Aux commandes des RH de Compass, Béatrice Soldà s'efforce de créer une culture commune entre toutes les entités du groupe, qu'elle a vu passer d'une société à quatre en quelques années. (Photo: Mike Zenari)

Aux commandes des RH de Compass, Béatrice Soldà s'efforce de créer une culture commune entre toutes les entités du groupe, qu'elle a vu passer d'une société à quatre en quelques années. (Photo: Mike Zenari)

Madame Soldà, pourriez-vous nous présenter l’étendue des activités du groupe Compass au Luxembourg?

«La fondation d’Eurest, une société de restauration d’entreprise par Nestlé en 1971, signe le début de l’histoire de l’ancêtre de Compass. La société française fait son apparition sur le marché luxembourgeois en 1982. Depuis lors, elle n’a cessé de grandir. Devenu leader mondial de la restauration d’entreprise, le groupe est actuellement présent dans 50 pays, emploie environ 480.000 personnes et sert 40 milliards de repas par an! Plusieurs dates clés émaillent son développement, dont la création d’Innoclean en 1996. En 2015, Compass Luxembourg repose sur quatre sociétés: Eurest qui reste la figure de proue et le métier historique, InnoClean pour les services de nettoyage, Novelia, spécialisée dans les soins de santé, et Automat’ Services, active dans la distribution automatique, la dernière arrivée. Plusieurs marques fortes viennent se greffer au tableau, dont Rosell en 1997, qui fournit différents services de traiteur intégrés, Eat n’ Break pour la restauration d’autoroutes depuis 2006, ainsi que Camille pour les soins à domicile en 2007. Au total, nous employons 1.450 collaborateurs dans divers endroits.

Quels sont les services qui font le lien entre ces différentes structures, toutes installées à Leudelange?

«Les RH, communes à toutes nos société, jouent un important rôle de centralisation, tout comme la communication. Grâce à plusieurs outils partagés, un intranet, un site web ou encore un journal interne et un flash info, celle-ci rappelle à chacun son appartenance au groupe. De son côté, mon département fait le lien entre les différentes entités et équipes de travail. Il fluidifie les contacts entre les départements et assure le recrutement, l’accueil, la formation de nos talents, des points essentiels dans nos secteurs d’activité.

Toutes nos sociétés sont autant de mentalités, de populations et de réalités différentes.

Béatrice Soldà, Compass

Comment intégrez-vous les nouveaux arrivants au sein du groupe, en nombre chaque année?

«Pour intégrer les nouvelles recrues, nous leur offrons à tous un livret d’intégration, réactualisé d’année en année et qui présente l’organisation, ses marques, son histoire, mais aussi la philosophe de l’entreprise et les piliers qui structurent les RH. L’étape de l’accueil est très importante. Plusieurs initiatives ludiques, comme une bibliothèque mise à disposition de tous les collaborateurs ou un comité de loisirs qui propose diverses activités à des tarifs préférentiels, font en sorte qu’ils se sentent bien chez nous. Tout comme la santé, le bien-être est un de nos axes phares.

Quels sont ces piliers qui sous-tendent l’action RH?

«Ils sont au nombre de six: la recherche & développement, qui rassemble tout ce qui a trait aux procédures, politiques et statistiques; puis le développement avec la gestion et l’appréciation des compétences, les plans de formation et autre gestion des carrières. Ensuite vient le pôle recrutement, un de nos gros volets, avec gestion prévisionnelle des postes et des compétences ou encore l’accueil et l’intégration. Après, il y a la politique sociale avec tout ce qui concerne la communication, la motivation et la fidélisation ; la négociation, qui englobe la gestion des conflits et des rapports collectifs au travail; et enfin la rétribution avec la rémunération, les avantages sociaux et l’évaluation. Au centre de ce schéma: la responsabilité sociétale. Notre vision est assez structurée et découle d’une stratégie ‘groupe’. Nous voulons qu’elle soit claire pour tous nos travailleurs.

