Caroline Lamboley: «La fonction RH réclame souvent des talents d'équilibriste.» (Photo: Mike Zenari)

Caroline Lamboley: «La fonction RH réclame souvent des talents d'équilibriste.» (Photo: Mike Zenari)

Madame Lamboley, à peine arrivée chez BDO, vous avez dessiné le poste de DRH. Quelles ont ensuite été vos premières missions?

«Lorsque je suis arrivée, le département RH concentrait principalement son attention sur le recrutement. Avant toute chose, j’ai eu besoin de comprendre la culture de l’entreprise de l’intérieur, mais aussi de percevoir sa place sur le marché.

Le poste de DRH n’existait pas, j’ai donc eu l’avantage de pouvoir contribuer à construire mon rôle. C’était l’occasion de tout repenser. Tenir compte des procédures en place, valoriser l’existant et solidifier les fondamentaux étaient les clés du succès. Il ne s’agissait pas de faire table rase de ce qui avait été mis en place avant. De toutes tailles, certains projets ont été conçus de zéro, d’autres ont été adaptés. Le sourcing, le recrutement, la gestion de la performance ont été par exemple déployés, et il nous en reste encore beaucoup à mener. Et des beaux!

Comment les RH contribuent-elles à l’efficacité et la réactivité du business?

«Dans un environnement concurrentiel comme le nôtre, les RH doivent à tout prix être innovantes et créatives. On doit se poser les bonnes questions aux bons moments. Les besoins du business s’inscrivent en filigrane de l’ensemble de nos activités, du recrutement au plan de formation. Un de mes chantiers prioritaires a été de mettre en place une gestion de la performance informatisée. Le système existait sur papier, mais il fallait le faire vivre. En s’outillant de la sorte, notre objectif était à la fois de renforcer la culture de la performance et d’instaurer celle du feed-back, et donc in fine de mieux servir nos clients internes. Cela nous a aussi permis d’avoir un processus adapté à la taille de nos équipes et commun à toutes les départements. Quels que soient les outils ou les technologies mis en œuvre, c’est la motivation des équipes qui fera la différence. En gérant bien ses collaborateurs, on sert ses clients.

Quel est l’avantage pour un RH de faire partie d’un réseau international de 151 pays?

«Il existe de nombreuses synergies à l’échelle du groupe, notamment sur le plan de la formation. Un des objectifs groupe est de créer un sens du leadership commun. Les collaborateurs sont fréquemment amenés à suivre des formations techniques pointues.

Notre ambition à Luxembourg est d’étendre cet effort sur le plan des soft skills pour augmenter encore le nombre de rencontres, par exemple, dans les pays francophones. Depuis toujours, les filiales échangent de nombreuses bonnes pratiques et idées de projets. La mobilité internationale est encore, en revanche, trop timide, c’est quelque chose que nous souhaiterions encourager.

Dans le recrutement, c’est la personnalité qui fait la différence.

Ensuite, dans mon travail, je bénéficie d’une vraie communauté de RH au sein du groupe. Nous sommes amenés régulièrement à tous nous réunir physiquement. L’année passée, c’était à Varsovie. Cela permet d’échanger de bonnes idées et de mettre des noms sur des fonctions. On partage tous les mêmes problématiques d’attractivité ou de rétention, les échanges sont très riches. À côté de cette rencontre, nous avons des échanges très fréquents entre DRH des pays francophones et nous disposons d’un intranet RH mondial. Tous les bureaux peuvent le nourrir. Dès que j’ai un projet intéressant, j’ai le réflexe de le partager sur ce canal.

À quoi ressemble aujourd’hui votre équipe RH? Quels sont les talents qui vous secondent?

«Nous sommes en ce moment sept personnes au sein du département. Les profils forment un bon mix entre expérimentés, souvent issus d’autres grands cabinets de la Place, et juniors, qui démarrent généralement en stage chez nous. J’apprécie vraiment cette formule qui permet aux nouveaux de déjà bien connaître les équipes et les processus. J’ai aussi été une étudiante en recherche de stage. C’est important pour moi de leur proposer des expériences formatrices et avec une forte valeur ajoutée pour la suite.

De manière générale, avec qui collaborent les RH en interne?

