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Laurent Beauloye (ArcelorMittal): «les échanges auraient lieu en Linden <br/>dollars». (Photo: ArcelorMittal/Second Life) 

Après être passée de la criée à l’électronique dans les années 1980, la Bourse va-t-elle maintenant devenir virtuelle? Déjà présent sur six places de cotation dans le monde, ArcelorMittal étudie en tout cas très sérieusement la possibilité de faire lister son action sur Second Life, une cité numérique créée en juin 2003 par la société californienne Linden Lab. «Nous souhaitons rajeunir notre population d’actionnaires. Cette innovation permettrait en outre de toucher un actionnariat mondial, habitué aux nouvelles technologies», explique Laurent Beauloye, responsable Europe des relations avec les investisseurs institutionnels et privés du groupe sidérurgique. La moyenne d’âge des actionnaires d’ArcelorMittal atteint 68 ans, alors que les utilisateurs de Second Life se situent généralement dans une tranche de 25 à 35 ans. «Les échanges auraient lieu en Linden dollars, la monnaie en circulation sur Second Life», poursuit-il. Les modalités techniques des opérations restent à définir, mais les titres pourraient ensuite être convertis en vraies actions avec l’aide d’un broker.

Une vie économique s’est déjà développée sur le site de réalité virtuelle, avec des échanges de biens et services, un marché de l’immobilier, des «opportunités d’affaires», et même un cours de change pour le Linden dollar qui se monnaye à 265 pour un dollar américain. Il y a deux ans déjà, le magazine américain Business Week consacrait sa première page à l’enrichissement bien réel de certains «résidents» de Second Life, sous le titre «virtual world, real money». Reste néanmoins à savoir comment ce marché d’actions virtuelles pourrait répondre aux besoins de protection des épargnants et se soumettre à une autorité de surveillance.

«Téléportation» sur l’ «île»

Le projet de cotation fait suite à un évènement de communication financière tout aussi inédit réalisé mardi dernier par ArcelorMittal. Parallèlement à une réunion investisseurs organisée à son siège luxembourgeois, le numéro un mondial de la sidérurgie a réalisé un meeting interactif sur Second Life. Actionnaires ou pas, les internautes étaient invités à créer leur avatar (la représentation graphique de leur personnage) sur le site Internet et à venir poser leurs questions en temps réel à Lakshmi Mittal, chairman et CEO du groupe, après une «téléportation» sur l’«île» imaginaire d’ArcelorMittal. Les visiteurs, devenus «résidents» de cet univers parallèle, ont eu accès en ligne à une présentation vidéo, à des documents, et à une série d’épisodes de la Web TV du groupe. Ils ont aussi pu dialoguer entre eux et avec les sept représentants d’Arcelor Mittal qui avaient créé leur propre «avatar», comme Aditya Mittal, le directeur financier et fils de Lakshmi. L’aspect technique de la manifestation avait été confié à Vanksen Group, une agence à laquelle le groupe avait déjà fait appel pour le lancement de sa Web TV.

Plus de 60 avatars ont assisté à cette réunion d’un nouveau genre, et environ 300 connexions ont été enregistrées au cours de la journée: des chiffres jugés satisfaisants par ArcelorMittal. «Nous sommes ravis d’être pionniers dans la communication avec les actionnaires individuels et réfléchissons à la façon de développer activement notre centre de réunion virtuel sur Second Life. Ce centre est toujours actif et permet actuellement aux actionnaires d’interagir quelle que soit leur localisation géographique. Nous comptons leur donner rendez-vous lors de prochains évènements», indique Laurent Beauloye.

Cet enthousiasme n’est pas partagé par tous les adeptes de Second Life, dont certains semblent avoir été un peu désorientés. C’est le cas d’un des auteurs de SLobserver, un blog consacré à Second Life qui raconte son vécu: «... *Teleportation* J’arrive devant un bâtiment rouge, le logo ArcelorMittal s’affiche, que fais-je là ? On me lance un "hello" puis silence radio... J’entends au loin qu’on doit regarder la vidéo, qui malheureusement ne passera pas sur mon poste, le flux vidéo étant bloqué par le proxy où je suis actuellement connecté, mais à mon soulagement, je ne suis pas le seul à ne rien voir...Un jour, ils apprendront... peut-être...». Dans l’univers virtuel aussi, les critiques peuvent avoir la dent dure.