Le Commissariat ne pouvait pas invoquer l'urgence pour augmenter ses taxes. (Photo: archives paperJam)

Le Commissariat ne pouvait pas invoquer l'urgence pour augmenter ses taxes. (Photo: archives paperJam)

Un point à zéro pour les courtiers contre le régulateur du secteur des assurances (CAA) qui avait fait passer en urgence, le 21 juillet 2012, un règlement grand-ducal «concernant les contributions aux frais de personnel et de fonctionnement» du Commissariat aux assurances.

Un petit courtier, déjà en bisbille avec le régulateur sur les obligations de fonds propres et de gouvernance qu’il a imposé sans distinction de leur taille à tous opérateurs, avait saisi en octobre 2012 le Tribunal administratif d’un recours. Il souhaitait faire annuler le règlement litigieux pour défaut de base légale. Pour cet opérateur, la hausse des taxes du CAA avait été de 333%.

Son principal argument se focalisait sur le défaut de justification de l’adoption du règlement grand-ducal selon la procédure d’urgence, c’est-à-dire en se passant de l’avis du Conseil d’État, en principe garant de la légalité de ce type d’acte. Le régulateur peut-il être autorisé à invoquer l’urgence pour la fixation de ses propres ressources? N’y a-t-il pas eu recours «abusif» à la procédure d’urgence pour masquer en réalité le retard que le CAA avait pris dans la confection de son budget? Ce sont les questions que l’avocat du courtier a mises en exergue et qui ont produit l’effet voulu sur les juges administratifs.

Raisonnement contradictoire

Le courtier en faisait d’ailleurs une affaire de principe: «Tout établissement public», lit-on dans le jugement, «pourrait légalement recourir à la procédure d’urgence dès l’apparition d’un problème de gestion interne ou d’un déséquilibre budgétaire futur, de sorte à rendre inutile l’obligation légale d’un avis préliminaire du Conseil d’État».

Les juges évoquent dans leur jugement du 14 novembre le «raisonnement contradictoire», sinon oiseux, des autorités qui avaient assuré au cours de la procédure que, malgré ses pertes affichées depuis l’exercice 2010, le CAA n’aurait pas voulu procéder à cette époque-là aux hausses de taxes pour ne pas imposer au secteur des assurances des augmentations trop fréquentes et la «lourdeur des formalités réglementaires et des formalités administratives s’y attachant».

Mais, de façon tout aussi paradoxale, le régulateur a avancé au cours de la procédure s’être résolu à l’augmentation des taxes en optant pour la procédure d’urgence précisément pour faciliter les formalités réglementaires et administratives qu’un règlement grand-ducal adopté par la voix classique aurait induit. Les juges ont encore rappelé que «des raisons budgétaires ne sauraient justifier l’urgence invoquée dans le cadre du règlement grand-ducal». 

Confortables réserves

Les comptes provisoires du CAA prévoyaient une perte de 448.634 euros pour l’exercice 2011. En 2010, l’exercice s’était soldé par une perte de 172.411 euros. Le trou prévisionnel se serait creusé à 1,9 million d’euros en 2014 et 2,3 millions en 2015 sans l’augmentation des taxes sur les opérateurs du secteur des assurances, s’était justifié le CAA, qui voulait éviter une troisième année consécutive de déficit de ses comptes.

Avec la hausse programmée, le Commissariat s’éloignait de la ligne rouge. Or, rien ne pressait vraiment. Le régulateur ne risquait même pas le défaut de paiement puisque, en 2011, ses avoirs en banque s’affichaient à 6,43 millions d’euros. Les seules réserves du Commissariat aux assurances couvraient donc largement une année complète de frais de fonctionnement.