«Tout le monde! Des employés à la direction. Un de nos rôles est de faire l’interface entre les deux et de mettre en action la stratégie sur le terrain. Dans cette optique, nous sommes constamment en contact avec l’ensemble des associés.

Comment vendez-vous l’image BDO? Quels sont ses atouts face aux traditionnels Big Four?

«Nous voulons que les candidats envisagent BDO comme une alternative. Pour cela, nous travaillons sur notre visibilité au quotidien. On engage moins et du coup, on vise les meilleurs. Les compétences et les profils sont fondamentalement similaires. C’est la culture qui va changer. On ne gère pas 400 personnes comme 2.000, la proximité est forcément différente. Notre plus-value est d’être très ancrés dans le marché luxembourgeois. Un autre atout est de rester une entreprise à taille humaine où on n’est pas seulement un numéro.

Nos jeunes auditeurs interviennent dans des industries variées dès la première année et ont sans doute plus d’autonomie que dans la plupart des cabinets de conseil. Ils ne sont pas enfermés dans le carcan d’une spécialité. Pour mettre en avant notre attractivité, nous avons décidé d’être plus présents sur les réseaux sociaux. C’est devenu impératif pour faire connaître sa marque employeur. Notre challenge reste de parvenir à montrer à l’extérieur la nouvelle vision RH portée en interne. Cette dernière s’illustre aussi à travers tout notre parcours d’intégration, du welcome day au suivi de l’intégration. Nous avons, en outre, planché sur un guide pratique accessible à tous sur Linkedin.

Où trouvez-vous vos talents?

«Nous sommes actifs dans la Grande Région et nous recrutons essentiellement sur ce territoire pour correspondre à notre portefeuille client local. Notre équipe doit pouvoir refléter leurs préoccupations, en particulier dans le cas des profils expérimentés, et proposer une expertise de terrain. Pour atteindre cette population, le bouche-à-oreille fonctionne particulièrement bien. Nous n’avons pas de politique de recrutement de masse, en moyenne, nous embauchons 100 personnes par an, tous départements confondus.

Pour trouver des juniors, nous participons à des forums étudiants au Luxembourg, mais aussi en France, en Allemagne et en Belgique. Nous travaillons aussi avec tout un réseau d’écoles. Une autre source de recrutement efficace est les stagiaires que nous recrutons chaque année, car nous avons pu observer leurs comportements professionnels. De l’autre côté, eux connaissent les valeurs de l’organisation et le contenu du poste. Ils savent exactement à quoi ils s’engagent. C’est un bon essai des deux côtés.

Nous avons également mis en place un système de référencement interne qui est très efficace, des débutants aux expérimentés.

Outre les compétences métiers, quels sont les éléments qui retiennent votre attention?

«Dans notre métier très concurrentiel, la motivation, l’implication et la proactivité de nos collaborateurs sont vitales. Ce sont également des critères de recrutement. Nous favorisons des candidats dont la soif d’apprentissage est forte. À mon sens, c’est la personnalité et la curiosité qui font la différence.

Menez-vous une politique particulière vis-à-vis de la fameuse génération Y?

«Il n’est plus à démontrer que les jeunes talents ne viennent plus seulement pour un salaire, mais souhaitent un environnement de travail qui leur permette de se développer et où ils peuvent être reconnus. Nous nous attachons à valoriser tous nos collaborateurs. Ceux qui sont présents depuis plus de 20 ans n’ont pas les mêmes attentes que les jeunes arrivés récemment. La beauté de cette diversité s’accompagne du challenge de trouver un équilibre entre les différentes générations. Le transfert des compétences est également un défi important dans une entreprise comme la nôtre. Nous réfléchissons notamment à mettre en place un système de parrainage pour encourager encore davantage l’échange de connaissances.

Comment se décline votre politique de formation? Quelles sont les améliorations prévues?

«La formation concerne aujourd’hui tous les employés, de la standardiste aux partners. Dès l’arrivée, nous accompagnons chaque personne à développer son bagage technique. Nous vendons une expertise pointue. Assurer une mise à jour précise des compétences et un suivi en amont des réglementations est absolument impératif pour nous. Nous avons récemment effectué un gros travail pour formaliser les différentes initiatives. Nous avons vu les premiers résultats en janvier 2015 sous la forme d’un catalogue de formation beaucoup plus complet. Nous en sommes très fiers. Nous avons renforcé et élargi les formations techniques déjà bien présentes dans tous les départements. Chaque sujet est dorénavant ouvert à tous les départements, suivant une logique plus transversale. Ensuite, nous avons introduit un volet soft accessible dès l’arrivée dans l’entreprise. On retrouve des modules à la carte comme la gestion du temps ou du stress, la cohésion d’équipe, la délégation, la communication interpersonnelle, des formations en bureautiques classiques ou en langues…

Quel processus d’évaluation avez-vous mis en place?

