Depuis septembre 2014, Luxembourg possède, tout comme Singapour, Malte ou Genève, son port franc. Un entrepôt de quelque 22.000 m2 hautement sécurisé, installé sur le site de l’aéroport du Findel et destiné à accueillir œuvres d’art, bouteilles de vin ou autres voitures de collection. Des objets de très haute valeur stockés et non soumis aux taxes, selon les régimes en vigueur dans ce type d’installations. Une particularité fiscale sur laquelle s’est penchée l’émission Vox Pop, diffusée dimanche soir sur Arte.

Approfondissant les exemples de Genève et de Luxembourg, le reportage s’est interrogé sur le bien-fondé de ces structures et les risques de trafic liés à leur opacité. Présentés comme «des zones vulnérables au blanchiment d’argent», les ports francs installés sur le sol européen recueilleraient ainsi, selon le reportage, plusieurs centaines de milliards d’euros de marchandises non soumises à l’impôt.

L’idée d’un port franc n’était, au début, pas la bienvenue.

Jeannot Krecké, ancien ministre de l’Économie

Celui de Genève, le plus important d’entre eux, recèlerait à lui seul quelque 82 milliards d’euros de biens. Dont certains en provenance de ou destinés à des trafics illégaux selon l'émission. Expliquant comment «les grandes fortunes délèguent à des entreprises de logistique le soin de s’occuper de tout», l’émission pointe du doigt les enjeux de ce business.

L'équipe de l'émission s'est donc rendue dans les installations du port franc de Luxembourg pour y rencontrer son directeur David Arendt lors d’une visite de presse. L'équipe d’Arte indique, suite à sa visite, que les coffres du Freeport renfermeraient des lingots d’or pour «un montant tenu secret pour des raisons de sécurité», selon Jacques Templé, directeur général adjoint de Brink’s Luxembourg, société mandatée pour gérer le stockage des biens. 

Pour le Grand-Duché, la stratégie de diversification destinée à «remplacer le secret bancaire, voué à disparaître en 2017», selon les termes d’Arte, a été initiée par Jeannot Krecké, ancien ministre de l’Économie, qui indique avoir été mis en contact avec Yves Bouvier, principal actionnaire privé du port franc de Genève et l’un des promoteurs du site luxembourgeois. Une rencontre qui a «relativement vite abouti à un accord» quant à la construction «à ses frais» d’un coffre-fort hautement sécurisé au Findel. Et ce, malgré une idée «qui n’était pas, au début, la bienvenue», selon l’ancien ministre.

«Les hangars du port franc sont déjà presque tous réservés»

Des réticences initiales qui seraient, selon le reportage, vite tombées puisque «le pays, alors dirigé par Jean-Claude Juncker, l’actuel président de la Commission européenne, a changé ses lois fiscales pour pouvoir créer son port franc». Une opération qui «n’a rien d’illégal», mais qui fait réagir certains eurodéputés, comme le Belge Philippe Lamberts, vice-président du groupe Les Verts. Celui-ci regrette le manque de transparence de ce type d’installation et les manœuvres de Jean-Claude Juncker, alors Premier ministre, pour trouver un moyen de continuer à attirer des grandes fortunes une fois le secret bancaire évaporé.

Reste que la stratégie développée au Luxembourg semble fonctionner, puisque Vox Pop affirme que «les hangars du port franc de Luxembourg sont déjà presque tous réservés».

Un sentiment en demi-teinte

À la vision du reportage, on reste, vu du Luxembourg, forcément sur un sentiment en demi-teinte. Si le sujet et le sérieux des équipes d’Arte ne sont pas à remettre en doute, les ficelles utilisées au montage ont comme un air de «déjà-vu» à l'égard du Grand-Duché. À l'instar du schéma illustrant le fonctionnement d’un trust ou de la notion de paradis fiscal, représenté par le dessin d’une île sur laquelle on pose un coffre-fort... on n'est pas loin de la valise dans la lessiveuse qui avait tant fait scandale sur France 2 en... 2008.

On regrettra par ailleurs qu'il n'ait pas été mentionné que des installations du type «port franc» sont aussi présentes en Allemagne et en France, mais pas forcément avec le même niveau de sécurité et d'exigence quant à la traçabilité des biens entreposés. Voulant faire preuve de transparence - autant que faire se peut - le Freeport luxembourgeois est forcément, un peu, victime de cette stratégie de communication.

Mais c'est aussi le prix à payer... D'autant que ceux qui jouent l'amalgame avec des cas qui ne concernent pas Luxembourg auraient probablement été les mêmes à regretter que les portes du port franc restent closes à leur caméra...