En quoi la diversité est-elle au fondement de l’organisation?

«Elle figure dans notre ADN! Si notre core business est la restauration, nous regroupons 114 métiers différents, d’agent de restauration à infirmière en passant par livreur. Très étendue, cette palette de services est inédite au sein du groupe. Cette variété ainsi que la diversité de parcours ou les 23 origines de nos collaborateurs font notre force. Si c’est un sujet dont on parlait peu il y a quatre ans, il est devenu essentiel. Proposer des programmes d’attractivité, de créativité ou de valorisation des différences du personnel, pour encourager la diversité à tous les niveaux, me tient particulièrement à cœur. Nous avons en ce sens créé un groupe de travail en partenariat avec le List et signé la Charte diversité Lëtzebuerg. Nous avons aussi directement choisi de participer au premier Diversity Day le 12 mai dernier. Encadrée par Claudine Schmitt, managing partner Wellbeing at Work, l’initiative, composée d’un petit déjeuner et d’une conférence, a été un vrai succès. Nous sommes revenus sur le concept même de diversité et son illustration dans le quotidien de chacun.

Quel rôle peuvent jouer les valeurs dans la création d’une culture commune?

«Notre personnel est très décentralisé. Il se trouve dans nos restaurants, aux domiciles de nos clients, etc. La majorité de nos collaborateurs ne viennent que rarement au siège. Toutes nos sociétés sont autant de mentalités, de populations et de réalités différentes. Il faut les gérer différemment. Nos valeurs servent de connecteurs. On y retrouve l’ouverture, la confiance et l’intégrité, la passion pour la qualité, la réussite à travers le travail en équipe, la responsabilité et le ‘pouvoir-faire ’, soit une approche volontariste des défis qui se présentent à nous. Notre leitmotiv ‘Passion for services and people’ transparaît dans nos quatre pôles d’activité. Je suis convaincue qu’il s’agit d’un des moteurs de notre réussite. Notre ambition est de parvenir à être un groupe international où chaque personne peut être reconnue sur le plan local.

Qu’en est-il de votre politique de formation?

«Garantir un excellent service à nos clients, qu’il s’agisse de santé ou de nettoyage, passe par de nombreuses formations internes et externes pour que chacun puisse se perfectionner. Elles balaient tous les domaines: communication, techniques professionnelles, outils de gestion, langues… Rester à jour est indispensable. Pour ce faire, nous avons mis en place un plan de formation annuel individuel. De manière transversale, la sécurité de l’environnement et la prévention sont centrales dans nos professions, tout comme la santé de nos collaborateurs et de nos consommateurs. Il ne faut pas oublier que nos équipes sont nos premières ambassadrices. Leur apprentissage se fait également beaucoup sur le terrain, aux côtés de leurs collègues, de manière informelle.

Le terrain et les contacts restent très importants dans ce métier.

Béatrice Soldà, Compass

Comment équipez-vous vos managers?

«Étant sur place, au plus près des collaborateurs, ce sont nos relais. Nous les formons à savoir fédérer leurs équipes et devenir des leaders. La promotion interne est notre priorité, j’en ai d’ailleurs bénéficié. Dans cette optique, nous essayons de créer un cadre favorisant la mobilité et la progression. Globalement, notre management se veut basé sur la confiance et la responsabilisation des équipes. Nous valorisons l’esprit d’initiative et la proactivité. Classiquement, l’évaluation des performances se fait en fin de période d’essai, ainsi que lors de l’évaluation annuelle, un moment qui doit être privilégié entre un salarié et son N+1. Prendre le temps de se fixer des objectifs clairs est crucial.

Vous employez de nombreux métiers, quels sont vos canaux de recrutement?

