impôt. La dernière tranche, excédant 330 francs, est imposable, à moins que le salarié ne rembourse cet excédent à l'employeur. En résumé, seul un tiers du montant est imposable, au final, pour le salarié.

À noter que ces montants seront "rectifiés" à l'occasion du passage à l'euro, dès le 1er janvier prochain: la tranche de 110 francs deviendra 2,80 euro (soit 112,95 francs) et celle de 330 francs est "arrondie" à 8,4 euro (338.86 francs).

Autre "vedette" de la fidélisation du personnel: la voiture dite "de service" qui, outre la valeur brute non négligeable qu'elle représente, permet aussi et surtout de se soulager de tous les frais qui lui sont inhérents à l'usage (assurance, entretien, essence, ?). "Elle est bien sûr souvent accordée aux cadres dirigeants des grandes entreprises, mais aussi très développée dans les PME de services, ce qui permet à l'ouvrier de se rendre directement de son domicile vers un chantier ou un lieu d'intervention' constate Mme Carbotti.

Législativement parlant, c'est la "mise à disposition' d'une voiture, avec possibilité de l'utiliser à des fins privées, et non son utilisation, qui déclenche l'imposition de cet avantage en nature. La valeur mensuelle de l'avantage imposable est alors établie à 1,5% du prix global d'acquisition. Le salarié peut éventuellement participer aux frais d'entretien du véhicule, ce qui réduit la valeur de l'avantage imposable. Il peut aussi contribuer au prix d'achat (ou de leasing), à concurrence de 20% du coût à la charge de l'employeur, ce qui n'a aucune influence sur l'évaluation forfaitaire de l'avantage, mais peut, en revanche, être imputé sur sa valeur par le biais de l'amortissement. 

Moins répandue, sans doute, existe aussi la mise à disposition d'une habitation gratuite ou à loyer réduit, pour laquelle l'Administration des contributions prévoit d'évaluer l'avantage correspondant à 25% de la valeur unitaire de l'habitation (majoré de 10% supplémentaires si le logement est meublé), avec un minimum de 360 francs par m2 de surface habitable pour les studios et les appartements, et 300 francs pour les autres habitations.

Il existe également des avantages plus "techniques", que l'on retrouve plus usuellement dans le secteur financier, placé aux premières loges: l'octroi de prêts - hypothécaires ou personnels - sans intérêt ou à intérêts réduits (avec un taux seuil fixé à 6% depuis mars 1995), considérés comme suppléments de salaire dans le chef des salariés soumis, de fait, à une retenue d'impôt sur le salaire.

"Il est donc très facile, au Luxembourg, de bénéficier d'avantages fiscaux qui sont susceptibles d'inciter les employés à rester, sans que cela représente un coût additionnel pour l'entreprise constate Theresa Byrne. Actuellement, l'un des principaux bonus proposés consiste en l'aménagement des plans de pension. L'intérêt affiché par les employés est certain et, de surcroît, il s'agit vraiment d'une option tout à fait win-win'.

Rappelons que fin septembre, le gouvernement a prorogé jusqu'au 31 décembre 2003 le délai de mise en conformité des entreprises avec la loi du 8 juin 1999 sur les régimes complémentaires de pension, entrée en vigueur le 1er janvier 2000. Une décision prise en raison de la publication tardive de certains règlements grand-ducaux pris en exécution de cette loi, qui avait techniquement rendu impossible la mise en conformité de tous les régimes complémentaires de pension dans le délai initialement prévu par la loi (qui était au 31 décembre 2001).

Il reste, hors de cette base légale, d'autres possibilités, souvent plus récentes, et qui attendent toujours, en vain, un cadre juridique plus précis, sans que cela ne remette toutefois en cause leur existence: c'est typiquement le cas pour les abonnements GSM ou bien pour les stock-options qui, à l'heure actuelle, ne représentent de toute façon pas à proprement parler un avantage, puisqu'ils sont taxés. "Pourtant, il y a eu beaucoup d'évolution dans ces domaines là ces dernières années explique Mme Carbotti, sans que le législateur ne semble pressé à établir des textes de loi plus précis. Il est clair que même si beaucoup est déjà fait au Luxembourg, le pays peut encore mieux faire en matière d'avantages en nature".

