Si les sites luxembourgeois bénéficient de marchés de niche les protégeant relativement contre le chaos sur les marchés de l'acier, des investissements sont indispensables selon les syndicats. (Photo : Mike Zenari / archives)

Si les sites luxembourgeois bénéficient de marchés de niche les protégeant relativement contre le chaos sur les marchés de l'acier, des investissements sont indispensables selon les syndicats. (Photo : Mike Zenari / archives)

Ce qui devait n’être qu’une simple réunion de suivi des effectifs et des investissements dans le cadre du plan Lux2016 a pris les syndicats de court. Au lieu d’expédier la question des outils sociaux en quelques phrases, comme habituellement, la direction est arrivée avec «déjà un plan prédéfini», remarque Jean-Claude Bernardini, secrétaire central de l'OGBL en charge de la sidérurgie. «Dire qu’on n’a plus besoin d’une nouvelle cellule de reclassement ni de la pré-retraite ajustement, cela a fait l’effet d’une bombe.»

La CDR et la pré-retraite ajustement font partie de ces instruments d’accompagnement des salariés mis en place afin d’absorber le sureffectif conjoncturel et structurel qui pèse depuis les années 1970 sur la sidérurgie luxembourgeoise, de l’Arbed à ArcelorMittal. Les salariés dont l’outil de travail est arrêté ou dont le poste est tout simplement supprimé peuvent, au sein de la CDR, être affectés sur d’autres postes vacants de manière temporaire ou définitive, ou encore être prêtés à d’autres entreprises ou à des communes.

Quant à la pré-retraite ajustement, elle concerne les salariés proches de la retraite et qui ne pourront pas retravailler après une longue carrière à un poste pénible. Ces outils sont largement financés par l’État et font partie des plans "LuxXXXX" en tant que contribution du gouvernement à la sauvegarde du secteur sidérurgique.

On ne peut pas se permettre de retirer la roue de secours du coffre.

Robert Fornieri, secrétaire syndical LCGB Mines

«Ce qui est étonnant, c’est que la direction dit que l’acier reste dans un climat de crise en Europe», souligne Robert Fornieri, secrétaire syndical LCGB Sidérurgie. «Les arguments de la direction ne sont absolument pas convaincants», renchérit Jean-Claude Bernardini. «Elle explique pendant une demi-heure que l’acier est toujours en crise, mais dans la même phrase elle dit que la CDR ne va plus accepter de nouvelles personnes, qu’elle ne pourra plus laisser les gens partir en pré-retraite car elle est en manque d’effectifs.»

«C’est contradictoire et culotté», commente le syndicaliste OGBL. «Sans faire de nostalgie, c’est remettre en cause un système qui fonctionne et qui a donné des résultats.»

D’autant que certains sites pourraient devoir supprimer des postes dans les prochaines années si la conjoncture ne s’améliore pas. «Le train A de Rodange n’est pas stable – 250 salariés –, Dommeldange voit fondre les commandes de Paul Wurth comme neige au soleil – 120 salariés –, l’électrozingage de Dudelange utilise une technologie en train de s’éteindre – une soixantaine de salariés…», énumère Robert Fornieri. «Nous voyons encore beaucoup d’incertitudes et de risques, on ne peut pas se permettre de retirer la roue de secours du coffre. En tout cas pas avec notre accord.»

Nous ne signerons pas d’accord tripartite qui ne contiendrait ni la CDR ni la pré-retraite.

Jean-Claude Bernardini, secrétaire central OGBL chargé de la sidérurgie

Même discours du côté de l’OGBL, qui «ne signer[a] pas d’accord tripartite qui ne contiendrait ni la CDR ni la pré-retraite». «Il faut maintenir les outils, quitte à les négocier ou à ne pas les utiliser», plaide Jean-Claude Bernardini. Les syndicats parlent de «valoriser la CDR» en offrant des formations aux salariés, en leur permettant de se reconvertir.

«Ce qui nous inquiète le plus, ce sont les investissements prévus pour les cinq prochaines années: il n’y aura pas d’investissements conséquents», alerte Robert Fornieri. Des investissements qui se chiffrent habituellement en dizaines de millions d’euros et constituent l’effort du sidérurgiste dans les plans LuxXXXX. «La direction prévoit une augmentation de la production de 2,5 millions de tonnes d’ici 2020 seulement en améliorant le taux de marche des installations» - simplement par l’entretien et la maintenance. «Le groupe soutient le cash qu’on génère mais pas les investissements conséquents» dont les sites ont besoin, regrette le syndicaliste. 

La création de nouvelles lignes de production est un investissement très lourd qui ne se justifie pas au vu du marché.

ArcelorMittal

«Nous continuons à faire des investissements», se défend la direction d’ArcelorMittal contactée par Paperjam.lu. «Nous prévoyons encore des investissements conséquents à Differdange cette année (35 millions, ndlr). La création de nouvelles lignes de production est un investissement très lourd qui ne se justifie pas au vu du marché.» L’entretien et la maintenance doivent selon la direction être considérés comme de véritables investissements.

Quant à la CDR et à la pré-retraite ajustement, ArcelorMittal avance que «ces dispositifs, mis en place dans un contexte particulier marqué par une contraction importante de l’emploi, ont parfaitement rempli leur rôle jusqu’à ce jour». Toutefois, «elle se place dans une optique d’évolution positive de ses activités au Luxembourg dans le cadre de son plan stratégique 2020. Elle ne prévoit pas de changement significatif en matière d’emploi. Ainsi, le recours au système de ‘pré-retraite ajustement’ n’est plus nécessaire.»

L’OGBL et le LCGB ont prévu de se retrouver début septembre pour «accorder leurs violons» avant la prochaine réunion du comité de suivi tripartite qui doit préciser les contours du futur plan LuxXXXX, outils sociaux et investissements inclus.

En attendant, le CSV a demandé d’urgence une réunion jointe de la commission du travail, de l’emploi et de l’économie sociale et solidaire et de la commission de l’économie.