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Alain Kinsch, country managing partner, EY Luxembourg. 

Évoquer les conséquences et opportunités liées au Brexit, c’est avant tout regretter la mise à mal d’un partenariat économique fort entre le Luxembourg et le Royaume-Uni. N’oublions pas que les Britanniques ont dominé le monde pendant des siècles, qu’ils constituent toujours une puissance commerciale à nulle autre pareille. Avec ou sans l’Union européenne, nos voisins continueront à peser lourdement sur les équilibres économiques existants. 

Considérant les perspectives à court terme, toutefois, il appartient au Luxembourg de tout mettre en œuvre pour profiter des opportunités liées au Brexit. Notre place financière est jusqu’alors parvenue à bien se positionner pour attirer des assureurs et quelques acteurs majeurs dans le secteur bancaire. Un autre enjeu important réside dans notre capacité à faire venir au Luxembourg les sociétés londoniennes de l’industrie des fonds, et notamment celles actives sur le segment des alternatifs. Ces sociétés établies à Londres ont sans doute un peu plus de temps que d’autres pour arrêter leurs choix stratégiques dépendant du Brexit, en fonction du moment où elles souhaiteront lever des fonds auprès des investisseurs européens. Je pense que nous allons voir encore une multitude d’entreprises actives dans le secteur des fonds alternatifs qui vont devoir se positionner dans les deux prochaines années.

Les régulateurs luxembourgeois participent à l’attractivité de la Place.

Alain KinschAlain Kinsch, Country managing partner (EY Luxembourg)

Dans ce contexte, Luxembourg doit se montrer plus attractif que jamais. Laisser partir ces sociétés vers d’autres pôles européens, c’est prendre le risque que d’autres écosystèmes financiers pouvant rivaliser avec le Luxembourg se développent ailleurs. Nous devons tout mettre en œuvre pour que la musique ne se joue pas ailleurs. 

Nous ne manquons pas d’atouts pour attirer les sociétés londoniennes qui désirent maintenir le lien avec le marché unique européen. On peut d’ailleurs se réjouir que Luxembourg ait remarquablement négocié le tournant de la transparence fiscale et de la conformité avec Beps. En outre, si Luxembourg ne présente pas forcément la fiscalité la plus compétitive, avec un taux nominal d’imposition des sociétés plus élevé que celui en vigueur dans d’autres pays, les sociétés se rassurent dans la sécurité que nous avons à offrir en matière de planification. Il n’en demeure pas moins vrai que, dans le contexte de Beps, Luxembourg doit encore gagner en compétitivité fiscale face à des pays comme l’Irlande ou les Pays-Bas. À terme, le taux nominal d’imposition devra être revu à la baisse.

Tant dans le domaine de l’assurance que des autres activités financières, les régulateurs luxembourgeois participent à l’attractivité de la Place. Tout en étant disponibles, réactifs et à l’écoute des acteurs qui souhaitent s’installer, ils mènent leur mission avec rigueur et sérieux, garantissant la réputation de la Place vis-à-vis des autres régulateurs et la confiance dans ses acteurs vis-à-vis des investisseurs.

Il faut mettre plus d’espaces constructibles à disposition, construire plus haut et trouver des solutions innovantes.

Alain KinschAlain Kinsch, Country managing partner (EY Luxembourg)

Le Luxembourg dispose donc de beaux arguments à faire valoir. Et heureusement d’ailleurs que le Brexit n’est pas intervenu il y a une dizaine d’années. Il faut saluer les progrès réalisés par les autorités ces derniers temps, notamment pour garantir une scolarité en anglais aux familles qui viennent de l’étranger, tant à travers le développement d’écoles internationales que dans l’éducation publique, ou encore en faveur du développement d’une offre culturelle de qualité. Car, plus que convaincre les entreprises londoniennes de rejoindre le Luxembourg, ce sont les équipes, leurs talents qu’il faut séduire.

Le Luxembourg a donc encore des chantiers importants auxquels il doit s’atteler, parmi lesquels la fiscalité des particuliers et le logement. 

Il sera en effet difficile de convaincre les membres d’une équipe de suivre leur entreprise au Luxembourg en leur annonçant qu’ils devront payer plus d’impôts et un loyer plus élevé. Des efforts importants sont menés afin de répondre à la demande en logement, mais ils sont encore insuffisants. Il faut mettre plus d’espaces constructibles à disposition, construire plus haut et trouver des solutions innovantes. La fiscalité des particuliers au Luxembourg, avec un taux d’imposition marginal à 47,18%, reste encore trop élevée, surtout pour attirer et retenir au Luxembourg des talents de haut vol. Il faut réformer dans ce sens pour gagner en attractivité.