L'agora des sources de la démocratie ne doit pas devenir un forum populiste. (Illustration: ecclesia)

L'agora des sources de la démocratie ne doit pas devenir un forum populiste. (Illustration: ecclesia)

Personne ne pourra reprocher au gouvernement d’avoir ouvert la voie de la participation citoyenne directe par le biais des pétitions. Mais la pluie de demandes qui s’abat montre que ce n’est pas aussi simple. En outre, cela donne une idée du niveau d’implication, d’intérêt ou de réflexion. Et cela prend le pouls de la société...

Il y a les grandes questions du moment: les aides aux étudiants, le tram… Déjà dans l’actualité, ces sujets ont trouvé des échos, parfois multiples et en sens divers (car à un pour il y a toujours un contre), sur la page de la Chambre dédiée au dépôt des pétitions, ordinaires ou publiques.

Mais il n’y a pas que ce qui interpelle une quantité suffisante de citoyens. Pour espérer entrer en débat public, il faut 4.500 signatures, sur une pétition jugée recevable et dans le délai imparti. Le texte législatif précise d’ailleurs que l’objet de la pétition demandée doit être «d'intérêt général et d’intérêt national, les intérêts individuels étant exclus», outre qu’elle doit «respecter les principes d'éthique».

Sait-on que, pour l’instant, il y a une bonne trentaine de pétitions en attente de recevabilité, que doit examiner la commission ad hoc? On ne leur prédit pas toutes un grand avenir politique… Il faut dire qu’on trouve des préoccupations extrêmement variées, parfois pointues. Cela va de la création d'une Chambre des retraités sur base élective à l’introduction d'un salaire social minimum pour diplômés d'études supérieures, en passant par l’interdiction de l’utilisation d’animaux au cirque, la révision de certaines lois pour assouplir la mise en examen d'une personne accusée d'un crime ou la révision de la hauteur de trottoirs. Et on en passe...

Victime du succès

Il y a aussi des sujets, dont on sent bien qu’ils divisent profondément la société luxembourgeoise. C’est le cas du droit de vote: la pétition pour le droit de vote des étrangers est reçue et en cours de signature en ligne; la pétition qui s’oppose à l’ouverture du droit de vote aux non-Luxembourgeois est déposée aussi…

On pourrait ainsi multiplier les exemples. En tout état de cause, on ne peut que constater le succès de la formule. Et redouter, déjà, que la démocratie directe soit victime d’un tel succès. Ne trouve-t-on pas des pétitions pour demander gain de cause, si besoin par voie de référendum? Question: n’est-ce pas aller trop loin? Surtout si l’on considère qu’un élu est, déjà, par définition et par essence, le porte-voix de ses électeurs. Le député peut ainsi remonter dans un débat parlementaire les préoccupations qui lui auraient été soumises par ceux qu’il représente. Un scrutin, local ou législatif, c’est déjà une sorte de référendum, centré sur la question «voulez-vous oui ou non» de tel représentant, de telle politique, de telle façon de voir le monde ou, plus prosaïquement, votre pays ou votre ville?

Le dépôt de pétitions est sans doute très sain, mais il doit le rester et ne surtout pas se transformer en agora populiste, en forum de discussion façon café du commerce ou en déversoir d’instincts. Le filtre de la recevabilité sert aussi à cela. Le filtre de la vraie citoyenneté, par dessus, n’est probablement pas superflu.