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 (Photo: Julien Becker)

Monsieur Wirion, comment l’arti­sanat  vit-il la crise?

« Il est affecté, comme tout le monde. Le signe le plus tangible est la réduction du nombre de créations d’emploi en 2012 (867 contre 3.608 en 2011). Malgré tout, il y a encore création d’emploi, et la position de l’artisanat comme premier employeur du pays reste indiscutable. Je pense que 2013 sera similaire à l’année dernière. Le manque de visibilité peut induire une frilosité relative. Certains employeurs hésitent à recruter. La construction, par exemple, connaît une concurrence effrénée sur les prix, une baisse des marges et un allon­gement des délais de paiement qui n’incitent pas à l’embauche. Pourtant, l’artisanat a besoin de main-d’œuvre, qualifiée surtout. Les progrès technologiques – comme la nécessité de maîtriser les spécificités des bâtiments passifs dans le domaine de la construction – exigent du per­sonnel maîtrisant les nouveaux produits et techniques ; et l’augmentation de la taille des entreprises demande un dévelop­pement des fonctions d’encadrement. L’artisanat se trouve ainsi face à un tournant : entre sa perception erronée (l’embauche exclusive de travailleurs manuels est une image d’Épinal) et les réalités du terrain (besoins de profils pointus et d’encadrement), il doit se forger une image adéquate.

Dans ce contexte, comment se dessine de­main?

« L’activité de l’artisanat est étroitement liée à l’évolution de l’économie en général. Le secteur financier reste un moteur. Mais le devenir de l’artisanat est également lié à l’attitude adoptée par les différents types de clients. Si la crise perdure, les particuliers risquent de voir leur pouvoir d’achat diminuer et, par ricochet, de réduire leur consommation. Idem pour les entreprises qui, en baissant leurs investissements, impacteront de nombreux secteurs artisanaux. Enfin, les pouvoirs publics – gros pourvoyeur d’activités – risquent aussi de réduire la voilure des investissements. Cependant, si les risques sont réels, des opportunités existent, dont il faut pouvoir profiter. L’assainis­sement énergétique est une de ces voies d’avenir, tout comme la diversification des marchés à travers l’exportation. Nous constatons que les PME voient les marchés voisins et européens comme des alternatives au marché local.

Les besoins RH de la Chambre s’en trouvent modifiés ?

« Vu la complexité croissante du monde économique et compte tenu de l’accroissement des réformes, la Chambre des métiers a décidé de réduire son éventail à une douzaine de domaines d’expertise afin d’apporter aux entreprises aide et conseils pointus. Nous nous sommes entourés de collaborateurs spécialisés. Il y a une dizaine d’années, les demandes étaient basiques ; aujourd’hui, les entreprises viennent vers nous avec des questions ciblées. Nos collaborateurs sont formés en interne afin de pouvoir répondre au mieux aux attentes des PME.

Que faudrait-il changer selon vous ?

« D’un point de vue général, il faudrait amplifier les actions qui visent à diversifier l’économie. Le commerce électronique et l’ICT constituent un potentiel indéniable pour l’artisanat (développement du réseau fibre optique, construction et maintenance de data centers), tout comme peuvent l’être la logistique (construction et entretien des infrastructures de transport) et éventuellement les biotechnologies. Je crois qu’il est urgent de simplifier les procédures administratives (notamment pour ce qui est de l’urbanisme) et, de ce fait, de réduire significativement les délais. La Chambre des métiers a fait des propositions concrètes en ce sens. Ces simplifications auraient pour effet, notamment, de faciliter l’implantation des entreprises. »