A noter toutefois que l'encadrement fiscal du mécanisme des ?stock options? en faveur des salariés doit être précisé au niveau d'une circulaire du Directeur de l'Administration des contributions directes et ce, avant la fin de l'année.

Du coup, la lumière peut aussi venir des employeurs, et de leur imagination pour faire varier les plaisirs. "À partir du moment où les salaires et les principaux avantages proposés se ressemblent d'une entreprise à l'autre, ça vaut la peine de réfléchir un peu à ce qu'on peut apporter d'original en la matière", explique Mme Carbotti.

Outre les services apportés aux employés (lire l'article consacré à ce sujet), les entreprises commencent également à proposer ce qu'on appelle des "cafétéria plans"? Concrètement, l'employeur accorde à son salarié une "enveloppe" globale d'avantages.  À charge pour lui de choisir quels sont les avantages qu'il souhaite obtenir, et dans quelles proportions, avec une possibilité de "repondérer" une ou deux fois par an. "Ça complique peut-être le traitement informatique pour les fiduciaires, mais ça se développe tout de même bien' constate Mme Carbotti.

L'aide au financement d'entreprise peut également figurer parmi les originalités à étudier: un système qui permet, par exemple, à un employé de créer sa propre société, sous forme de filiale, financée majoritairement par son employeur.

Repas

Les chèques repas nourrissent l'économie luxembourgeoise

Le marché des chèques repas au Luxembourg est accaparé par deux acteurs principaux: le Groupe Accor et Sodexho, respectivement numéro un et deux mondiaux en terme d'émission de titres.

"L'exonération de charge sociale et les avantages fiscaux sont naturellement deux atouts principaux que nous mettons en avant auprès des sociétés, explique Christian Adam, Conseiller en entreprise et Responsable du développement au Grand-Duché pour Accor. Souvent, la personne avec qui nous avons affaire est intéressée non seulement au nom de la société, mais aussi pour elle même".

Ces dernières années, le marché des chèques repas a suivi la tendance de croissance économique. Accor touche actuellement plus ou moins 10.000 personnes pour un bon demi-millier de sociétés.

Sodexho, qui affiche quelque 10% de croissance annuelle, revendique pas moins du double (un millier de sociétés clientes et 27.000 utilisateurs quotidiens), avec un total de 5,2 millions de chèques repas émis au Luxembourg, entre septembre 2000 et août 2001, pour un montant de 40 millions d'euro. "Cet argent revient directement au secteur Horesca du Luxembourg, puisque ces chèques ne peuvent être utilisés qu'ici note Laurence Graff, manager de Sodexho Luxembourg. Ce n'est pas négligeable quand on sait que les travailleurs frontaliers consomment très souvent hors du pays".

Et d'insister sur le fait que, pour un employeur, ce système reviendra toujours moins cher que d'accorder une augmentation de salaire d'un montant équivalent.

Communications

GSM: paiements partagés

L'explosion, ces dernières années, du marché de la téléphonie mobile, a clairement changé la donne pour les entreprises. Désormais, elles sont susceptibles de pouvoir joindre leurs employés n'importe où et n'importe quand, surtout en dehors des heures de travail ! Avec un taux de pénétration largement supérieur à 80% (à relativiser compte tenu de la proportion d'abonnés frontaliers), le Luxembourg fait partie des pays les plus équipés dans ce domaine. Difficile, toutefois, de se faire une idée de la proportion des abonnements "corporate" par rapport aux abonnements "privés", les opérateurs de télécommunication étant assez peu loquaces sur le sujet, même si tous s'accordent à évoquer une demande croissante.

Là aussi, les possibilités de formules sont assez variées, voire innovantes, comme chez Mobilux, par exemple - où la clientèle Grands Comptes représente environ un tiers de la clientèle totale - "Nous proposons une formule où la société paye une partie de la facture à concurrence d'un certain montant, l'employé devant alors payer le complément. Cela a été expérimenté avec succès auprès d'un gros client et nous serons les premiers à le proposer pour tout le monde début 2002" explique Martine Hoeff, du Service des Grands Comptes de Mobilux.

Il est également fréquent que les sociétés demandent une restriction des appels à certains numéros seulement, afin d'éviter tout abus. "Il peut même arriver dans certaines sociétés de transport, que les chauffeurs ne connaissent pas leur propre numéro de téléphone" témoigne Mme Hoeff.