«Le système utilisé était auparavant peu harmonisé au sein des départements. Nous avons opté pour un outil informatisé standard que nous avons ensuite adapté à nos besoins, dans l’idée d’encourager encore l’échange de feed-back. L’évaluation est un rendez-vous formel, qui doit avant tout se faire en continuité avec des échanges quotidiens. Il ne faut surtout pas attendre cette date pour se parler! C’est l’occasion de faire le point sur toute une série de choses, dont les besoins de formation, au cœur du système. Je le vois comme un moment privilégié pour prendre le temps de discuter des objectifs qui ont été définis et des moyens à mettre en œuvre pour y parvenir.

Vos équipes étant souvent en clientèle, comment parvenez-vous à créer un sentiment d’appartenance commun?

«Le sentiment d’appartenance se met en place avec le temps, en particulier dans une structure où les collaborateurs sont peu au bureau. Cela passe par le partage de valeurs fortes quel que soit le contexte, dans nos locaux ou chez nos clients. Nous renforçons un esprit de corps en organisant des teambuildings plusieurs fois par an, eux-mêmes complétés par des afterworks initiés par notre délégation du personnel où tout le monde peut venir boire un verre. C’est un rendez-vous qui a de plus en plus de succès. Créer une culture commune se construit tous les jours.

Quelles sont les prochaines étapes de la transformation des RH?

«Jusqu’à présent, l’accent a surtout été mis sur le recrutement, la formation et la gestion de la performance. Nous allons poursuivre les efforts entamés en matière de communication interne et externe, qui demandent un travail continu. Ces projets nécessitent toute une série d’ajustements et un travail perpétuel sur nos outils de communication internes, par exemple sur notre intranet RH. Sur le volet externe, la partie carrière de notre site internet va encore être repensée et développée.

Quelle est votre vision du métier de DRH?

«C’est un rôle qui demande de penser à la performance du business, de veiller à l’excellence des équipes et au maintien d’un environnement de travail fructueux. Dans un contexte de concurrence accrue sur le marché du recrutement, il faut encore plus équilibrer ces trois pôles. Le RH a aussi la délicate tâche de transformer la vision de la firme en projets concrets. C’est une fonction qui réclame souvent des talents d’équilibriste.»

Parcours
«Une suite logique»
Après une école de commerce puis un master en RH à l’IAE de Nancy, où elle goûte à l’international avec plusieurs échanges, dont un à San Francisco, Caroline Lamboley démarre d’emblée sa carrière au Luxembourg.

«Je savais que je voulais travailler en entreprise, j’ai choisi une base de cours généraliste. J’ai pu avoir un bagage en marketing, finance, logistique… J’ai choisi de faire mon stage de dernière année dans un département RH. J’avais déjà eu des cours en GRH qui avaient capté mon attention. Le métier m’a tout de suite plu, j’ai donc su très vite ce que je voulais faire.»

Après un passage à la Sam dans le cadre de ses études, elle débute comme HR officer chez Guardian Automotive. «C’était une excellente école, j’étais alors une des seules femmes. Cela m’a appris à m’affirmer.» Elle a notamment eu l’occasion de toucher au sourcing, au recrutement, à la gestion administrative des RH et à la formation. Après presque deux ans, elle rejoint le monde des Big Four chez Deloitte, où elle construit son expertise de terrain. «J’ai pu travailler pour tous les départements de l’entreprise. L’expérience m’a permis de connaître les métiers et d’adopter une vision groupe.» Elle y occupe plusieurs fonctions, dont celle d’HR senior manager, qu’elle quitte en mars 2012 pour prendre la fonction de DRH chez BDO. «BDO s’est inscrit naturellement dans mon parcours.»

Elle y a pour tâches prioritaires de créer une stratégie et une politique RH adaptées aux enjeux économiques actuels.