«Selon le profil, c’est très variable. Pour certains métiers, nous allons dans des foires à l’emploi ou des job datings dans toute la Grande Région. Une de nos bases de recrutement est de permettre à des étudiants de découvrir le monde du travail de l’intérieur en intégrant un service. Chaque année, ils sont 250 à nous rejoindre. En outre, nous accueillons une vingtaine de stagiaires, tous profils confondus. Ces jeunes constituent une excellente réserve de talents. Ensuite, nous employons également de nombreux apprentis. À la fin de leur contrat, ils s’intègrent généralement bien dans notre groupe. C’est un excellent moyen pour nous de contribuer à la formation d’un futur jeune professionnel, tout en faisant, une nouvelle fois, la promotion de la diversité. Pour tous nos métiers, nous mettons tout en œuvre pour qu’il y ait une vraie adéquation entre le profil recruté et le poste à pourvoir. Les descriptions de fonction sont actualisées très fréquemment pour coller aux besoins. Notre image d’employeur est plutôt positive, je reçois tous les jours entre 10 et 15 CV.

Comment est construit votre programme d’actions positives?

«En 2006, le groupe Compass s’est engagé en faveur de l’égalité hommes-femmes dans le cadre d’un partenariat avec le ministère de l’Égalité des chances. 77% de notre effectif est féminin. Plusieurs actions visent ainsi à féminiser certains métiers techniques, égaliser notre politique de rémunération, notamment via des enquêtes salariales, et favoriser un bon équilibre vie privée-vie professionnelle. En créant un code de déontologie et en adhérant au Global Compact des Nations unies, nous avons formalisé ces engagements forts. Un meilleur équilibre entre les genres contribue à la satisfaction au travail et à la fidélisation. Plusieurs points doivent encore être améliorés. Nous devons encore renforcer la sensibilisation de nos équipes, participer à davantage d’initiatives locales et ministérielles, et mettre au point une politique en matière d’emploi des personnes en situation de handicap. 

Après une trentaine d’années dans les RH, comment envisagez-vous votre métier?

«Je vois le RH comme celui qui tire les autres vers le haut et leur permet de se développer et d’apprendre. En tant que DRH, il faut constamment anticiper les besoins en talents, formations ou recrutement de talents. Je vois mon rôle de DRH comme mi-opérationnel mi-stratégique. Le terrain et les contacts restent très importants dans ce métier, qui nécessite écoute et pédagogie.»

Apprentissage de terrain
«Je suis une autodidacte»
Arrivée chez Compass il y a une trentaine d’années, Béatrice Soldà débute à un poste administratif avant de gravir les échelons et de monter le premier département RH en partant d’une page blanche.

Béatrice Soldà fait ses débuts au sein du groupe international en avril 1986. Elle endosse rapidement la fonction de responsable RH où elle apprend le métier sur le terrain. En 2006, le management lui propose alors le challenge de monter un vrai service RH pour professionnaliser les services délivrés aux clients actuels. «J’ai appris en faisant, je suis une vraie autodidacte. J’ai eu la chance qu’on me fasse confiance.» Elle accepte de relever le défi en se formant en parallèle et endosse la fonction de DRH. «Nous étions seulement deux. Nous avons construit toutes les procédures ensemble, du suivi des formations à l’évaluation des performances. Nos services ont progressé en fonction de l’évolution de nos sociétés. Le groupe a énormément changé, nous avons débuté dans un appartement au centre-ville! Il a, par exemple, fallu intégrer le suivi de l’innovation ou la gestion de la diversité.» Actuellement à la tête d’une équipe RH de neuf personnes, Béatrice Soldà  gère quelque 1.450 collaborateurs. «Nous ne sommes pas nombreux, nous devons donc être efficaces et nous reposer sur des outils performants. Nous avons encore de nombreuses idées d’amélioration dans les tiroirs, partage-t-elle. Une chose est sûre, je ne me suis jamais ennuyée. Ce n’est plus la même société qu’il y a 10 ou 20 ans.»